caricatures politiques, parlementaires, histoire contemporaine, France, Allemagne, Angleterre

I. Présentation du colloque : « Caricatures : Politiques et Parlementaires » (jeudi 10/12/2015) :
Jeudi 10 décembre 2015, a eu lieu un colloque organisé par le CEPOC-POLEN (Centre d’Études POlitiques Contemporaines-POvoirs/LEttres/Normes) et le CHPP (Comité d’Histoire Parlementaire et Politique) au Centre International pour la Recherche de l’Université d’Orléans, c’est-à-dire à l’Hôtel Dupanloup (1, rue Dupanloup à Orléans). Cette manifestation scientifique était consacrée à « Caricatures : Politiques et Parlementaires ») et coorganisée par Pierre Allorant (Maître de Conférences HDR en Histoire du droit à l’université d’Orléans) et Jean Garrigues (Professeur des universités en Histoire contemporaine à l’université d’Orléans).
Le programme initial était constitué de 11 communications et intervenants réparties sous trois présidences : celle de Pierre Allorant pour « Entrée des artistes : portraits à charge », celle de Jean Garrigues pour « À la gauche de l’hémicycle » et, enfin, celle d’Anne Delouis (Maître de Conférences en Anthropologie sociale à l’université d’Orléans) « Crayons d’Outre-Rhin : regards croisés ».
Cependant, par rapport au programme initial, les deux coorganisateurs ont eu dû faire face à des aléas avec l’absence de trois intervenants (pour des raisons de santé), en l’occurrence de :
– Laurent Bihl (Vis comica, vis lacrimosa ? La « mascarade » politique croquée par les humoristes autour de 1900) ;
– Guillaume Doizy (Jaurès, le « Saint Jean Bouche d’or » de la caricature parlementaire) ;
– Raphaël Cahen (« Marianne » vue par Michel et Germania : 100 ans d’histoire parlementaire à travers la caricature allemande).
Afin de répondre au thème du colloque, les huit communications ont été présentées avec l’aide d’un diaporama afin de montrer à l’auditoire les nombreuses caricatures qui illustrèrent les commentaires des huit intervenants.
Ce colloque consacré à « Caricatures : Politiques et Parlementaires » sera publié ultérieurement sous forme d’Actes avec l’intégralité des 11 communications prévues initialement et, probablement, que les huit conférences présentées au public seront enrichies afin de répondre aux intitulés originels.

II. Présentation des conférences :

1°) La caricature de la droite sous la Restauration : le primat du Verbe sur l’image (Olivier Tort : Maître de Conférences en Histoire contemporaine à l’université d’Artois)
Olivier Tort commence par une description des caractéristiques de la caricature sous la Restauration avec une restriction progressive de la liberté de la caricature sous Louis XVIII et, donc, le retour à une caricature d’opposition. Ensuite, il entreprend les caricaturistes (avec l’éclosion des futurs talents de la caricature tels Jean-Jacques Gérard dit Grandville et Philippon, vers 1829-1830) et les caricaturés (en particulier Louis XVIII et son entourage). Enfin, Olivier Tort démontre que la gauche a un rôle essentiel dans la diabolisation de l’homme de la droite considéré comme un ennemi des Lumières. En conclusion, entre 1814 et 1830, la caricature de la droite sous la Restauration constitue les prodromes de la caricature de la Monarchie de Juillet en reprenant les canons esthétiques révolutionnaires.

2°) « L’homme providentiel » caricaturé : le général Boulanger (Jean Garrigues)
Jean Garrigues nous fait le portrait de la caricature pendant la crise boulangiste (1887-1889) sous la Troisième République en nous montrant, tout d’abord, la grandeur et la décadence d’un homme providentiel incarné par le général Boulanger. Soutenu au début par les radicaux, le général Boulanger fut d’abord un ministre de la guerre (1886-1887) fort populaire car réformateur (Cf. au 14 juillet 1886 du général Boulanger). Entre-temps, la France subit la crise économique et sociale mondiale (chômage de masse depuis 1847). En avril 1887, le général Boulanger n’est plus ministre de la guerre suite à l’incident diplomatique avec l’Allemagne consécutive à l’affaire Schaebelé. Dès lors, Boulanger se lança dans la politique avec les législatives d’avril 1888 et obtenant de nombreux succès dans les législatives partielles. Soutenu financièrement par l’Église et les monarchistes, Boulanger est célébré comme le nouveau Napoléon Ier. Dès, lors, il devient l’homme à abattre politiquement (condamnation par la Haute cour du Sénat en mars 1889 et fuite en exil à travers l’Europe). En octobre 1889, lors des législatives, c’est la fin du boulangisme. Néanmoins, historiquement, le césarisme du général Boulanger est un fantasme entretenu par les Républicains.

3°) Le Cahier des Charges des dessinateurs parlementaires (Jean-Louis Laubry : PRAG d’histoire à l’antenne universitaire de Châteauroux rattachée à l’université d’Orléans)
Jean-Louis Laubry a découvert une revue bien singulière, éphémère et rare appelée Le Cahier des Charges des dessinateurs parlementaires (1926-1934). Le conférencier l’aborde avec la problématique suivante : Quel est le positionnement des caricaturistes « politiques » au sein de la République de l’entre-deux-guerres ? Le Cahier des Charges des dessinateurs parlementaires fut une entreprise ambitieuse (1926-1929) car elle fut une revue sans équivalent et chère mais ayant un projet global ainsi qu’une politique républicaine et parlementaire à travers une approche thématique. La revue dont le directeur fut le dessinateur Dukercy fut un échec (1930-1934) dans la mesure où cette dernière n’a jamais réellement trouvé son rythme de périodicité et son lectorat. L’une des rares constantes fut la permanence des dessinateurs Dukercy et Galland. De plus, son tirage en 1932 fut de 1500 numéros, soit une diffusion confidentielle, d’où sa rareté. Fin 1930 et en 1931, le journal a ciblé l’homme de droite André Tardieu puis de 1932 à 1934, la revue semble devenir un des organes officieux du Parti radical. Dans son contexte éditorial, professionnel et politique, la revue est constituée d’un groupe réduit de dessinateurs parlementaires où la question générationnelle et/ou professionnelle se pose clairement entre des caricaturistes de droite et de gauche correspondant à deux générations distinctes. En conclusion, Le Cahier des Charges des dessinateurs parlementaires fut une aventure originale liant le parlementarisme et la sociabilité des élus (1925-1930). Elle n’eut pas d’impact grand public car destiné à un public éclairé et aisé mais elle a milité pour la mise en valeur de la profession de caricaturistes parlementaires. Bref, ce fut une revue éphémère et illusoire.
À l’issue de cette troisième et dernière conférence de la matinée, une courte discussion est organisée entre l’auditoire et les trois intervenants de la matinée, avant que toute l’assemblée ne parte se restaurer lors de la pause-déjeuner.

4°) Herriot équarri par Sennep : Du Cartel au Perchoir (Pierre Allorant)
Après la pause déjeuner, la conférence de Pierre Allorant fut la première de l’après-midi. Menée tambour-battant, cette dernière est consacrée aux relations du caricaturiste d’Action française Sennep et du radical Édouard Herriot. Ce dernier est la tête de turc de Sennep pendant 30 ans. Mais la période du Cartel des gauches (Cf. au recueil de Sennep intitulé Cartel et Cie) constitue pour le président du conseil récidiviste Édouard Herriot une période de véritable martyr. Le Cartel des gauches est une vraie leçon d’histoire pour une gauche à l’abattoir (1924-1932) où la guerre des deux Édouard (Herriot et Daladier) fit des ravages au sein du Parti radical. Sous le titre « Le perchoir du bout du quai : permanences et avatars d’Herriot libéré », Pierre Allorant évoque le Herriot président de la Chambre des députés en 1925-1926 puis en 1936-1942. Pour finir, l’intervenant termine avec le Herriot président de l’Assemblée nationale sous la IVe République (1947-1958) qui fut contre le discours de Bayeux du général de Gaulle.

5°) Les caricatures socialistes sous l’ère de François Mitterrand (L’Unité), (Noëlline Castagnez : Maître de Conférences en Histoire contemporaine à l’université d’Orléans)
En réalité, la conférence de Noëlline Castagnez s’est intitulée : Les caricatures de l’Unité (1972-1986) entre culture de gauche et mitterrandisme. Hebdomadaire socialiste, L’Unité est créée pour combler la disparition du quotidien socialiste Le Populaire en 1970. Durant ces 14 années, L’Unité a symbolisé une culture de gauche en images avec une équipe de caricaturistes représentant deux générations de gauche, soit des dessinateurs incarnant l’avant et l’après mai 1968. Grâce à eux, la tradition iconographique de gauche s’est considérablement renouvelée (Cf. la rose au poing de 1969 adoptée par le PS en 1971). Cependant, L’Unité constitue une défense et illustration du mitterrandisme évoluant dans un cadre contraignant (Mitterrand exonéré d’être caricaturé) et dans un domaine réservé (soutenir et expliquer la politique du PS). Après 1977 et la rupture du Programme commun avec le PRG et le PCF, les ventes de L’Unité font un bond et l’hebdomadaire devient un journal de combat contre le PCF et la droite en diffusant des « gueules » et des unes tournant au jeu de massacre. En guise de conclusion, Noëlline Castagnez insiste sur le fait que les caricatures sont issues d’une longue tradition dans le milieu ouvrier et que L’Unité a été le miroir des débats de société de l’après mai 1968. Néanmoins, l’hebdomadaire n’a pas pu s’affranchir d’une autocensure face à la politique du PS en générale et de François Mitterrand, en particulier.

6°) La satire parlementaire dans l’Italie libérale 1860-1900 (Sara Trovalusci : Doctorante en cotutelle à l’université d’Urbino et d’Orléans)
Jeune doctorante italienne de 26 ans, Sara Trovalusci fait sa conférence en français. Elle commence par dire que l’antiparlementarisme italien s’est développé en même temps que le parlementarisme, notamment, à cause des scandales politico-financiers. Sara Trovalusci indique également que la caricature s’adresse à la sphère émotionnelle du lecteur en le marquant plus profondément qu’un long article faisant appel à la rationalité de ce même lecteur. Ce fut l’un des points les plus pertinents et les plus saillants qui a été dits au cours de ce colloque. Vers 1890, l’État libéral italien traverse une crise profonde avec l’anarchisme et la création du PSI (Parti Socialiste Italien). En conclusion, l’unité de l’Italie est incarnée par le roi et non par le parlement permettant ainsi au fascisme de prospérer tel un populisme médiatique au point de prendre le pouvoir en octobre 1922.
À l’issue de cette conférence et avant une courte pause, une discussion est organisée entre le public et les trois intervenants.

7°) Kiss my ass : An Infamous Visual Metaphor of Anti-Parliamentarism : England, France, and Germany since the late Eighteenth Century (Andreas Biefang : Docteur en Histoire contemporaine à l’université de Berlin)
Bien qu’allemand de naissance, Andreas Biefang nous a présenté sa conférence en anglais en faisant une comparaison entre l’Angleterre, la France et l’Allemagne de la fin du XVIIIe siècle sur la caricature antiparlementariste basée une métaphore visuelle pour le moins infamante : « bise-moi le cul ! ».

8°) La caricature politique en Allemagne : l’exemple du Simplicissimus (1871-1933) (Nicolas Patin : Maître de Conférences en Histoire contemporaine à l’université de Bordeaux-Montaigne)
Dernière conférence du colloque, Nicolas Patin (34 ans) a réussi le tour de force de faire une brillante communication en l’espace de 20 minutes. Cette dernière était consacrée à la caricature politique et parlementaire en Allemagne sous le IIe Reich (celui du chancelier Bismarck) et la République de Weimar à travers la revue satirique Simplicissimus. Cette dernière est bavaroise et d’une grande qualité artistique ainsi que la plus connue de tous les Allemands par sa violence acide. Nicolas Patin situe cette revue au centre droit de l’échiquier politique allemand, en le qualifiant de national-libéral. Pour conclure, et contrairement au IIe Reich, où l’unité de l’Allemagne est représentée par le triptyque Kaiser, armée et bureaucratie, le parlement sous la République de Weimar ne constitue pas l’instance la plus légitime mais c’est la masse de la population car la culture politique allemande s’est considérablement radicalisée à l’issue de la Première guerre mondiale.
À l’issue de cette dernière conférence de l’après-midi, un échange est organisée entre l’auditoire et les deux intervenants puis les deux coorganisateurs (Pierre Allorant et Jean Garrigues) font la conclusion de ce colloque fort riche sur les « Caricatures : Politiques et Parlementaires », avant que le public ne quitte l’ancien palais de l’évêché, l’hôtel Dupanloup.

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)

Professeur-documentaliste certifié dans un collège-lycée polyvalent à Tours. Titulaire d’une maîtrise d’histoire contemporaine (Master 1) avec un mémoire intitulé « Les radicaux et les radicaux-socialistes en Indre-et-Loire (1928-1934) », soutenue en 1992, sous la direction de Michèle Cointet-Labrousse, à l’Université de Tours puis d’un Master 2 Histoire Recherche à l’Université François-Rabelais de Tours ayant pour mémoire de M2 l’intitulé suivant : « Les parlementaires radicaux et radicaux-socialistes en Indre-et-Loire (1919-1940), sous la direction de Robert Beck. Actuellement, il travaille sur le radicalisme en Indre-et-Loire sous la Troisième République sur le plan électoral.
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