Cette table ronde compte 4 intervenantes : Joana Barreto de l’Université Lyon 2 et spécialiste du Royaume de Naples; Delphine Carrangeot de l’Université de Versailles Saint Quentin; Caroline Callard de l’EHESS; et Luisa Capodieci de Paris I. Elle a été très vivante et les 4 conférencières l’ont visiblement travaillé ensemble, ce qui en fait une VRAIE Table Ronde et pas une juxtaposition de monologues, comme trop souvent à Blois…

Delphine Carrangeot :

La Pré-Renaissance se situe entre 1300 et 1490. 2 dates clés : 1397, c’est la création d’une chaire de grec à Florence, qui montre la volonté de redécouverte de la Grèce Antique; et 1437/1439 c’est le concile de Ferrare/Florence où se retrouvent l’Empereur Byzantin Jean VIII Paléologue et Côme l’Ancien, un Médicis. La Renaissance part donc bien d’Italie et d’abord de Florence !

L’oeuvre de Benozzo Gozzoli, le cortège des Mages, de 1459/1461, illustre ce démarrage de la Renaissance. Il y a une TRANSLATIO de Byzance vers Florence et Venise.

Luisa Capodieci :

Attention, il y a coprésence et coexistence dans les temps de plusieurs mouvements artistiques. Par exemple dans la Cathédrale d’Albi, en 1509/1512; on fait venir une équipe italienne de Bologne pour faire un décor Renaissance très ornemental mais on le fait se marier avec du Gothique Flamboyant.

Caroline Callard :

Fernand Braudel dans le modèle italien, explique les conditions économiques et sociales spécifiques à l’Italie : une accélération des échanges commerciaux et bancaires; une industrie du luxe et de la Soie; une concentration de richesses exceptionnelle et d’être au coeur de la Méditerrannée.

Ceci explique la Précocité Italienne dans la Renaissance !

Joana Barreto :

Première remarque : l’Italie n’existe pas au XVIème siècle.

Deuxième remarque : le Royaume de Naples a comme territoire 50% de la péninsule italienne.

Troisième remarque : A Naples, l’ART FLAMAND est prisé; et ceux qu’on appelle les « Primtifs Flamands » comme Jan VAN EYCK.

D’ailleurs pourquoi ne parle t’on pas de Pré-Renaissance Flamande ?

Enfin, Naples est le lieu de circulation de l’élite européenne entre Espagnols, Byzantins et Italiens. C’est un carrefour culturel mais il est oublié par rapport à Rome/Florence et Venise.

Luisa Capodieci :

On considère qu’il y a Trois Ages de la Renaissance : l’enfance avec Giotto et Cimabue; l’adolescence avec Donatello et Botticelli et l’Age Mûr avec Raphael, Michel-Ange et Léonard de Vinci.

Nous pouvons comparer une Mise au Tombeau de Giotto , à Padoue,en 1304 et une Mise au Tombeau remplie de couleurs et de dorures de Simone Martini à Sienne en 1333. Giotto est en avance sur le style médiéval de Martini, pourtant tableau effectué 29 ans plus tard !

Caroline Callard :

Pourquoi la Renaissance a eu 3 centres : Florence, Venise et Rome ?

Est ce une génération spontanée ?

Non, c’est dès le XIème siècle que la géographie italienne se fixe et qu’il y a COUPURE entre Italie urbaine et dense du Nord; et Italie féodale et qui perd la moitié de ses diocèses du Sud autour de Naples, Bari et Messine.

De fait les principaux mécènes vont se concentrer au Nord : les Médicis, les Doges et les Papes.

Joana Barreto :

On est bloqué sur le modèle des centres. Naples est une périphérie, mais c’est une plateforme d’exportations et d’importations et elle est ouverte aux différentes influences culturelles.

On parle de Redécouverte de la Grèce mais il y a aussi Redécouverte de Rome.

Quand en 1442, Alphonse d’Aragon renverse à NAPLES le Bon Roi René et la dynastie angevine, il est décrit comme un Mezzo Barbaro ( un demi barbare, car espagnol) mais il organise un Triomphe en 1443 et vante les Empereurs Espagnols que sont Trajan, Hadrien et Galba. Il réalise un DOUBLE Arc de Triomphe; ci-joint.

Delphine Carrangeot :

Si on prend le cas de Mantoue qui est un fief impérial du Saint Empire Germanique, il y coexiste trois influences : le modèle de la Rome Antique, le modèle germanique et le modèle byzantin. On le voit dans ce tableau de Figuration des Souverains, la Chambre des Epoux d’Andrea Mantegna,de 1465/1474. L’empereur Frédéric III Habsbourg y est représenté.

Deuxième partie : la Renaissance pure est-elle la Renaissance italienne ?

Joanna Baretto :

Non, car même en Turquie le sultan Mehmet II en 1480 s’ouvre aux arts européens et se faire son portrait par Gentile Bellini. Le PORTRAIT est une invention à la fois ITALIENNE et FLAMANDE.

Un autre artiste : Costanzo de Moysis, juif de Ferrare, qui a connu la Cour Byzantine, reste longtemps en Turquie et y réalise des médailles et des portraits. Il existe une controverse d’ailleurs qui fait de Sinan Bey, un Ottoman le vrai auteur de ces médailles et portraits.

Delphine Carrangeot :

Après les Turcs, penchons nous sur François Ier qui fait copier la sculpture monumentale du Laocoon pour la mettre à Fontainebleau. En 1506, on la découvre et elle appartient au Vatican. En 1507, le Roi de France François Ier la demande au Pape Léon X qui refuse. Il lui fait faire une copie mais le pape Clément VII la garde à Rome. Donc, en 1540, François Ier pour montrer que Fontainebleau est la Nouvelle Rome fait faire sa propre copie !

Caroline Callard :

Troisième exemple hors d’Italie : l’influence de la gravure allemande de Dürer sur un peintre italien « résistant » et « anti-classique », Pontormo (1494/1557). C’est le vrai style allemand, dit tudesca.

Luisa Capodieci :

Dernière comparaison entre la Joconde Nue de Léonard de Vinci de 1514/1516 et le tableau de François Clouet, la Dame au Bain, de 1571.

 

 

 

 

 

 

CONCLUSION :

Les Renaissances sont des temps nouveaux, ils ne se limitent ni à la Renaissance Artistique, ni à l’Italie; car il y a aussi la Flandre, l’Allemagne, La France, l’Espagne, l’Empire Ottoman et le Royaume de Naples. La Renaissance italienne est primordiale mais est loin d’être la seule. Table Ronde percutante et passionnante ! Merci aux 4 intervenantes et à l’animatrice Florence Alazar.