Derrière le dicton «Quand Lisbonne s’amuse, Porto travaille…», et toutes ses déclinaisons, apparaissent en filigrane les déséquilibres du territoire portugais : Nord / Sud, littoral / intérieur… Adossé à l’Espagne, ou lui tournant le dos, l’aménagement du territoire portugais est un excellent révélateur de sa géographie et un défi toujours pour la société portugaise.

 

Introduction : Présentation du Portugal

Selon l’expression du géographe portugais Orlando Ribeiro, le Portugal est un pays « entre Méditerranée et Atlantique. » Pour se renseigner sur la géographie du Portugal, se référer aux cartes de François Guichard et à son ouvrage intitulé « la Géographie du Portugal ». Le Portugal a une ZEE de 1,7 km² exactement grâce aux Açores, à Madère… qui montre la vocation maritime du pays. Il possède une unique frontière continentale de 1200 km avec l’Espagne, la plus ancienne du monde. Le pays compte 10 millions d’habitants. Le territoire est 6 fois plus petit que la France et compte 2 métropoles principales : Porto et Lisbonne, qui comptabilisent la moitié des habitants du pays ! Ces 2 aires métropolitaines sont importantes pour le Portugal mais à l’échelle européenne, elles restent néanmoins modestes.

I/ Le Portugal, périphérie, marge et/ou centralité en Europe

2 dates marquantes dans l’histoire du Portugal : Le 25 avril 1974 : entrée du pays dans la démocratie et le 1er janvier 1986 entrée du Portugal dans la Communauté économique européenne.

BDA : Les guerres coloniales ont éloigné le Portugal de l’Europe. La population avait une image très positive de l’Europe en 1986 car elle permettait la construction de nombreuses infrastructures : De 0,2km d’autoroute pour 5km² en 1986, le Portugal est passé maintenant grâce à l’Europe à 3,2km par 5km², presque plus que la France ! Le PIB/ hab était 20 fois moins élevé en 1986 que celui de la France. Après la Révolution des Œillets, l’indépendance des colonies a représenté une perte de marché importante, au Mozambique et en Angola… C’est dans le contexte de la crise du pétrole et de la Guerre Froide avec le rapprochement Reagan/Gorbatchev que le Portugal a profité de ce moment important pour rentrer dans l’Europe. Mário Soares, politicien émigré en France a été le 1er ministre lors de cette transition au moment très critique où l’extrême gauche portugaise voulait prendre le pouvoir. Il a permis une démocratisation et une ouverture importante. L’économie européenne a beaucoup investi au Portugal par le fond de cohésion. Ce parcours de modernisation et de développement n’est jamais terminé !

RF : Les relations entre le Portugal et l’Espagne ne sont pas toujours très amicales. Ce qui explique l’expansion vers la mer surtout et le fait de capter les talents du Nord de l’Italie. Rome étant centrale avant que la centralité ne se tourne vers l’Afrique ou l’Asie lorsque le Portugal et l’Espagne étaient le centre du monde tourné vers la mer. L’idée d’un Portugal européen est récente, sous Mário Soares. Le Portugal est maintenant peu tourné vers l’Afrique et le Brésil, mais plus vers l’Europe.

Ainsi, toutes les autoroutes ont moins de 40 ans autour de Porto (voir diapo) avec des centres commerciaux de moins de 30ans. On y retrouve des centres de shopping qui sont plus grands que le centre ville de Porto ! Cette étude des centres commerciaux est symbolique de la transformation d’une société industrielle et rurale en société de consommation tertiaire, très en lien avec le tourisme.

PB : Le Portugal s’inscrit dans le projet des corridors européens nord atlantiques, qui impliquent les périphéries impactées territorialement. Ce projet a été initié par de la Commission européenne dans les années 1994 autour de 30 projets, puis en 2013/2014 ce nombre a été revu à la baisse ou mis dans le même corridor. Le corridor qui implique le Portugal part de Mannheim en Allemagne en passant par la France (voir diapo 13, corridor jaune). Cependant ces corridors sont parfois compliqués à mettre en place, pour le transport ferroviaire par exemple, entre l’Espagne et le Portugal, il n’y a pas le même écartement de voies… Ce corridor a pour intérêt de relier les ports, les pays entre eux, de l’intérieur au littoral du Portugal et d’impliquer les villes passantes.

II/ Métropoles et littoral VS désert portugais ou la question des déséquilibres du territoire

RF : Qu’est-ce que le déséquilibre ou l’équilibre ? Doit on avoir la même densité de population partout ? L’équilibre est comme dans un vélo : il est en marche et dynamique. Mais ces territoires souffrent du peuplement ou dépeuplement très rapide. Quand c’est trop rapide, c’est là le problème, car cela entraîne le manque d’eau et de transport ou des habitations au contraire qui deviennent vides avec des infrastructures non utilisées. La dénomination d' »intérieur » est qqch de psychologique, au Portugal il correspond souvent à la montagne, à l’éloignement de la grande ville et de la relation avec l’extérieur. 1h30 de la plage pour un Portugais ce n’est rien si on compare à Saint Dié des Vosges, finalement. Munich est au centre, à « l’intérieur » de l’Europe et ne jouit pas d’un mauvais aura pour autant. L’intérieur portugais c’est aussi le lieu d’exil par rapport à l’ennemi. On y retrouve le Bassin de Sousa et de Tâmega avec une industrie plus traditionnelle et des gens qui ne vont pas à l’université et peu de transition rurale vers le tertiaire. Il est à noter que le dépeuplement n’est pas seulement le problème de l’intérieur, même si le vieillissement y est plus présent au fur et à mesure que l’on avance vers l’intérieur.

D’autre part la faiblesse de la population n’est pas la faiblesse du développement forcément. Le phénomène de métropolisation du Portugal est indéniable. Dans le Nord il y a environ 3,3 millions d’habitants et autour de de Lisbonne 3 millions, soit 2/3 de la population portugaise dans cette zone. On retrouve aussi cette métropolisation à l’extrême sud dans l’Algarve et finalement le reste et presque désert…

BAA : Exemple de désertification : Vila Real, près de la région du vin de Porto avec son université. La centralisation du Portugal peut être accentuée par l’organisation déconcentrée mais pas gérée par le pouvoir de Lisbonne. Avec la pandémie, beaucoup de personnes ont choisi de travailler dans « l’intérieur », région dure et physiquement difficile pour la jeunesse. Dans l’ensemble du Portugal, le revenu moyen est de 1200/1300 euros par mois, mais dans le Douro c’est en moyenne 800 euros/mois de niveau de vie ! L’université de Vila Real attire les étudiants vers l’intérieur, avec des œnologues, le but étant qu’ils restent dans la vallée du Douro. C’est la même démarche par le développement touristique qui va fixer une population mieux payée. On retrouve donc un effort de la municipalité pour lutter contre ce dépeuplement. Les mairies essayent d’attirer les jeunes, elles payent aux jeunes couples plus d’allocations par enfants. Vers un Portugal plus solidaire et un rééquilibrage du problème. Enfin récemment le Douro a été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO et cela a créé plus d’espoir et permis d’augmenter l’estime de soi de ces territoires.

Plus on va vers le Douro et l’Espagne, plus on va vers le déficit hydrique. Sûrement que le littoral est plus confortable et moins continental tandis que l’intérieur est en proie à la sécheresse de plus en plus prégnante. C’est n’est pas la seule raison qui explique l’attractivité plus faible de l’intérieur pour autant. D’autant plus qu’il existe des grands barrages bâtis au sud de Portugal, avec des lacs au niveau européen énormes. Ce déséquilibre climatique peut servir la culture permanente, l’olivier, l’amandier ont émergé au Sud, en investissement grâce à cette sécheresse avec des surfaces agricoles plus rentables, plus extensives et moins intensives.

III/ Archipel VS désert, aménager le territoire portugais au XXIème siècle ?

PB : La régionalisation à travers des réformes concrètes a été l’un des objectifs des politiques d’Etat dans la continuité de 1976. Sachant que l’échelle régionale a peu de compétences au Portugal…

Est ce que les universités portugaises ont joué un rôle dans la fixation de la population dans le centre ? On peut le voir à travers les instituts polytechniques à Beja, Evere… plus développée à l’intérieur qu’autrefois pour rééquilibrer. Mais cela n’empêche qu’on assiste à une véritable maladie de la centralisation malgré la déconcentration de l’enseignement supérieur. Pour le cas de Villa Real, les instituts universitaires ont été bénéfiques et ont permis de travailler sur des questions de terrain comme « Comment améliorer la qualité des raisins et la qualité de travail dans la viticulture ? », pour rester en lien avec le local. Cela a permis d’enrichir l’intérieur notamment avec des techniciens et des œnologues. On peut aussi noter le cas de l’école supérieure d’infirmier dans le centre qui a permis d’exporter des infirmiers dans le monde entier, notamment Angleterre, et d’accompagner un phénomène d’universalisation des emplois. Des décisions importantes ont été pris au niveau local pour s’inscrire dans la mondialisation, comme dans la province de Minho ou l’industrie de technologie allemande autour de Porto, ou à Varo au Sud du Portugal. La métropole de Porto est plus allongée que celle de Lisbonne de ce fait car on y retrouve des entreprises et universités capables de former plus de personnes dans la recherche autour. Il est à noter également la présence de l‘industrie aéronautique à Guadra près de l’Espagne qui attire plus d’étrangers.

RF : 60% des habitants portugais en 1950 étaient métropolisés autour du littoral assez large en comprenant l’hinterland. Et en 2011 on est juste à 60% des habitants autour des 2 métropoles Porto Lisbonne, donc on assite à une concentration progressive et une métropolisation croissante (voir diapo 28). Pour autant il convient de critiquer la notion d’archipel métropolitain en prenant l’échelle d’une région métropolitaine dans la pratique. Le recteur de Vila Real habite à Porto par exemple, idée qu’on est à 1h de n’importe quoi. Voilà la nouvelle géographie avec des routes où on va très facilement. Le nœud de développement est la ville, et y faire de bons réseaux autour est vital, même si on habite dans des villages.

PB : D’autre part dans les « déserts » peuvent se cacher des centralité en devenir. Prenons la ville de Guarda, interconnectée par 2 lignes ferroviaires qui viennent d’être modernisées pour le corridor atlantique. Elle pourrait être un hub en devenir !

Pourquoi le transport ferroviaire est important pour le Portugal ? Car il est très en retard d’aménagement comme le gouvernement a plutôt investi dans le routier ! Un plan politique « ferroviaire 2020 » crée en 2016 a été mis en place pour palier à ce retard et un autre programme « PMI 2030″ notamment pour relier Lisbonne/Porto en LGV. Cela prenait 3h en train avant et avec la nouvelle LGV, le trajet se fera en 1h15. Pour Guarda (futur hub ?), on assiste à la mise en place d’un port sec qui va permettre au port d’Albeiro d’exporter plus facilement vers l’Espagne. A l’échelle locale, les municipalités de l' »intérieur » comme Guarda souhaitent attirer plus de tourisme et d’emplois. Pour se faire elles mettent en place des escaliers en bois, des « passavim » pour les touristes le long de la montagne pour pouvoir visiter des châteaux forts et des ruines médiévales ou aménagent des plage fluviales pour les immigrés et les touristes estivaux avec des jeux gonflables pour attirer et que les jeunes y restent, avec des beach socker. La municipalité essaye de moderniser pour juillet/août mais pas le reste du temps… En septembre, il y aussi des activités pour les retraités immigrés qui restent plus longtemps au Portugal, mais en dehors, non, en dehors des immigrés…

Enfin il est à noter que les principaux barrages électriques du Portugal se trouvent dans ces espaces faiblement peuplés.

RF : On assiste à processus de gentrification à Porto qui de ce fait perd des habitants. Les centres-villes se voient déserter pour les périphéries pour les habitants à cause de la « air bnbisation » et de la croissance des hôtels, de la touristification, ou pour les étudiants d’université qui logent en ville. On n’a plus de familles, de jardins pour les enfants dans le centre ville de Porto face une concentration brutale des restaurants et du « nomadisme » des habitants de la ville qui ne comprend pas que des touristes normaux. Le centre ville devient de plus en plus un espace mondial et non plus local. Le prix des restaurants sont des prix pour ceux qui visitent la ville et pas pour les locaux. Au café, à Porto l’employé vient et parle en anglais => Disneylandisation de la ville avec peu de beaucoup de Portugais dans la rue et des touristes qui sont là pour « manger/ dormir/ Instagram », surtout en centre ville. Ainsi les prix de l’investissement commandent la ville, et on ne sait même pas parfois l’investisseur, qui tire ses fonds certainement des îles Caïmans, de la Russie, Chine…

La diaspora portugaise est considérable. La France est au premier rang en comptant 1,5 millions de Portugais. Sachant que 5,3 millions de Portugais sont en diaspora et qu’il y a 10,3 millions de Portugais au Portugal.

BDA : Le Portugal a été fortement impacté par la sécheresse dans les 10 dernières années, le Tage cet été était vide ! La municipalité a dû retirer les poissons pour essayer de maintenir une population minimum et l’activité des pécheurs. Les Espagnols ont en effet coupé l’eau alors qu’un accord entre bassin versant Douro/Tage existe entre les 2 nations, l’Espagne a gardé toute l’eau cet été. Le grand bassin de Diem a permis de maintenir une petite réserve d’eau grâce à un barrage au fil de l’eau sur le Douro. Mais la qualité de l’eau stockée est en baisse de ce fait car il n’y a plus de lyophilisation. Et la Tage reste vide, alors qu’il est gigantesque ! Du point de vue de la viticulture qui est très résiliente, cela n’est pas un problème.

Quid de la montée des eaux et de son impact sur les côtes portugaise ? Il existe un programme d’aménagement pour le littoral, mais il ne faut pas oublier que le Portugal est plus élevé que les Pays-Bas donc pas de pb de montée des eaux à part quelques maisons qui sont condamnées à disparaitre mais pas catastrophique.