L’année 2019 est incontestablement liée à la personnalité de John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) professeur d’Oxford, et surtout auteur du Seigneur des anneaux, roman du genre fantasy en trois volumes parus en 1954 et 1955. En effet, après un film qui lui a été consacré à ses années de jeunesse et d’apprentissage, avec Nicholas Holt dans le rôle de l’écrivain, tandis que l’annonce faite par Amazon d’une série sur l’univers de la Terre du Milieu qui sera disponible sur Amazon Prime Video en 2020.

Portrait de Tolkien en uniforme de l’armée britannique, 1916

Depuis le 22 octobre, la Bibliothèque Nationale de France consacre une exposition majeure à l’auteur du Seigneur des anneaux. Pour l’occasion, 300 pièces réparties sur 1000 m² sont proposées. Cette exposition est, bien entendu, le fruit d’une collaboration avec le Tolkien Estate [1]  et les divers centres d’archives regroupant les œuvres de l’auteur du Seigneur des anneaux : la bibliothèque de Bodley de l’université d’Oxford[2], la Marquette University Libraries ou encore le Raynor Memorial Libraries notamment.

Cette exposition a été pensée et conçue comme « une invitation au voyage, au cœur de la géographie imaginaire de Tolkien » et elle tient promesse. Le visiteur est transporté à travers les différents territoires de la Terre du Milieu. Une introduction, utile pour les non-initiés, rappelle le contexte et la chronologie des événements. La Comté, le pays des Hobbits qui a vu grandir Frodon Sacquet et Bilbo, est présentée à travers des cartes et des illustrations diverses, occasion de prendre conscience de la maitrise de la cartographie par Tolkien. Cette partie ne manque pas de souligner les similitudes existantes entre ce pays imaginaire et une Angleterre rurale telle que Tolkien l’a connu enfant à travers le village de Sarehole où il a grandi, et qu’il idéalise une fois adulte confronté au monde industriel, noir et chaotique. Puis, reprenant le parcours des héros de la saga, nous traversons les salles consacrées à la terre des elfes, le royaume des nains, les terres peuplées par les hommes, la forêt, le Gondor, le Rohan, Isengard … Nous terminons logiquement par le Mordor (« la terre noire » en langage elfique) où la scénographie adopte logiquement des tons rouges et noirs. C’est là que l’on apprend que pour créer ce pays de l’ombre où l’anneau a été forgé, Tolkien s’est inspiré du nord de la France et surtout de la bataille de la Somme à laquelle Tolkien a participé en 1916. C’est dans cette dernière partie que l’on trouve l’une des pièces maîtresses de l’exposition à savoir le poème de l’anneau dans sa version manuscrite datée de 1940. A ce texte, fait écho la voie de Tolkien même qui le déclame en anglais et en noir.

“Three Rings for the Elven-kings under the sky,
Seven for the Dwarf-lords in their halls of stone,
Nine for Mortal Men, doomed to die,
One for the Dark Lord on his dark throne
In the Land of Mordor where the Shadows lie.
One Ring to rule them all, One Ring to find them,
One Ring to bring them all and in the darkness bind them.
In the Land of Mordor where the Shadows lie.”

Chacune des parties propose un nombre conséquent de documents issus de la plume de Tolkien : de très nombreuses cartes, des illustrations, aquarelles et dessins, en nombre ainsi que des esquisses et des manuscrits de ses œuvres majeures donc par exemple le Prologue du Seigneur des anneaux. Il n’est pas besoin d’être un fin connaisseur de l’œuvre de Tolkien pour pouvoir apprécier quelques superbes illustrations dont celle intitulée « conversations avec Smaug » où les tons rouges et or dominent, et qui fut réalisée pour illustrer le Hobbit. Cette mise en avant des illustrations de Tolkien est d’autant plus appréciable car d’une part, il est reconnu que l’œuvre de Tolkien ne peut pas être abordée sans sa dimension illustrative, alors même qu’il estimait être (à tort !) un petit amateur dans ce domaine. Pourtant, la vue d’un autre dessin réalisé au crayon au début des années 30 et montrant « l’arrivée de Gandalf à Vandewalle » montre sa capacité à proposer un paysage de montagnes épurées et en mouvement par la grâce d’un trait à l’encre parfaitement maîtrisé. Les aspects linguistiques ne sont pas oubliés avec la présentation entre-autres d’un mur dédié à l’arbre des langues découlant du Valarin et mises au point par Tolkien. Enfin, quatre tapisseries réalisées à Aubusson d’après les illustrations du maître sont également exposées ponctuellement tout au long de la visite.

Gustave Doré – Illustration l’Enfer de Dante Aligheri

Aux œuvres manuscrites et illustrées de Tolkien, se joignent un nombre conséquent de tableaux, de livres divers et d’illustrations issus des collections du Louvre, du Musée d’Orsay et de la BnF choisis expressément, qui font écho à l’univers de Tolkien mais qui pour autant, ne l’ont pas forcément inspiré. Il est cependant acquis que Tolkien a lu et apprécié une part des œuvres proposées. Ainsi, nous retrouvons un grand nombre de gravures réalisées par Gustave Doré pour illustrer le Petit Poucet de Charles Perrault publié en 1862 ou encore et surtout L’Enfer de Dante Alighieri paru en 1861. Nous retrouvons également des illustrations signées Arthur Rackham, Edmund Dulac mais aussi l’illustrateur norvégien Theodor Kittelsen avec sa très inquiétante figure issue de la mythologie nordique, Nixe, qui fait irrésistiblement penser à Gollum. Le plus impressionnant reste certainement pour l’historien la présence d’ouvrages des XIème et XIIème siècles et les enluminures les accompagnants comme l’istoire de Merlin de Robert de Borron datée du XVe siècle. Des objets tels que des épées ou encore un cor en ivoire daté du XIe siècle qui fait écho au cor de Boromir sont également présentés.

Theodor Kittelsen

La dernière partie de l’exposition nous extrait du monde fantastique du Seigneur des anneaux pour nous ramener dans la famille et la bibliothèque de Tolkien, thème de la scénographie principale choisie. Sont exposés des photos de famille, des livres médiévaux pour la plupart sur lesquels il a travaillé (c’est l’occasion d’apprendre qu’il entretenait des rapports difficiles avec la légende arthurienne, pas assez anglaise à son goût !), mais aussi, plus intime, un certain nombre de dessins réalisés par Tolkien pour ses enfants dont des lettres et des cartes censées provenir du pôle Nord et du Père Noël qu’il dessinait lui-même pour ses enfants.

Assurément cette visite comblera à la fois tous les publics potentiels.

Informations pratiques :

Temps recommandé pour la visite : 2h30. Pensez à réserver de préférence votre billet en ligne

Dates : Du 22 octobre 2019 au 16 février 2020

Lieu :

BnF – Site François Mitterrand

Quai François Mauriac

75013 Paris 13

Tarifs :

tarif réduit : 9 €

tarif plein : 11 €

Site officiel : www.bnf.fr

Cécile Dunouhaud

(PS : pour des raisons de droits, ne sont ici proposées que certaines des illustrations présentées, qui ne sont donc pas de la main de Tolkien mais proches de son univers)

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[1] Structure juridique qui gère l’ensemble des droits en lien avec l’œuvre et les biens intellectuels de Tolkien. Il est essentiellement contrôlé par la famille Tolkien.

[2] Elle a notamment accueilli l’exposition « JRR Tolkien : Maker of Middle-Earth » qui s’est tenue de juin à octobre 2018.