Homme d’affaires à succès et milliardaire engagé, Michael Bloomberg incarne le rêve américain contemporain. Dans un contexte marqué par les attentats du World Trade Center de 2001, il devient maire de la ville de New York City avec une ambition claire : transformer la ville sous tous ses aspects. Conservateur modéré, engagé en faveur des droits homosexuels et du droit à l’avortement, il incarne un modèle politique particulier. Sous l’impulsion de Michael Bloomberg, New York City  entre dans une nouvelle ère. L’ère Bloomberg est caractérisé par la modernisation urbaine, nouveau dynamisme culturel, avancées sociales et lutte contre le réchauffement climatique. Ces années consolident la puissance de New York à grande échelle mais se heurtent aussi à certaines limites.

De retour d’un séjour au coeur de la Grande Pomme, j’ai eu envie de partager quelques réflexions.

De Wall Street à la Mairie de New York City : symbole du rêve américain

 

Michael Bloomberg grandit dans la banlieue de Boston dans une famille modeste issue de l’immigration biélorusse du début du XXème siècle. Il est diplômé en sciences de l’ingénierie électrique à l’Université de John Hopkins en 1964 avant d’obtenir un MBA (Master of Business Administration) à Harvard. C’est après ses études que Michael Bloomberg intègre le monde en plein essor de la finance comme trader dans la banque d’affaires Salomon Brothers au coeur de Manhattan. En 1981, l’homme d’affaires fonde à Wall Street sa propre entreprise d’informations financières : Bloomberg LP. Son entreprise est un succès qui dure dans le temps en comptant plus de 10 000 employés dans 130 pays aujourd’hui autour de neuf chaînes de télévisions financières présentes sur l’ensemble de la planète. La réussite professionnelle de Michael Bloomberg fait de lui la quatorzième personne la plus riche du monde avec une fortune estimée par Forbes à 105 milliards de dollars en 2025FORBES. Michael Bloomberg, Forbes Magazine .

Sa carrière à succès fait de Michael Bloomberg un parfait exemple du rêve américain contemporain, d’autant plus qu’il n’est pas seulement un grand homme d’affaires mais aussi un citoyen engagé. En effet, après sa réussite individuelle, son ambition se porte sur le monde politique et le sens du collectif. Dans ce sens, il se porte candidat aux élections municipales de la ville de New York en 2001. Michael Bloomberg est un démocrate convaincu mais se porte candidat sous l’étiquette du parti des Républicains afin de mettre toutes les chances de son côté en évitant la primaire démocrate où d’autres figures célèbres de la ville sont présentes. Il est élu maire face au candidat démocrate, Mark Green, en ayant engagé 70 millions de dollars de sa fortune personnelle pour faire campagne sans bénéficier de dons citoyens. Après son premier mandat, Michael Bloomberg se détache du parti Républicain et du modèle traditionnel du bipartisme étasunien pour devenir indépendant. Il reste maire jusqu’en 2013, après un troisième mandat brigué grâce à l’amendement du Conseil municipal sur la loi électorale réglementant le nombre légal de mandatsFrance 24. « Le maire de New York autorisé à briguer un troisième mandat« , AFP, 2008..

 

Un projet : construire un visage nouveau à New York City

 

Le premier défi de Michael Bloomberg en tant que maire de New York fut de moderniser la ville dans sa structure et ses services afin de lutter activement contre l’exclusion sociale. En cela, c’est un modèle politique qualifié de keynésien qui est adopté avec une administration qui intervient activement dans les différents aspects de la vie des New-yorkais.

Tout d’abord, Michael Bloomberg et ses équipes ont pris différentes mesures en faveur de l’ouverture du système éducatif afin de lutter contre les inégalités et la reproduction sociale. Pour ce faire, un budget a été spécialement attribué à l’ouverture de plusieurs nouvelles écoles à charte, établissements publics ouverts à tous les élèves. Ces politiques se sont révélées efficaces avec plusieurs études qui démontrent que le taux de réussite des lycéens new-yorkais et le taux d’accès aux études supérieures ont augmentés.

Aussi, l’une des principales préoccupations de Michael Bloomberg demeure la sécurité de la ville de New York. La politique du maire s’inscrit dans la continuité des efforts fournis par son prédécesseur, Rudolf Giuliani, dans la lutte contre l’insécurité, notamment contre la criminalité et la délinquance. En ce sens, Michael Bloomberg lance un plan de rénovation des quartiers défavorisés de New York afin de les restructurer pour y réduire le taux de criminalité et leur offrir un dynamisme nouveau dans l’objectif de les rendre attractifs. Ce sont près de 40 000 nouveaux bâtiments, selon le New York TimesThe New York Times. « Rashaping New York », The New York Times. , qui sont érigés sous les mandats Bloomberg. Cependant, le nouveau maire ne se limite pas à suivre les pas de son prédécesseur et engage une réelle résistance envers le port d’arme dans l’espace public. Son projet pour vaincre l’insécurité dans la ville est d’encadrer et réguler le port d’armes dans les rues et commerces en réduisant le nombre d’individus autorisés à transporter des armes sur eux dans ces espaces. Avec ces mesures, une directive amène la police de New York à procéder à de multiples opérations de fouilles des individus afin de contrôler les individus possédant des armes dans l’espace public. Néanmoins, ces actions vaudront à Michael Bloomberg d’être corrigé par la justice fédérale qui considère que ces mesures sont en désaccord avec la constitution des États-Unis, où le port d’arme est présenté comme une liberté fondamentale garantie par son second amendementLe Figaro. « À New York, les fouilles spontanées jugées anticonstitutionnelles », Le Figaro, 2013..

Les mandats Bloomberg sont aussi caractérisés par une nouvelle dynamique des services publics afin de les rendre davantage opérationnels et efficaces. Pour cela, Michael Bloomberg mise sur le développement des nouvelles technologies au sein de l’administration de la ville. Ces outils sont notamment utilisés pour accélérer et faciliter les différentes procédures administratives mais également comme des leviers de promotion de la démocratie en étant des outils de transparence politique.

 

La culture et le patrimoine comme levier de puissance

 

Une autre préoccupation de Michael Bloomberg fut la culture et le patrimoine, perçus comme des outils de puissance et de rayonnement à différentes échelles. Pour ce faire, ce sont tout d’abord d’importants financements publics qui ont été consacrés à ces domaines afin d’élargir l’accès à la culture dans la ville de New York. Cette mesure politique va de pair avec l’engagement personnel de Michael Bloomberg qui est à l’origine de dons colossaux pour les institutions culturelles étasuniennes et new-yorkaises, via sa fondation personnelle : Bloomberg Philanthropies. En parallèle, l’administration Bloomberg a engagé une vaste campagne de promotion de l’art sous toutes ses formes dans les écoles publiques de la ville. Ce sont notamment des ateliers de théâtre, de peinture ou encore de danse qui ont été proposés aux élèves de façon régulière afin de les sensibiliser à la culture et de leur offrir l’opportunité de pratiquer un art.

La politique de valorisation de la culture new-yorkaise passe aussi par la défense du patrimoine et la conservation des oeuvres. Sous les mandats de Michael Bloomberg, d’importants projets de rénovation de plusieurs centres culturels hors de Manhattan, comme le Brooklyn Museum ou encore le Queens Museum, ont été menés. Aussi, c’est directement le patrimoine matériel de la ville qui a fait l’objet de mesures de valorisation et protection. En effet, d’importantes mesures ont été prises en lien avec le plan d’urbanisme de New York afin d’encadrer la construction des nouveaux gratte-ciels dans le but de préserver la vue offerte par la Sky Line de Manhattan avec des monuments emblématiques de la ville, à l’image de l’Empire State Building et le Chrysler Building. À noter qu’après les mandats de Michael Bloomberg, le cadre légal de construction s’est assoupli amenant ainsi la construction de nouveaux gratte-ciels réduisant la vue sur ces symboles de la ville.

La promotion du patrimoine et des éléments culturels de New York s’est faite également par le soutien à certains secteurs phares de la ville comme l’industrie audiovisuelle. Michael Bloomberg a notamment contribué à la valorisation du domaine du cinéma considéré comme un réel outil de rayonnement à grande échelle de la Grande Pomme aux yeux du monde. En effet, le cinéma entretient le tourisme à New York en construisant et transmettant un patrimoine idéalisé de la ville. Pour cela, des mesures de soutien aux tournages dans la ville ont été mises en place avec l’ouverture de fonds spéciaux dédiés au cinéma, permettant aussi la création d’un certain nombre d’emplois dans ce secteurRobequain, Lucie. « Les tournages de films à New York dopés par les aides », Les Échos, 2013. . Pour promouvoir la ville, Michael Bloomberg est même passé de l’autre côté de la caméra en faisant diverses apparitions en incarnant son propre rôle dans des séries cultes se déroulant à New York, à l’image de Gossip Girl. Michael Bloomberg lui-même a d’ailleurs initié le projet du « Gossip Girl Day »Hollywood Reporter. « Mayor Bloomberg Announces ‘Gossip Girl’ Day, Celebrates 100 Episodes », Hollywood Reporter, 2012 visant à célébrer le centième épisode de la série devenue un symbole de New York aux yeux du monde.

 

Trois mandats de considérations sanitaires et environnementales

 

La politique mise en oeuvre par Michael Bloomberg a également fait des questions sanitaires une priorité. C’est dans un premier temps le tabagisme qui a été érigé au titre de lutte municipale à New York avec une administration consciente des enjeux de santé publique liées aux maladies causées par la consommation de tabac. Pour ce faire, durant les mandats de Michael Bloomberg est décidée l’interdiction de fumer dans les lieux publics fermés en 2003 et dans les espaces publics extérieurs en 2011 BBC. « New York smoking ban in public places marks 10 years », BBC, 2013. L’autre lutte dans le domaine de la santé s’est faite contre l’obésité chez les jeunes Newyorkais. Des mesures ont été décidées afin d’interdire un certain nombres de produits utilisés dans l’industrie alimentaire, et en priorité ceux rattachés aux fast-foods comme certaines huiles de friture hautement cancérigène. Aussi, les grandes enseignes de la nourriture rapide ont été contraintes d’afficher sur tous leurs produits le nombre de calories. Plus importante encore, une mesure a été adoptée par l’administration Bloomberg afin d’interdire la présence de distributeurs de soda en libre-service dans les enseignes de restaurations de la villeRobert, Virginie. « Le maire de New York en guerre contre les maxi-sodas », Les Échos, 2012. Ces différentes décisions ont valu à Michael Bloomberg de nombreux conflits avec les leaders de la nourriture rapide et également avec la justice jugeant ces mesures trop fortes et dépassant le cadre du pouvoir d’un maire.

L’autre grande cause de Michael Bloomberg, personnellement et en tant que maire, demeure la lutte contre le changement climatique. Au début de son deuxième mandat en 2005, Michael Bloomberg a fait la promesse de mettre en place diverses mesures visant à réduire de 30% les émissions de CO2 de New York d’ici 2030. Ce sont donc diverses normes qui ont été mises en oeuvre en faveur de l’environnement. C’est tout d’abord la rénovation des anciens gratte-ciels et l’encadrement de la construction des nouveaux bâtiments qui a été la première priorité car elle représentait la principale source de pollution dans la ville. Un plan de valorisation des transports en commun a également été décidé afin de réduire la pollution liée aux voitures, Michael Bloomberg montrant l’exemple en prenant le métro chaque jour pour se rendre dans ses bureaux. De plus, les mandats Bloomberg ont engagé une dynamique verte pour la ville avec la promesse d’offrir un accès rapide à un espace vert pour tous les New-yorkais. Pour atteindre cet objectif, plus d’un million d’arbres ont été plantés dans New York et une promenade piétonne verte a été créée sur un ancien chemin de fer : la célèbre High LineThe High Line. « HISTORY », The High Line. Cette cause reste chère à Michael Bloomberg qui fait du changement climatique son principal combat à échelle nationale et globale après ses mandats de maire en devenant envoyé spécial à l’ONU sur les villes et le climatNations Unies. « Le Secrétaire général nomme Michael Bloomberg », Nations Unies, 2014. /.

 

Un bilan qui se heurte à certaines limites

 

C’est en 2013 que s’achève le troisième mandat de Michael Bloomberg. À savoir qu’il fut le premier maire en fonction durant trois mandats consécutifs grâce à un amendement du Conseil municipal de New York sur la loi électorale qui fixait à deux le nombre de mandats consécutifs maximal. À l’époque cette décision avait été dénoncée par une partie de la classe politique jugeant qu’il s’agissait d’un manquement à la préservation de la démocratie. Après son dernier mandat il lui était donc impossible d’être de nouveau candidat à la mairie de New York, laissant ainsi la place au démocrate Bill de Blasio.

De par son bilan, Michael Bloomberg demeure aujourd’hui une référence politique pour les Newyorkais. Beaucoup de citoyens ont vu en lui un homme engagé et de conviction, en témoigne le salaire du maire fixé à 1$ symbolique par an et son refus des avantages traditionnellement accordés à sa fonction. Les trois campagnes de Michael Bloomberg ont été financées par ses propres moyens avec un investissement personnel estimé à plus de 268 millions de dollars, auxquels s’ajoutent 263 millions de dollars dont il a fait dons à diverses associations de la villeSherwell, Philip. « Michael Bloomberg ‘spent $650 million of own money’ as New York mayor », The Telegraph, 2013. Au-delà de la figure incarnée par Michael Bloomberg, c’est aussi une empreinte durable que laissent les différentes mesures qu’il a prises en tant que maire. Ses mandats ont grandement contribué au redressement économique de New York qui avait vu ses finances tomber dans le négatif à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Sur le plan social, Michael Bloomberg a participé à l’avancée des droits homosexuels et la défense des minorités. Aussi, sa lutte contre la criminalité a porté ses fruits, comme en témoigne le faible taux de criminalité à la fin des mandats de Michael Bloomberg, un chiffre historiquement bas pour New York.

Selon un sondage du New York Times, 83% des New-yorkais jugent « correcte » la politique exercée par l’administration Bloomberg et 46% estiment « excellent » l’impact de ses actions pour la villeThe New York Times. « Poll Shows New Yorkers Are Deeply Conflicted Over Bloomberg’s Legacy », The New York Times, 2013. Néanmoins, à ce bilan largement positif certaines limites doivent être soulignées. Les différents mandats de Michael Bloomberg ont également contribué à une hausse globale des prix de l’immobilier dans New York avec des quartiers dynamisés qui ont attiré davantage de membres des classes aisées. Ce processus s’est donc accompagné de la création à grande échelle de logements de luxe et autres services onéreux visant à répondre à cette demande nouvelle. Les conséquences de cette ouverture de la ville aux classes aisées se sont répercutées majoritairement sur les classes moyennes avec une hausse générale du coût de la vie sur tous les plans. Une étude estime que le nombre de foyers ayant un revenu annuel supérieur à 200 000 dollars a doublé à New York au cours des trois mandats de Michael BloombergBaron, Rodolphe. « Le bilan de Michael Bloomberg à la tête de New York », Le Monde, 2013. .

 

L’ère Bloomberg à New York City : dimension pédagogique

 

Le parcours politique de Michael Bloomberg en tant que maire de New York permet d’illustrer et de poser une réflexion sur plusieurs notions du programme de la spécialité HGGSP, aussi bien en Première qu’en Terminale. Tout d’abord le thème de la puissance (classe de Première) avec le projet de Michael Bloomberg de renforcer l’influence de New York après les attentats du 11 septembre 2001. Aussi, les mandats de l’administration Bloomberg permettent d’analyser le thème de l’environnement (classe de Terminale) autour des différentes mesures politiques qui ont été prises afin de faire de New York une ville plus verte. Le thème du patrimoine (classe de Terminale), à la fois matériel avec les monuments de la ville mais aussi immatériel avec l’imaginaire collectif construit autour de New York, se retrouve dans les actions réalisées par Michael Bloomberg. Enfin, le thème lié à la démocratie (classe de Première) est intrinsèquement lié au personnage de Michael Bloomberg lui-même mais aussi aux divers combats qu’il a menés contre la justice fédérale afin de conserver certaines mesures essentielles, notamment concernant le port d’arme.

De plus, la politique de Michael Bloomberg dans le domaine de l’urbanisme amène à étudier l’évolution de la ville de New York sous une approche géographique. Cela permet d’aborder les thématiques des zones urbaines, des mégalopoles mais aussi de la mondialisation avec une ville qui se modernise pour gagner en influence sur le monde tout en répondant à des enjeux nouveaux.

Plus largement, l’étude des mandats de Michael Bloomberg conduit à une analyse plus approfondie du lien entre pouvoir politique et enjeux économiques, pouvant ainsi faire l’objet d’un sujet de grand oral croisant la spécialité HGGSP et SES.

 

Pour aller plus loin :

Sur la transformation de l’urbanisme de New York :

France Culture. « Comment Bloomberg a-t-il refaçonné la ville de New York ? », La matériaux de la ville, Radio France, 2013.

 

Sur l’engagement de Michael Bloomberg en faveur de l’environnement :

RFI. « Climat: le milliardaire Michael Bloomberg déclare prendre à sa charge toute contribution américaine impayée », RFI, 2025.

TF1 Info. « Michael Bloomberg : « Ma politique à New York a fait gagner trois ans d’espérance de vie » », 2014. h

 

Sur les mesures sociales et sanitaires prises sous les mandats Bloomberg :

CNN. « Three Bloomberg policies all of America now lives with », CNN, 2020.

Libération. « Le maire de New-York veut interdire les sodas de plus d’un demi litre », Libération, 2012.

 

Sur les questions liées à la sécurité :

Le Monde. « Le maire de New York finance une campagne contre les armes à feu », Le Monde, 2013.

Louis, Cyrille. « La ville de New York s’offre un jour sans crime », Le Figaro, 2012.

Le Monde. « Michael Bloomberg, maire de New York, veut contrôler les armes à feu », Le Monde, 2011. h