L’Atlas historique de l’Afrique répond à une demande, de nombreux spécialistes s’intéressent à l’Afrique : l’histoire de l’Afrique n’est pas une discipline aussi rare qu’on voudrait le croire. L’Atlas répond aussi à une demande du public (l’amphithéâtre plein en est une preuve : cet Atlas est réalisé pour un public cultivé et pour les professeurs d’Histoire-Géographie). Il doit servir à transmettre aux futures générations.

Il y a beaucoup d’histoires en Afrique : cela fait appel à des spécialistes de différentes régions. Plus de 20 collaborateurs ont ainsi participé à l’Atlas, pour les différentes périodes et région.

L’Atlas est fait sous forme de doubles pages, avec des cartes, des textes, des graphiques … il offre une illustration des connaissances sur l’Histoire de l’Afrique, quitte à produire des connaissances.

La table des matières se découpe en 5 grandes périodes : l’Afrique ancienne, l’Afrique à l’ère moderne, l’Afrique souveraine au XIXe siècle, l’Afrique sous domination coloniale et l’Afrique des années 1960 à nos jours. L’Atlas part des berceaux de l’Humanité : les berceaux des différentes humanités. Il balaye l’histoire de l’Afrique de façon chronologique.

Quelques exemples de ces doubles pages :

La grande diversité de l’Afrique

Il y a une grande diversité sociale en Afrique : elle n’est pas une civilisation, une histoire, une langue : il existe plus de 2400 langues. Il y a également une très grande diversité culturelle. La question historique est de savoir pourquoi il y a autant de diversité sur ce continent ? Cela est vrai aussi pour les religions, les systèmes politiques, les systèmes techniques et économiques … Cela nous invite à réfléchir à l’histoire longue de l’Afrique, puis à penser aussi aux autres régions du monde, grâce à la comparaison avec l’Afrique.

L’histoire linguistique de la corne de l’Afrique présente un grand intérêt : en Ethiopie il existe environ 80 langues, de 3 familles linguistiques différentes. Les langues permettent de remonter le temps. (En Afrique il existe 5 méga-familles. C’est un des berceaux de la diversité des langues. L’Afrique nous invite à faire une histoire archéologique des langues. Des langues récentes et des très anciennes coexistent (carte p. 13). On peut faire de l’histoire à partir des langues.

 

La dimension connectée de l’histoire de l’Afrique

Elle n’a jamais été isolée. (p. 18-19) : l’Afrique est connectée au monde islamique du VIIème au XIIème siècle). C’est une zone de diffusion de l’islam : par les armées arabes sur la côte méditerranéenne, et surtout par les marchands qui ont traversé le Sahara jusqu’à l’Océan indien et ont véhiculé idées et produits. Il y a eu échange lors de la rencontre avec le Sahel, conversation culturelle sur tous les aspects de la vie : commerce, architecture, …

La civilisation swahilie 

La civilisation swahilie signifie « les rivages » en arabes. Des marchands de la Péninsule arabique et de Perse commerçaient vers l’Est de l’Afrique, jusqu’à l’Inde. C’est une civilisation originale. Des sites archéologiques montrent des formes originales de contacts : on constate l’apparition d’élites dans ces ports qui deviennent des cités-Etats. Il y a des bâtiments carrés en bloc, des mosquées, …  des produits qui arrivent à longue distance : du Levant, de la Perse, d’Inde (Cornaline), de Chine (porcelaine) … ils exportaient de l’or, des esclaves, des peaux, de l’ambre et de l’ivoire.

Les traites négrières

Il s’agit de faire une nouvelle géographie de l’Afrique, une nouvelle géographie économique de la traite des XVe – XIXe siècles.

Les traites négrières coloniales correspondent à l’envoi d’esclaves du royaume du Ghana, du Mali vers le Nord. Le commerce triangulaire apporte une nouvelle géographie économique, avec la mise en place d’une traite atlantique des esclaves.

On peut mettre sur le même plan la traite islamique et atlantique, mais elles ont des contextes culturels et documentaires différents. Pour la traite atlantique, on en a toutes les archives : celles des navires, des points d’achats sur les ports d’Afrique de l’Ouest, des compagnies d’assurance, des points de vente aux Antilles … cela nous donne une vision très précise de ce commerce négrier, pendant lequel 12 millions de personnes ont été embarquées. Sans compter les personnes nées en esclavage en Amérique, et sans compter non plus les personnes tuées lors des razzias.

Les reconversions économiques en Afrique 

A la page 48, Catherine Coquery-Vidovitch s’intéresse aux reconversions économiques en Afrique : au XIXe siècle, « l’Afrique est souveraine » : la colonisation n’y intervient que marginalement, et seulement aux dernières décennies.

Après l’abolition de la traite atlantique se pose le problème de la reconversion économique. Ainsi, la traite est abolie progressivement à partir de 1815 légalement, mais elle ne l’est pas dans les faits : jusqu’aux années 1860, les flux de la traite sont toujours très importants. Les produits tels que l’arachide et l’huile de palme remplacent progressivement les esclaves. C’est une reconversion qui rencontre une demande européenne dans un contexte de révolution industrielle. Il existe des sociétés et des Etats en Afrique qui réagissent assez vite et qui cherchent à contrôler les termes du commerce : des Etats qui s’étaient constitués comme Etats  courtiers, intermédiaires pour la traite, ont senti le vent tourner, et se sont lancés dans la plantation de palmiers, l’huile de palme étant utilisée pour la savonnerie marseillaise.

La prise en main de la reconversion, de l’organisation de cette nouvelle économie et d’une culture d’exportation, est faite par les Etats africains. Ils cherchent à avoir la maîtrise des termes de l’échange. Par exemple Zanzibar, avec la culture du clou de girofle. Cette culture d’exportation est choisie délibérément.

Cette reconversion économique, destinée à passer à autre chose que la traite, a paradoxalement augmenté le nombre d’esclaves à l’intérieur des sociétés africaines : les razzias et les guerres se poursuivaient, mais les sociétés ne pouvaient plus vendre les esclaves à l’extérieur : ils sont alors utilisés pour faire ces cultures de plantation. Plus d’un habitant sur deux à Zanzibar est un esclave !

Il y a des effets divers de l’arrêt de la traite : ce sont des réseaux connectés. Les routes commerciales connectent l’Afrique des deux cotés : il est possible pour l’Afrique centrale d’exporter les produits par l’océan indien et par l’océan atlantique. Il y a une réelle interconnexion.

Les Empires esclavagistes africains ne sont pas seulement sur les côtes. Des empires se constituent autour du pouvoir que leur donne les armes à feu et la possession d’esclaves.

Au XIXe siècle, en Afrique, se généralise la forme d’organisation socio-politique étatique, sans faire pour autant disparaître les autres formes (telles que les chefferies), mais les Etats prolifèrent.

Le royaume du Buganda

Carte p. 50 : le royaume du Bugunda a une forme étatique. Il existait sous forme embryonnaire sur les rives du lac Victoria au XVIIe. Il profite de la situation pour s’étendre. La constitution de cet Etat est bien documentée maintenant. Il y a des lignes frontalières approximatives, dans un régime de souveraineté qui a plutôt des zones frontalières : elles bougent, elles sont le reflet des rapports de force fluctuants. Ces frontières sont le piège de la carte, elles sont en mouvement, comme toute la carte de la géopolitique de l’Afrique à cette époque.

Le début de la période colonial 

P. 60 : de l’empire informel au partage du continent.

Il s’agit d’une transition entre comptoirs et partage colonial, d’une situation où la plupart des sociétés africaines sont sous souveraineté africaine à une situation de perte de souveraineté des Etats africains, seulement à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. La plupart des entités politiques représentées perdent en effet leur souveraineté tard. Cela remet en cause l’idée reçue selon laquelle la conférence de Berlin (1884-1885) aurait d’un coup partagé le continent et réglé le jeu entre Européens : en fait, c’est simplement une mise en commun de règles du jeu pour cette course aux colonies. Cela a pris beaucoup de temps pour passer d’une appropriation symbolique et théorique sur le papier à une appropriation réelle, comme en Sénégambie.

C’est la transition entre une présence européenne très limitée les siècles précédents, discontinue sous forme de comptoir, de cité coloniale (comme Saint Louis au Sénégal), d’emporium, à des régions annexées. Il s’agit d’une course aux colonies : les Etats européens ont cherché à établir des jonctions entre des territoires qu’ils maîtrisaient : il y a eu des incidents, comme Fachoda.

Attention à la lecture de la carte : il ne faut pas croire que les aplats de couleur signifient une domination totale, l’occupation est à questionner. Il ne faut pas prendre pour argent comptant les cartes produites par les empires eux-mêmes.

Les colonies de peuplement : (p. 62)

Les modes de colonisation ont été divers en Afrique, ils s’appliquent différemment en Afrique.

Une carte environnementale est utilisée dans l’Atlas pour montrer que le continent est répulsif et hostile aux Européens qui voudraient s’y installer. Il y a en fait peu d’installation. Dans les colonies de peuplement d’un continent hostile, sauf en Afrique du sud, les colons représentent souvent moins de 10 % de la population.

Il faut revoir notre vision de la colonisation de l’Afrique : le plus souvent, elle s’est faite sans colon … Quand il y a colons, il y a appropriation du territoire et appropriation foncière, ce qui provoque de la ségrégation à l’échelle du territoire, comme en Rhodésie.

 

Les villes coloniales

P. 68-69 de l’Atlas

Il existait des villes avant la colonisation. Les villes coloniales se développent dans les années 30. Les villes coloniales deviennent des vitrines. On y voit des formes de ségrégation, avec la différence Freetown-Conakty.

Les Empires coloniaux tardifs et la décolonisation (p.72)

Il y a des plans, des investissements tardifs dans les infrastructures et l’enseignement après la Seconde Guerre mondiale, qui manifestent la volonté de maintenir les territoires dans le giron impérial.

Il y a deux types d’interprétation de la décolonisation : deux cartes vis-à-vis de deux modèles interprétatifs. Un modèle britannique (qui donnerait plus de liberté) opposé à un modèle français (qui serait plus réticent à la négociation). A partir des mêmes faits, on peut avoir des interprétations différentes.

L’Apartheid (p.84)

L’Apartheid est un phénomène éminemment géographique. Il montre à l’échelle du territoire de l’Afrique du Sud comment les inégalités dans l’espace correspondent aux espaces productifs. Des zones sont réservées aux blancs depuis 1913. L’Atlas apporte des zooms. L’apartheid est étudié à différentes échelles : le pays, le Cap, un township. On voit un emboîtement d’échelles d’un phénomène. La double page conçue par une géographe, Myriam Houssay-Holzschuch.

 

Cet Atlas s’adresse donc aux enseignants, mais aussi aux curieux des histoires de l’Afrique