Cette communication reprend l’intégralité de l’intervention des Clionautes aux salons de Choiseul, organisés dans cet établissement de Tours depuis 3 années consécutives. Le thème de cette année était celui des « révolutions », et l’organisation a souhaité que la révolution russe soit intégrée dans le cycle de conférences qui a été largement annoncé par nos soins.
Ces salons de Choiseul ont permis de diffuser auprès d’un large public, très attentif, de nombreuses problématiques concernant nos disciplines. Cette présentation sur « enseigner la révolution russe », s’inscrivait dans cette démarche.

Une exportation au format PDF est jointe au texte de la communication.

Dire que l’histoire est une passion française, ce que l’on rappelle à propos de la place de la première guerre mondiale dans les programmes, sur le site de la mission du centenaire de la guerre de 14 18 est une évidence. Depuis quelques années, mais les plus anciens se souviennent également de périodes que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître, il est facile d’agiter le microcosme éditorial et médiatique, à propos des programmes d’histoire que l’on évalue à partir des manuels et de quelques exemples partiels.
Il convient de rappeler, à la suite de Laurent Wirth, ancien doyen du groupe histoire-géographie de l’inspection générale, que : « Seuls les programmes relèvent de la responsabilité du ministère et font l’objet d’une publication officielle ».
L’objet de cette de communication, n’est certes pas de revenir sur les conditions d’élaboration de ces programmes scolaires mais de dresser un tableau basé sur plus de 30 années d’exercice sur l’évolution de la place accordée à un événement majeur de l’histoire du XXe siècle, la révolution russe.

Dire la révolution russe, c’est déjà faire un choix, on a pu parler pendant un temps « Des » révolutions russes, associant la révolution de 1905, celle de février 17 qui se déroule en mars pour le calendrier grégorien et celle d’octobre, de novembre, pour la révolution bolchevique.

L’objet de cette intervention est bien entendu de retracer, pour la période qui correspond à la durée d’existence de l’intervenant qui est devant vous, à partir des programmes de 1957, la place que cette révolution russe a pu occuper, comment les praticiens de l’histoire et la géographie ont pu aborder cette question, comment nous avons essayé au fil des années, des générations d’élèves qui nous ont été confiés, de transmettre à propos de cet événement, à la fois des connaissances et des éléments de compréhension du monde qui les entourait, et qui les entoure aujourd’hui.
L’effondrement du bloc soviétique à partir de 1989, l’implosion de l’Union soviétique comme modèle alternatif global, à la fois sur le plan économique et politique, ont bien entendu rebattu les cartes. Il n’a jamais été simple avant 1989 d’expliquer à des élèves, de collèges comme de lycée, des concepts comme socialisme ou communisme, et leurs différentes acceptions. Parler du socialisme au début des années 80, c’était déjà se livrer à une subtile explication, dont je me demande encore comment elle était reçue, sur les différences entre le premier président socialiste de la 5e République, François Mitterrand et l’union des républiques socialistes soviétiques, incarnée jusqu’en 1985 par une succession de vieillards, Leonid Brejnev, Youri Andropov et Constantin Tchernenko. Qui s’en souvient encore ?

Au fur et à mesure de la disparition électorale du parti communiste, je parle du parti communiste Français, le sens de ce mot est devenu de plus en plus opaque. Il est difficile aujourd’hui de rappeler que la Chine reste un pays dirigé par le parti communiste tout en montrant son insertion dans la mondialisation actuelle. Heureusement, si je puis me permettre, il nous reste la Corée du Nord, même si l’on peut « redouter » des évolutions à court ou moyen terme.

On peut admettre, en propos liminaire, même si nous allons le démontrer, que la place de cet événement dans les programmes scolaires s’est considérablement réduite. Si l’on peut considérer que les manuels reflètent, même imparfaitement, les programmes élaborés dans les différentes instances, l’inspection générale avant 1989, le conseil national des programmes entre 2002 et 2004, les groupes d’experts divers, le conseil supérieur des programmes actuellement, on se rend bien compte qu’il y a eu des choix opérés à différentes époques qui ont conduit à accorder plus ou moins de place à tel ou tel événement, la révolution russe dans le cas qui nous réunit aujourd’hui.

Pour démarrer cette étude, nous allons examiner, à partir des instructions officielles et de quelques manuels, du collège et du lycée, la place de la révolution russe, et comment elle s’inscrit dans la logique de ces programmes.
Nous essaierons de faire un retour en arrière en essayant de fournir quelques éléments d’explication.

Prenons comme fil conducteur ce qui a été mon parcours d‘élève et de jeune enseignant ayant commencé sa carrière à la rentrée 1981. J’ai retrouvé le cours que je prétendais vouloir faire en troisième : Le chapitre s’intitulait : « le temps des guerres et des révolutions ». J’avais dévoré alors l’ouvrage de Ernst Nölte.

Leur procédure d’élaboration a varié au cours du temps. L’inspection générale y a joué un grand rôle jusqu’en 1989, date à laquelle a été mis en place un Conseil national des programmes supervisant des « groupes techniques disciplinaires » constitués d’universitaires, de professeurs et d’inspecteurs. Ce Conseil a disparu progressivement entre 2002 et 2004. Ce sont ensuite des « groupes d’experts », pilotés par l’inspection générale et constitués de professeurs du secondaire, d’universitaires et d’inspecteurs pédagogiques régionaux, qui ont élaboré les programmes les plus récents du collège et du lycée. Ces projets de programmes ont été soumis à une consultation des enseignants, puis présentés, pour avis, au Conseil supérieur de l’éducation. Le projet de la future loi sur la refondation de l’École a mis en place un « Conseil supérieur des programmes ».

À ces programmes, se sont rajoutées des appelés « instructions officielles », puis des « documents d’accompagnement » et enfin des « ressources pour faire la classe ».
Selon l’ancien doyen, – Laurent Wirth – cette évolution dans les termes utilisés pour désigner ces compléments est significative d’un souci de plus en plus grand de respecter la liberté pédagogique des enseignants.

On me permettra d’être plus circonspect. Dans le cadre de programmes qui, en histoire, voient leurs contenu se réduire, cela signifie que, pour traiter telle ou telle question, on se retrouve avec des points de passage obligés qui se révèlent terriblement injonctifs. On a pu dire, j’ai pu dire, que l’on a parfois le sentiment d’être infantilisés.

Pourrait-on par exemple, et c’est ce que je vais essayer de démontrer ici, traiter de la Révolution russe comme on le faisait dans les années soixante, soixante dix, quatre vingt, lorsque j’ai commencé à me livrer à cet exercice ? Sans doute pas, d’ailleurs comment le faisions nous alors ?

Les manuels relèvent de la seule responsabilité des éditeurs privés qui sont en concurrence. Pour leur élaboration, ils réunissent des équipes constituées essentiellement de professeurs. Mais il est souvent arrivé jusqu’à une date assez récente que des IPR soient aussi directeurs de collection.

Ces manuels sont édités sans contrôle du ministère, ni a priori ni a posteriori, au nom de la liberté éditoriale affirmée au début des années 1880. Ils sont choisis au sein de chaque établissement par des « conseils d’enseignement » constitués par tous les professeurs de la discipline. Pour pouvoir être choisis, il faut bien sûr qu’ils soient conformes aux programmes, mais ils ne sont pas le programme, et ils peuvent être plus ou moins fidèles à son esprit. C’est aux professeurs de l’établissement d’en juger quand ils font leur choix collectivement.

S’ils ne sont que l’un des instruments à la disposition des élèves et des professeurs, c’est tout de même à partir d’eux que l’on polémique souvent sur les programmes.
Les professeurs et les élèves peuvent utiliser d’autres ressources, de plus en plus nombreuses à l’heure du numérique, et ils disposent, à défaut d’une liberté pédagogique entière, d’une marge de manœuvre. Est-celle satisfaisante ?
C’est une des questions que nous allons nous poser.
Ce qui se passe dans les classes ne peut être jugé à l’aune des seuls manuels. Pas plus que ce qui se passe dans les classes n’est vraiment évaluable à l’aune des seuls programmes ni même des rapports d’inspection.
On a pu lire d’ailleurs dans des rapports d’inspection récents, à propos de la façon dont nos appréhendions les programmes que nous n’exercions pas « une profession libérale ». Sans doute pas ; nos revenus peuvent en attester. Ni même une profession règlementée.
Toutefois nous avons pu observer, au moins depuis une bonne dizaine d’années, une tendance de l’inspection à mettre en avant, à la fois les contenus sélectionnés et aussi les méthodes. L’étude de cas en géographie notamment. Cette même étude de cas étant mise en avant sous le nom de dossier d’activité en histoire. La Révolution russe est traitée ainsi dans la plupart des manuels. Il faut d’ailleurs avoir conscience des effets que cela produit dans le processus d’apprentissage. Cela fait partie souvent des pages que l’on passe entre les deux chapitres du cours.
Ce qui est évident à la lecture des différentes générations de programmes c’est que la Révolution russe qui était traitée en tant que telle, comme conséquence de la première guerre mondiale, et l’évolution de la Russie soviétique jusqu’à la seconde guerre mondiale, ne sont plus abordées que comme des présentations des prémices du totalitarisme. Un totalitarisme qui englobe, qu’on le veille ou non, le fascisme mussolinien, le communisme stalinien et le national socialisme hitlérien.
Quelques éléments d’illustration

Programme de 1945: terminale – La guerre de 1914-1918 : Les causes Immédiates Les principales phases Les traités de paix – La Société des nations.
Programme de 1957: première (programme de terminale consacré aux civilisations) La Guerre de 1914 1918 et les traités de paix.( La Société des nations)

  • Diapo numéro 2

Programme de 1959: terminale (programme en 2 parties : la 1ère partie consacrée à la période 14-45, la 2e partie consacrée aux civilisations)

Dans ce programme, celui que j’ai « subi », la révolution russe est traitée dans le cadre de l’évolution intérieure des principaux États. Elle l’a été jusqu’en 1988.
La première guerre mondiale (1914-1918) et les traités de paix La Société des nations.
Programme de 1969 pour le premier cycle : troisième
Ces programmes intègrent la Révolution russe de la même façon que dans les programmes de terminale et de première. L’évolution intérieure des principaux États. Ce sera le cas au moins jusqu’au programmes de 1982.
Programme de 1978 pour le collège : troisième. La Révolution russe et l’évolution intérieure de l’URSS sont toujours présentes.
Programme de 1982 pour le lycée : première : La Révolution russe et l’évolution intérieure de l’URSS sont toujours présentes.
Programme de 1985 pour le collège : troisième. La Révolution russe et l’évolution intérieure de l’URSS sont toujours présentes.
Programme de 1988 pour le lycée : première. La guerre de 1914-1918 : Origines du conflit et forces en présence. Les grandes phases de la guerre. La Révolution russe et l’intervention américaine Les aspects humains, techniques et économiques du conflit. Les traités de paix. La nouvelle carte de l’Europe et du monde.
Et dans la version allégée 1988 marquée par le passage de la seconde guerre mondiale, initialement en terminale en première. Ce passage en fin de programme de première posant quelques problèmes, notamment dans les relations avec les associations mémorielles.
Programme de 1995 pour le lycée : première
La Première Guerre mondiale, la Révolution russe et les bouleversements de l’Europe_ On présentera brièvement les différentes phases du conflit On insistera sur son caractère global et sur ses conséquences_ On étudiera la vague révolutionnaire que la guerre a provoquée en Russie et dans le reste de l’Europe.
Programme de 1998 pour le collège : troisième
La Première Guerre mondiale et ses conséquences (4 à 5 h)_ Après avoir situé chronologiquement les grandes phases militaires du conflit, on insiste sur le caractère total de cette guerre (économie, société, culture), sur les souffrances des soldats et les difficultés des populations_ Le bilan de la guerre inclut les révolutions de 1917 en Russie, la vague révolutionnaire qui suit et son écrasement_
Repères.- août 1914, début de la Première Guerre mondial, 1917 révolutions russe, 11 novembre 1918 armistice
Programme de 2002 pour le lycée :
Classe de première ES et L
La Première Guerre mondiale et les bouleversements de l’Europe On présente brièvement les grandes phases du conflit puis on insiste sur son caractère de guerre totale de cette guerre et sur ses conséquences Cette étude inclut l’événement majeur constitué par la révolution russe
Classe de première S
Les Français dans la Première Guerre mondiale Après avoir décrit l’entrée en guerre, on étudie les manières dont les Français vivent le conflit en insistant sur le fait que la société dans sa quasi totalité est touchée par le deuil Une ouverture sur certains prolongements de la Grande Guerre (apaisement des luttes religieuses, organisation du souvenir, évolution des rôles féminin et masculin) achève l’étude.
Programme de 2008 pour le collège : troisième
Thème 1 – La Première Guerre mondiale vers une guerre totale (1914-1918)
CONNAISSANCES
La Première Guerre mondiale bouleverse les États et les sociétés
• elle est caractérisée par une violence de masse
• avec la révolution russe, elle engendre une vague de révolutions en Europe
• elle se conclut par des traités qui dessinent une nouvelle carte de l’Europe source de tensions

  • Diapo 3 et 4

La Révolution Russe
Dans ces programmes qui sont le résultat des travaux de la commission Braudel, qui a été amendée après l’intervention de Georges Pompidou, devenu président de la république, par l’intervention de la commission Renouvin, on a voulu associer les questions de civilisation à une démarche plus politique, dans laquelle les références chronologiques occupaient une place importante.
Pour la révolution russe on insiste largement sur des questions comme la guerre civile où le communisme de guerre, le tournant économique qui a été constitué par la NEP, et on a pu connaître des manuels, plus tardif, dans lesquels il pouvait y avoir mention du débat entre Boukharine, partisan de la NEP et son adversaire, Préobrajensky. Même la crise des ciseaux, manifestée par une baisse du prix des produits agricoles et une augmentation des prix des produits manufacturés auxquels la population n’a plus les moyens d’accéder. Cela se traduit par une rétention des récoltes par les koulaks, ce que Staline utilise comme argument pour lancer à partir de 1928 la collectivisation forcée.
La comparaison entre ce luxe de détails donnés dans les programmes qui avaient été conçus en 1959, et ce que l’on trouve aujourd’hui est évidemment éclairante.

  • Diapositive numéro 5

Entre-temps la révolution russe n’est plus traitée dans le cadre de l’évolution intérieure des principaux états, les programmes 2002 et 2010 sont passés par là, ce qui se traduit dans un manuel par ce qui apparaît ici.

  • Diapositive numéro 6

Au collège, la situation semble meilleure, et c’est peut-être en s’appuyant sur cette place plus importante de la révolution russe en classe de 3e, que les choix drastiques ont pu être opérés en classe de première. Cela suppose bien entendu que les élèves de première ont assimilé ce qui leur a été appris en 3e. Et qu’ils aient retenu autre chose que 1917 comme date repère.
Il s’agit là d’une tentative de sortir de ce que l’on a qualifié dans les précédents programmes de démarche spiralaire, ce qui amené à revenir au lycée sur ce qui avait été vu au collège. Les programmes actuels n’ont d’ailleurs pas totalement rompu avec cette méthode, ce sont les angles d’approche qui sont modifiés. Nous pouvons prendre l’exemple de la séquence consacrée à l’histoire médiévale en seconde où les questions liées à la féodalité ne sont plus abordées que parmi d’autres, comme la croissance urbaine et la vie religieuse au Moyen Âge.
Pour un événement comme la révolution russe qui fait appel à la maîtrise de certains concepts, on me permettra d’être plutôt circonspect sur cette « foi du charbonnier » dans la capacité des élèves à conserver dans leur mémoire le souvenir de séquences du cycle précédent.
Pour autant, les auteurs des manuels du collège semblent avoir voulu consacrer plus de place à cet événement qui s’inscrit toujours dans le thème général « guerres mondiales et régime totalitaire »,

  • Diapositive 8
    cela donne cette présentation très complète,

  • Diapositive 9
    qui fournit un éclairage assez complet, telle que nous pouvons le trouver résumé ici dans le chapeau d’accroche de cette étude :

  • Diapositive 10
    si nous allons dans le détail, et notamment des documents proposés,

  • Diapositive 11
    On peut considérer que ce texte, ou plutôt cet extrait d’un texte beaucoup plus long, et qui a été présenté in extenso dans les manuels publiés à l’issue de la mise en œuvre des programmes de 1982 et 1988, pour le lycée, mérite assurément l’intérêt, tant il est éclairant, pour peu que l’on parvienne à l’expliquer aux élèves, sur la signification de ce qu’est « une tactique politique ».
    Ce texte est assez facile à trouver, voici quelques pistes pour y accéder à partir de la galaxie des Clionautes :
  • Diapositives 12, 13,14.

Pour ces salons de Choiseul dont le thème est bien celui des révolutions, je m’attacherai à souligner l’importance de faire traiter cet événement dans le cadre des programmes d’histoire, principalement d’ailleurs dans ceux des lycées. Je pense en effet, et sans vouloir faire une « révolution dans les programmes », même si nous pouvons la souhaiter par ailleurs, nous pouvons apporter aux élèves qui nous sont confiés, à la fois des connaissances mais aussi des méthodes de réflexion, à partir de l’étude d’un événement que je n’hésiterai pas à qualifier de fondateur.

  • Diapositive 15

Au-delà de la référence à un épisode de l’histoire du XXe siècle qui a pesé pendant la durée d’existence du régime communiste en Russie puis en Union soviétique, c’est-à-dire pendant 74 ans, il faut comprendre que la façon dont les bolcheviques ont pu s’emparer du pouvoir, « de façon improbable » a tout de même servi de modèle, à la fois à la conquête de la direction de pays aussi différents que l’Italie ou l’Allemagne dans les années 20 et 30, mais aussi de matrice à l’installation des régimes totalitaires et des états autoritaires du XXe siècle. On pourrait même aller plus loin et trouver quelques analogies dans des prises de pouvoir dictées par d’autres idéologies au XXe et même au XXIe siècle.
Il peut sembler évident que cette révolution russe s’inscrit dans le contexte général des bouleversements induits par la première guerre mondiale.

  • Diapositive 16
    La formule de Lénine très largement connue et reprise, peut constituer une accroche commode qui permet de l’insérer dans la démarche préconisée dans les programmes actuels.
    Je ne résiste pas à l’envie de présenter tout de même les indices de fragilité qui conduisent la Russie des Romanov à la situation qui est la sienne au début du XXe siècle.
  • Diapositive 17
    La construction politique et territoriale
  • Diapositive 18

Les facteurs de déclenchement de la guerre russe japonaise

  • Diapositive 19
    L’opposition entre la Russie et l’Autriche-Hongrie dans les Balkans

  • Diapositive 20
    Montrer la fragilité de 2 des belligérants de 1914 n’est peut-être pas inutile en ces temps de commémoration, où l’on a tendance par tropisme hexagonal, à réduire la Grande guerre à la guerre franco-allemande.
    Cela permet d’ailleurs d’expliquer, au-delà de l’implication des empires coloniaux, et de l’entrée en guerre des États-Unis en 1917, la signification d’une guerre européenne généralisée et mondiale.
  • Diapositive 21

Cet empire russe est fortement ébranlé par la période révolutionnaire de 1905.

  • Diapositive 22

L’entrée en guerre, sur un champ de bataille exclusivement terrestre pour la Russie, la flotte russe d’Extrême-Orient ayant été anéantie, s’inscrit à la fois dans la démarche d’alliance avec les pays de l’entente, mais aussi, et pour des raisons de politique intérieure, dans une volonté de souder la population autour du régime.

  • Diapositive 23

L’affirmation de Lénine déjà citée peut-être, si l’on tient à introduire dans la démarche pédagogique ce que l’on appelle : « la problématique », transformée en question, en se demandant comment la guerre a-t-elle pu affaiblir suffisamment un pouvoir autocratique tricentenaire, celui des Romanov, pour que celui-ci s’effondre, en quelques mois pour laisser la place à une expérience politique, économique et sociale totalement inédite.

  • Diapositive 24

On peut évidemment rappeler, très rapidement que la guerre en Europe ne se limite pas au front occidental, pas plus qu’elle ne se limite, surtout sur le front oriental, à une guerre de position.

  • Diapositive 25
  • Diapositive 26

Les avancées territoriales sur le front oriental contrastent fortement avec le caractère statique de la guerre de position sur le front occidental. Si à l’ouest, pendant la période 1915 – 1918, « il n’y avait rien de nouveau », – on me pardonnera cette référence – , sur le front oriental, les mouvements sont permanents.

  • Diapositive 27

Pour en arriver, diapositive 28 à la situation à la fin 1917, avec l’armistice, qui précède la paix de Brest Litovsk en 1918.
Bien entendu, dans le cadre d’une séance en classe, cette partie sur la paix de Brest Litovsk et les pertes territoriales de la Russie est intégrée au fil des événements sur la révolution, entre février et octobre 1917.
Ce qui doit être souligné,

  • Diapositive 29,

C’est bien entendu l’impact de la guerre sur la situation intérieure de la Russie, ce qui permet de comprendre comment le régime du tsar s’est aussi facilement effondré.
À titre de parenthèse, dans l’historiographie russe actuelle, les difficultés de Nicolas II à rejoindre le front en février 1917, avec le blocage des aiguillages qui le conduisent à se retrouver isolé de sa propre armée, sont présentées sous l’angle « complotiste », très largement développé en Russie, sur à peu près tous les sujets, et bien entendu celui de la délimitation des frontières occidentales du pays, avec l’Ukraine.

  • Diapositive 30

Cet extrait de l’histoire de la révolution russe de Trotsky a longtemps été utilisé comme texte de présentation du déroulement de ce que l’on appelait alors, pour la différencier de la révolution d’octobre, révolution de février. On peut constater ici le passage entre l’aspect économique et social de l’émeute et son basculement dans le politique. Ce type d’explication est assez accessible, aussi bien au niveau du collège et au niveau du lycée.

  • Diapositive 31.

Pour information, la lettre d’abdication du tsar Nicolas II, dont on voit
bien en refusant d’abdiquer en faveur de son fils, mais en se débarrassant du pouvoir qu’il n’était pas véritablement à la hauteur de la tâche que son statut de autocrate lui donnait. On se souvient qu’à la mort de son père Alexandre III, en 1894, Nicolas II, s’était effondrée en larmes, s’estimant incapable de régner.

  • Diapositive 32.

Il convient ici de montrer le phénomène caractéristique de cette révolution, que l’on ne peut pas séparer véritablement, sauf à reprendre la Vulgate léniniste, entre la révolution bourgeoise, celle de février, et la révolution prolétarienne, celle d’octobre. Les 2 sont évidemment intimement liées, et montrent surtout comment la tactique politique de Lénine a permis d’exploiter une dualité de pouvoir que les bolcheviques eux-mêmes n’avaient pas véritablement prévue.
Diapositive 33. Le phénomène de dualité de pouvoir peut être mis en évidence ici assez facilement avec cet appel du soviet de Petrograd qui montre la fonction « gouvernementale de fait » que les soviets s’attribuent. Toute la démarche des bolcheviques sera de s’implanter, à la faveur des différentes péripéties qui se déroulent en Russie, aussi bien dans les grandes villes que sur le front, dans ses organes « spontanés » du pouvoir insurrectionnel. Les bolcheviques sont loin d’être majoritaires dans ses soviets, les menchéviks et les socialistes révolutionnaires qui sont très largement représentés, y compris à Petrograd et à Moscou.

  • Diapositive 34 :

Comment exploiter ce type d’explication en classe ?
L’utilisation d’un tableau numérique interactif, à condition de maîtriser les logiciels embarqués qui sont fournis, ou encore des logiciels libres, tels que l’on peut les trouver sur le site portail des Clionautes dans la rubrique Clio libre, peut-être une bonne méthode d’approche. Elle permet de mettre en avant une série de textes, des documents iconographiques, et en utilisant les fonctions interactives, y compris avec des élèves que l’on amène au tableau, à sélectionner à l’intérieur des documents des parties significatives, et éclairante.
Ce type d’expérimentation ici. Il s’agit d’une exportation en PDF du tableau qui a été réalisé en place, avec des annotations au stylet. Cette exportation PDF est ensuite déposée dans le casier de la classe, en utilisant l’espace numérique de travail.
Dans les expérimentations qui ont pu être faites, j’ai tenu à réaliser en temps réel une séquence interactive dans la mesure où les élèves ont reçu en dotation au début de leur année de seconde un ordinateur portable, et/ou dans ma classe on dispose d’une borne wi-fi permettant aux élèves de se connecter sur l’espace numérique de travail. Cela signifie que les documents qui sont utilisés en classe se retrouvent en temps réel dans leur casier numérique, ils doivent alors travailler dessus, éventuellement déposer un commentaire, récupéré par le professeur, et bien entendu mis en commun à partir de la vidéo projection du tableau numérique interactif qui se voit ainsi annoté et complété.
Je donne ici un exemple avec les 5 diapositives, il doit bien y en avoir une douzaine en situation réelle, qui correspondent au tableau que j’ai utilisé, exporté en PDF, est mis à disposition des élèves pour la révision, en complément de leur prise de notes.

  • Diapositive 41.

Au collège, la Révolution Russe est intégrée aux conséquences de la guerre de 14, avec la vague révolutionnaire en Europe.
Ce qui va suivre correspond à une utilisation d’un manuel, aux éditions Belin, avec la trace écrite dans le cadre d’un cours dialogué.

  • Diapositive 42

les 2 temps forts de la révolution russe sont évoqués mais avec comme fil conducteur celui d’une vague révolutionnaire qui affecte l’Europe à la fin de la première guerre mondiale.

  • Diapositive 43

Sur cette trace écrite on peut trouver une définition des objectifs du marxisme, et on note d’ailleurs la contradiction, mises en évidence par la surbrillance en jaune, qui fait apparaître le caractère « improbable » de la révolution russe.
Sur cette trace écrite on peut même noter une forme de confusion entre le moment au Lénine revient d’exil et la destitution du tsar.

  • Diapositive 44

Heureusement, tout cela ne nous empêche pas de prendre le palais d’hiver, et dans le vocabulaire de faire référence au mouvement spartakiste, c’est-à-dire l’extension de la révolution à l’Allemagne.

  • Diapositive 45

La carte de la vague révolutionnaire en Europe entre 1917 et 1921 fait une synthèse avec la guerre civile, et il y a bien, ce qui est pertinent, la mention de l’intervention des armées étrangères aux côtés des armées blanches. La trace écrite reprend les éléments les plus importants du cours.
On peut constater ici que la révolution russe prend sa place dans la réflexion sur les bouleversements de l’Europe induits par la Grande guerre, une révolution qui par contre ne semble pas analysée du point de vue de sa tactique. Cela justifie dans une seconde démarche, que celle-ci soit effectivement présentée avec des élèves du lycée.
Il est tout à fait possible d’utiliser un extrait des thèses d’avril, qui montrent la tactique de Lénine pour conquérir la majorité dans les soviets avec des prises de position maximalistes.
Je pourrais bien entendu évoquer les débats au sein du comité central du parti bolchevique et les oppositions de Zinoviev, Kamenev, Boukharine et Staline à la prise de position de Lénine, qui reçoit tout de même le soutien de Trotsky qui a rejoint depuis peu le camp bolchevique.
Ce qui est plus significatif c’est de faire découvrir les éléments qui font la tactique de Lénine.

  • Diapositive 46.

Il s’agit de répondre à des revendications immédiates, qui reprennent d’ailleurs des messages collectivistes qui avaient été portés par les mouvements agrariens de la faim du XIXe siècle et qui avaient fait leur chemin dans les campagnes. Si les bolcheviques sont peu présents dans ces milieux, ils influencent largement les comités de soldats qui ne sont jamais que des paysans en uniforme pour la majorité d’entre eux.
On peut bien entendu éclairer le jugement des élèves en leur montrant comment une tactique politique peut s’imposer, dès lors qu’elles rencontrent des aspirations d’une partie significative de la population. Dans le même temps, et si les bolcheviques parviennent à obtenir la majorité dans les soviets, ils sont loin d’obtenir la majorité dans le pays, comme les élections de 1918 le montrent ces élections seront, nous le savons, annulées.

  • Diapositive 47

Ce que l’on appelle la révolution d’octobre est ici montré à partir de ce récit. Les archives de l’Ina sont également très précieuses pour cela.

  • Diapositive 48.
    La prise du palais d’hiver est également un repère.

  • Diapositive 49.
    Il est aussi possible de synthétiser cela avec ce document d’archives. Il date de 1964 et montrent que la révolution russe exerçait dans l’opinion publique une certaine fascination.

  • Diapositive 50.
    Dans le cadre des programmes actuels, si la révolution russe est intégrée dans les conséquences de la première guerre mondiale, Il est évidemment possible de continuer avec le thème des totalitarismes. Il me paraît, au moins dans le cadre des classes de lycée, beaucoup plus pertinent d’insérer ce thème dans la continuité de la première guerre mondiale, et ensuite de passer à la marche la guerre, dans laquelle les totalitarismes occupent une certaine place, avant la seconde guerre mondiale.
    Très clairement ce thème global « la guerre au XXe siècle » est loin de me paraître pertinent et pour ce qui me concerne je me refuse à suivre ces instructions, même si elles sont présentées sur le mode de l’injonction par certains représentants des corps d’inspection.

  • La diapositive 46 est une évocation de la formation, avant l’arrivée de Staline, de ce qui deviendra l’État totalitaire, avec la police politique. Cela renforce la logique d’un gouvernement de terreur dans le contexte de la guerre civile russe qui s’achève en 1922.
  • Diapositives 51, 52, 53, 54.
  • Nous pouvons ici terminer par la victoire des bolcheviques à la fin de la guerre civile, et avec la formation de l’Union soviétique.

  • Diapositive 55
    Nous pouvons constater que la révolution russe a finalement davantage disparu des programmes de lycée que des programmes du collège, avec cette évolution des contenus à partir de 1982.
  • Diapositives 56,57, 58,59 et 60.

Finalement, au moment de conclure, toute la question est de savoir pourquoi la révolution russe, principalement au lycée semble avoir été réduite à une sorte de peau de chagrin. Je ne livrerai pas l’exercice du procès d’intention, je n’ai pas a priori d’appétence particulière pour l’idéologie qui a porté la révolution russe, celle d’octobre, et le régime politique qui s’est imposé entre 1917 et 1991.
Ma préoccupation est celle d’un praticien de l’histoire et de la géographie, enseignant, entre autres, dans le second degré.
Nous avons cet égard des responsabilités particulières. Nous devons apporter aux élèves qui nous sont confiées un éclairage au monde qui leur permette de disposer des outils de compréhension du présent, en ayant comme référence un certain nombre de moments fondateurs. La Révolution russe en fait assurément partie.
Si mon Maître Charles Olivier Carbonneil ; disparu en 2013 a pu écrire en 1967 : « le grand octobre russe, la révolution inimitable », aux éditions du septentrion, je me dois de rappeler que jeune étudiant à l’université Paul Valéry de Montpellier, je me suis beaucoup affronté à lui sur cette question.
Dans mes jeunes années, cette révolution russe était un modèle. Je ne suis pas le seul, et certainement pas le dernier, à avoir changé à cet égard. Bien d’autres qui étaient dans les mêmes dispositions que moi sont aujourd’hui dans les ministères.
Au-delà de cette évocation, lorsque je fais le choix d’apporter à des élèves de première, qui n’étaient pas nés au moment de l’effondrement de l’Union soviétique, cet éclairage sur la révolution russe, ce n’est évidemment pas par nostalgie de mes jeunes années. Et c’est la raison pour laquelle je fais le choix dans la pratique enseignante d’évoquer comme « une étude de cas » cet épisode de l’histoire contemporaine. Il me paraît emblématique d’une démarche, celle qui conduit à la faveur d’une situation de crise extrême un pays déjà fragilisé par toute une série de handicaps de développement, marquée par ce que Hélène Carrère d’Encausse appelle dans son ouvrage « le malheur russe », à basculer dans une expérience sociale et politique totalement inédite.
Si la révolution russe a pu fasciner, intéresser à tout le moins, les concepteurs des programmes scolaires, dans le cadre de cette fabrique de l’histoire enseignée, c’est simplement parce que 1/3 de l’humanité a pu pendant des décennies vivre sous la domination de régimes politiques qui trouvaient leur inspiration dans la révolution d’octobre.
Ce n’est certes plus le cas aujourd’hui, mais l’histoire immédiate nous montre, y compris dans un passé assez récent, avec les révolutions arabes, que l’aspiration des peuples au changement peut toujours, malgré un idéal de liberté, enfanter d’un monstre. La Révolution russe portait en elle les germes du totalitarisme.
Sans aucune intention de prosélytisme, bien au contraire peut-être, il s’agit en analysant une situation donnée, en faisant découvrir les méthodes qui permettent d’appréhender et de peser sur cette situation, d’apporter à des esprits en formation des clés de compréhension du monde qui les entoure.
Par-delà les réseaux sociaux, le tintamarre médiatique d’une information diffusée en temps réel, il n’en reste pas moins que les fondamentaux existent toujours. Il s’agit clairement d’instrumentaliser, dans une perspective de contrôle du pouvoir, des masses en mouvement qui expriment des aspirations sans doute bien différentes au final de ce qu’elles peuvent trouver, une fois installé le nouveau régime.
Les approches historiques qui dictent aujourd’hui la fabrique des programmes scolaires peuvent à cet égard être préoccupantes de ce point de vue. Que les mutations sociales, voire sociétales soient étudiées, explicitées dans le cadre de la formation initiale des futurs citoyens, me semble une excellente chose. Mais dans le même temps, je considère que l’histoire politique, de par la richesse des références qu’elle peut apporter, peut se révéler tout aussi éclairante.
La Révolution russe a été un des temps forts des programmes d’histoire des lycées, longtemps en terminale et puis ensuite en classe de première. Dans la vague révolutionnaire qui touche l’Europe à la fin de la première guerre mondiale, il aurait été possible de prendre l’exemple allemand, mais ces aspirations révolutionnaires qui affectent l’Allemagne à la fin de l’empire et au début de la république de Weimar, n’ont pas été victorieuses. Et comme nous le savons, l’histoire s’intéresse en priorité aux vainqueurs. On a pu croire jusqu’en 1991 que la révolution d’octobre avait été victorieuse, elle a représenté le point de départ d’une tragédie pour la Russie et pour les peuples qui avaient été soumis à l’empire des Romanov.