Cette table ronde réunit 4 intervenants : Michel Aglietta, économiste français; Jean François Dufour, sinologue; Laurent Malvezin et Isabelle Feng. Ce sont les deux premiers qui ont apporté du grain à moudre à ce débat.

 

PREMIER INTERVENANT : Michel Aglietta.
  1. La Chine est-elle une alternative à la crise du Capitalisme ?

En Chine, le capitalisme est confucéen, il allie un POUVOIR CENTRAL FORT et une société civile dynamique, c’est un capitalisme qui a une vision à LONG TERME.

Depuis 40 ans, à partir de 1979, la Chine se réforme pour sortir de la pauvreté et atteindre la stabilité. Elle n’est pas victime de la tragédie des horizons, car il n’y a ni démocratie, ni élections. Le PCC a 88 millions de membres qui se renouvellent en partie tous les 6 ans. L’objectif POLITIQUE de la Stabilité permet de résoudre les contradictions antérieures de la période Mao, de 1949 à 1976; il n’y a plus de MODÈLE IDÉAL, c’est une forme de pragmatisme. Selon le proverbe chinois : « le but est dans le chemin ».

Cependant, le PCC doit prendre en compte les mutations sociales et les classes moyennes. C’est une démocratie des résultats : le parti doit faire le bien de la Chine : en cas d’échec, il peut être renversé.

2. Faire le bien du peuple ? Comment ?
  • disparition de la pauvreté absolue.
  • croissance de 10% par an pendant 20 ans.
  • des inégalités de revenus mais il s’agit d’une économie dynamique, contrairement à l’économie stagnante de l’Europe; « le niveau de la mer élève tous les bateaux ». Les salaires progressent nettement.
  • l’URBANISATION est une priorité. Mais l’urbanisation est inefficace car la FISCALITÉ n’est pas égalitaire : la région de Shanghai ne veut pas payer pour les régions pauvres, donc certaines provinces manquent de ressources financières.
3. Enjeu pour l’avenir : la croissance qualitative.

Nouveau modèle d’urbanisation où les migrants qui n’ont pas droit aux services sociaux, les voit prendre en charge par l’Etat.

Nouveau modèle respectueux de l’environnement.

Nouveau modèle numérique, c’est le Made in China 2025. Mais les Américains veulent bloquer le développement technologique chinois. Made in China 2025 est un programme stratégique chinois élaboré par le Premier ministre Li Keqiang et son cabinet en mai 2015.

Nouveau modèle énergétiqueUn réseau électrique intelligent – dont smart grid est l’une des dénominations anglophones – est un réseau de distribution d’électricité qui favorise la circulation d’information entre les fournisseurs et les consommateurs, afin d’ajuster le flux d’électricité en temps réel et permettre une gestion plus efficace de l’énergie.

4. Une face d’attraction pour l’Afrique.

En Afrique, il  y aura une forte proportion de jeunes adultes, leur développement sur place est crucial.C’est une innovation frugale, adaptée à la situation africaine. Enfin, la Chine a dû faire face aux mêmes problèmes que les Africains : la maîtrise démographique et le maintien d’une dictature.

DEUXIÈME INTERVENANT : Jean-François Dufour.
1.La Chine modèle de développement économique pour le XXIe siècle ?

Donald TRUMP demande aux entreprises américaines de se désengager de la Chine.

La force chinoise réside dans sa dualité : une économie de marché… socialiste. Les initiatives privées doivent être validées par les autorités. La banque est contrôlée par le PCC. Ce système a pris le meilleur de l’économie de marché et de l’économie planifiée.

2. Les Trois Failles Structurelles du Modèle Chinois

a) la corruption massive. La Chine est une vaste zone grise. Quand on veut « faire tomber » quelqu’un, il y a un vivier inépuisable d’affaires de corruption.

b) la taille du pays.

Entre la stratégie nationale de l’Etat et les applications locales dans les provinces et les municipalités, les différences de perception et de politiques suivies sont énormes!

c) le système financier

C’est le plus grave problème des 3! Le système bancaire est miné : 90% des crédits sont contrôlés par les autorités. A cause des créances douteuses, en 1999, la Chine a dû sauver ses banques, et transformer de la dette à long terme pour financer la dette à court terme. Si le système financier devait être assaini, il s’effondrerait et l’économie chinoise avec lui…

TROISIÈME INTERVENANT : Laurent Malvezin, spécialiste de sécurité économique et de risk management.

La Chine est elle rigide ou souple? Serait-elle souple en politique et rigide en économie?

La politique a créé son propre système économique, qui n’est pas du Capitalisme (pas de vraie propriété privée) mais seule l’Europe, dans les trois blocs, a découplé politique et économique, ni les États-Unis, ni la Chine ne le font!

Pour la Chine, il n’a jamais été question de séparer les pouvoirs; et c’est le POLITIQUE qui dirige l’économie. En 2001, à l’entrée de la Chine dans l’OMC, c’est l’ouverture du PCC aux entrepreneurs et l’ouverture des entrepreneurs au PCC. Le PCC est l’argentier de l’économie.

En 2019, le PCC envoie des émissaires dans les entreprises. Il n’y a pas de self made man dans un pays dominé par le parti.

QUATRIÈME INTERVENANTE : Isabelle Feng (Université libre de Bruxelles).
L’enjeu du développement durable.

En 1972, la Chine de Mao refuse le développement durable, piège pour le TIERS-MONDE. En 1992, à RIO, la Chine s’engage mais veut des responsabilités différenciées. En 2009, elle défend son droit de polluer pour assurer son développement économique; Chine et États-Unis se tiennent alors la main… MAIS en 2015, la Chine défend l’accord de Paris, dit COP 21.

Les efforts déployés sont intenses : Xi Jinping annonce son projet de construire une civilisation écologique. La Chine est le plus gros investisseur dans l’économie verte. Le critère vert est pris en compte pour juger les responsables locaux. La loi environnementale de 2015 est la plus sévère de l’histoire, les ONG peuvent déclencher la fermeture d’usines polluantes. C’est la fin du chauffage au charbon dans le Nord de la Chine; là bas, les gens ont passé l’hiver sans chauffage !

En 2016, on développe les panneaux solaires, les éoliennes et les voitures électriques.

Conclusion : Pourra t’on éradiquer la pollution à Pékin? La seule vraie limite du développement durable, c’est celle de la Stabilité Politique.