Table ronde, Halle aux grains, hémicycle, 18h30-20h
Intervenants :
- Julian Jackson : Professeur à Queen Mary, University of London,
- Laurent Joly : Directeur de recherche au CNRS
- Benedicte Vergez-Chaignon : Historienne, chargée du classement des archives de P.Nora chez Galimard.
Modération :
- Valérie Hannin : Rédactrice en cheffe de l’Histoire
Comment en est-on arrivé à Vichy ? Réflexion sur sa légitimité :

Si il y à une date à retenir dans l’historiographie du régime de Vichy, c’est celle de 1973 selon L.Joly. Il s’agit en effet de la date de sortie du livre de Robert O. Paxton «La France de Vichy », livre qui, dans l’état de la recherche sur le sujet, vient enclencher un nouveau paradigme, faisant d’une part voler en éclat le mythe du bouclier et de l’épée, et montre, que la collaboration du régime de Vichy avec la dictature Nazi à été faite de plein gré, voir même avec un certain excès de zèle.
L’origine de Vichy prend racine dans l’étrange défaite de l’armée française en 1940. Suite à la signature de l’armistice par Pétain, (il faut rappeler qu’il à été destituée de son grade de maréchal lors de son procès entre le 23 juillet et le 15 août 1945), les deux chambres se réunissent le 10 juillet 1940 afin de voter la mise en place d’une assemblée constituante (qui, théoriquement à cette instant, à pour objectif d’écrire une nouvelle constitution), ce processus -qui permet de sortir de bien des situations politiques tendues- est confié à P.Pétain par les quelques 400 députées et 230 sénateurs réunis. Cet épisode découle d’une réflexion engendrée et initiée de Pierre Laval à Bordeaux à la fin du mois de juin 1940, l’objectif étant d’obtenir les pleins pouvoirs, comme dans le cas de l’assemblée constituante, afin de les confisquer pour mettre en place un régime autoritaire en vassalité du régime Nazi allemand. L’une des première décision de Pétain est alors, par acte constitutionnel, de mettre fin au mandat du président actuel, ce que découvre par la suite, et avec une surprise non dissimulée, les parlementaire qui se trouvent alors devant le fait accompli. En un court instant, la France est passé de la démocratie à l’autoritarisme. Si le général De Gaulle conteste l’autorité de ce nouveau régime, il n’en reste pas moins que l’acceptation de la population française à l’égard de ce régime est complaisante dans un premier temps dû à l’homme qui l’incarne.
Pétain et l’adhésion française du régime de Vichy

L’adéhsion des français à l’homme qui fût maréchal remonte à la première guerre mondiale, lui, le héros de Verdun en 1916 voit les français lui vouer une reconnaissance et une affection du fait de son statut d’ancien combattant. Il fait office de figure respectée au cours des années 1920/1930, faisant presque office de substitution à une figure royale selon B.Vergez-Chaignon. Pierre Laval, lui, l’autre homme fort de Vichy, est en responsabilité depuis plusieurs années, enchaînant les marocains ministériels et les coups politiques, comme les négociations pour le dégel des relations avec la république de Weimar qui lui valent, en 1932, d’être nommé Man of the year par le Time.
Le sentiment dominant au lendemain de l’annonce de l’armistice est, dans un premier temps, le soulagement liée à l’arrêt des combats. Les français sont globalement en adéquation avec la prise de décision de Pétain, décision jugée raisonnable au vue des états de services du négociateur. Si la sidération l’emporte ensuite, les français sont dans la retenue et l’attente de la suite des évènements. Il se figure que la situation est provisoire et transitoire en attendant la capitulation de l’Angleterre qui emmènerai des négocations de paix plus larges. Cette confiance, relative certes, vacille dans un premier temps au moment de la rencontre de Montoire le 30 octobre 1940, mais elle retrouve un jour meilleur lorsque Pétain évince P.Laval du gouvernement de Vichy, (éviction sur fond de tension entre les deux hommes pour l’accaparement du pouvoir) au début du mois de décembre 1940. Cependant, au tournant de l’hiver, l’opinion se fait une raison sur le caractère transitoire de la situation politique, la pérennisation du régime de Vichy s’imprègne dans les esprits.
Les Français sont-ils à ce point détaché de la république ? Elle, qui existait depuis près de 70 ans, fait face à une montée croissante de l’antiparlementarisme couplée à la défiance vis-à-vis des hommes politiques qui incarnent la IIIe République, de plus, une impression latente traverse les esprits français, celle que l’autoritarisme comme régime politique serait plus à même de fonctionner. La défaite de l’armée française de 1940 vient parachever cet ensemble de sentiments antirépublicain, entérinant avec plus de facilité pour les Français, le fait de tourner la page de la IIIe République. Il est cocasse cependant, comme l’on rappeler les intervenants de la conférence, de mentionner que Pétain était un ignare en droit constitutionnel.
Vichy, reflet de la société française d’alors ?
Comme le replace L.Joly durant la conférence, lors du procès de Pétain entre le 23 juillet et le 15 août 1945, il est difficile de donner un début aux crimes de l’ancien maréchal. Ses crimes, commencent-ils au refus de continuer les combats en 1940, à la signature de l’armistice, à la rencontre de Montoire, au vote des pleins pouvoirs, à la signature du statut des Juifs ou encore à la rafle du Vel d’Hiv les 16 et 17 juillet 1942 ?
Quoi qu’il en soit, les crimes de l’ex maréchal sont connus et avérés. Parmi ces crimes, on peut noter que certains s’imprègnent directement d’une idéologie présente en France antérieurement à la capitulation de l’armée française. Vichy reprend notamment certains mots d’ordre de l’extrême droite des années 1920/1930, et surtout les idées du Parti Social Français dont les obsessions étaient l’antiparlementarisme, et la lutte contre « les Français de papiers ». En somme, Vichy, se trouve à être un catalyseur des thèses de l’extrême droite, ainsi que des idées antisémites de Maurras et Dumont, (auteur de La France juive), qui traversaient la France à cette époque. Les premières mesures de Vichy concernent le renvoi des fonctionnaires français nés de parent non-français, puis la dénaturalisation des Juifs français. Ces mesures raciales ont été appliquées sans blocages apparents dans un premier temps, on note quelques désobéissances non organisées qui se structurerons à partir de 1942/1943.

La propagande du régime de Vichy joue un rôle prépondérant dans la diffusion des idées politiques, Pétain -comme sur l’affiche ci-contre- est parée de toutes les qualités « Françaises », (sagesse, dévouement, sens du devoir). La confusion entre la droite et l’extrême droite sur la récupération des symboles nationaux, les courants d’extrême droite française se présentant comme des nationaux, joue un rôle important dans la mise en place de la rhétorique autoritariste de Vichy. L’acceptation des idées du régime de Vichy est un reflet des courants de pensée dans la France de la première moitié du XXe siècle qui, aussi bien sur l’antisémitisme que sur l’antiparlementarisme, trouve son apogée dans le ralliement aux solutions autoritaire des différentes maximes des droites françaises de l’époque. L’antisémitisme en France est prégnant au moment de la mise en place de Vichy, il s’étiole ensuite peu à peu aux moments ou les actes font face aux conséquences, notamment lors de la rafle du Vel d’Hiv, où il apparaît ensuite selon les recherches de L.Joly que l’honneur de la France est en jeu, suite au 16 et 17 juillet 1942.
Conclusion :
L’historiographie et la mémoire de Vichy sont encore des questions et des réflexions historiquement vives. Il convenait d’en dépassionner un débat qui, plusieurs fois repris au cours de ces dernières années par des personnes amatrices, mais faussaires de l’histoire (C.f : L.Joly, La falsification de l’histoire : E.Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les Juifs, Paris, Grasset, 2022), viennent en ternir les faits aux profits de récit fascisant et empreint d’un autoritarisme à peine dissimulé.





