La réforme du CAPES externe se place dans un contexte de réforme générale qui comprend également le concours de professeur des écoles et celui de CPE. Les agrégations externes sont hors de ces mouvements de réforme.

Sur la période 2020-2021, l’Inspection générale a été chargée de penser ce que serait la définition du futur CAPES externe d’histoire-géographie. Cette intervention se pose comme un retour d’expérience sur la première cession du CAPES 2022 et particulièrement des attentes en géographie.. La matrice de ce compte-rendu s’inspire largement de celui de l’an passé.

Cette table ronde est animée par Catherine BIAGGI, Inspectrice générale et Marie-Françoise FLEURY, MCF Université de Metz, présidente du CAPES externe d’Histoire-Géographie.

Un programme spécifique qui comprend 6 questions articulées aux programmes du secondaire

Dans le sens de la réforme, la préparation du concours du CAPES se déroule en M1 et en M2. Elle vise à redéfinir ou préciser la dimension professionnelle, dans laquelle le candidat se projette dans le métier.

L’Inspection générale a souhaité se caler sur les questions du programme de secondaire. Il ne s’agit donc pas de se préparer sur toute l’Histoire et toute la Géographie.

Des questions spécifiques ont été retenues selon un calendrier décalé. Car l’une des difficultés était d’accompagner le mouvement du M1 au M2. On ne pouvait pas tout changer : certains étudiants ont échoué au CAPES l’an passé et l’ont repassé en 2022. D’autres étudiants arrivent. Il a donc été décidé de maintenir à l’identique le programme 2020-2021 pour 2021-2022. Un nouveau programme est établi pour 2023- 2024.

Il est conseillé de consulter le site « devenir enseignant » (site de la Direction Générale des Ressources Humaines de l’Éducation nationale). On y trouve les rapports des concours, les sujets 0, les programmes et les lettres de cadrage.

Les questions du programme 2023-2024 sont déjà annoncées afin que la préparation des étudiants passant le CAPES en M2, soit anticipée en M1.
Les étudiants disposent de 2 ans pour bien se préparer, tant dans la dimension académique, autrement dit scientifique que dans la dimension professionnelle.

Le maintien de ce programme spécifique permet une rotation équilibrée des questions, maintenues 3 ans pour des raisons d’anticipation et de cohérence entre les différents concours.

Les évolutions du programme 2022-2023 sont significatives. Elles illustrent une triple volonté :

  • Maintenir la parité entre histoire et géographie
  • Articuler le scientifique et les objets d’enseignement
  • Équilibrer et rendre visible la rotation des questions qui sont inscrites au programme.

En Histoire, deux questions ont été maintenue en 2022-2023 :

  • Religions et pouvoir dans le monde romain de 218 av. J.-C. à 250 ap. J.-C.
  • Le travail en Europe occidentale des années 1830 aux années 1930. Mains-d’œuvre artisanales et industrielles, pratiques et questions sociales.

Une question médiévalo-moderne, enjambant plusieurs périodes :

  • La construction de l’État monarchique en France de 1380 à 1715

Cette thématique permet une articulation avec le secondaire, afin que toutes les périodes soient représentées. En effet, il n’était pas souhaitable, dans cette réforme du CAPES, de revenir à quatre questions qui correspondraient aux quatre périodes historiques.

En Géographie, une question thématique « Frontières » est encore au concours.

Deux questions articulées avec l’agrégation de géographie :

  • Populations, peuplement et territoires en France
  • L’Amérique latine

Le MEEF1 et le MEEF2 comprennent des stages qui s’inscrivent dans la formation. On a une alternance sur 2 ans.

Les épreuves 2022, des épreuves écrites renouvelées

Écrit 1 : épreuve disciplinaire : la composition

Des nouveautés notables :

  • L’épreuve dure 6 h (au lieu de 5 h), car le concours se passe à la fin du M2
  • Coefficient 2
  • Instauration d’une note éliminatoire égale ou inférieure à 5. On recherche, par cette disposition, une complémentarité entre les deux matières, afin d’avoir des professeurs bivalents, historiens et géographes. On vise à afficher le maintien de l’exigence académique.

Un sujet 0 proposé sur le site du ministère : Religions et citoyenneté dans le monde romain (218 av. J.‐C. – 250 apr. J.‐C.), avec une maîtrise des enjeux scientifiques, des attentes historiographiques et épistémologiques. Le jury désire des développements problématisés, une véritable argumentation historique. On attend toujours dans une copie de concours une qualité rédactionnelle et d’expression.

Écrit 2 : épreuve disciplinaire appliquée

On retrouve les mêmes caractéristiques de l’écrit 1 : une durée de 6 h, un coefficient 2, et une note éliminatoire égale ou inférieure à 5. Un sujet 0, avec un dossier type sur les espaces de faible densité, est aussi proposé sur le site du ministère.

La présence de documents à caractère scientifique et didactique montre qu’il fut être capable de faire la navette entre la dimension professionnelle et sa transposition didactique.
Au final, une heure de plus, des consignes davantage détaillées, et une attente de didactique et de pédagogie plus importante.

Le dossier est structuré en 3 parties, 4 à 6 documents scientifiques, mais aussi des documents et des outils didactiques (extraits de manuels scolaires à la fois du collège et du lycée par exemple).

Le processus de transposition est renforcé avec des évolutions, une consigne en 4 temps :

  • Analyse et contextualisation scientifiques et critique des documents proposés,
  • Objectifs de problématique d’une séquence, pour un niveau de classe de collège ou de lycée au choix, au regard des programmes d’enseignement,
  • Les contenus à transmettre, projet de mise en œuvre de cette séquence avec les séances envisagées (leçons) pour un niveau de classe proposé.
  • En Géographie, une production graphique est obligatoire (fond de carte fourni).

On sort de l’ambiguïté, avec une épreuve purement scientifique.

L’écrit 1 est une composition au sens de dissertation : argumentation de savoirs problématisés, exprimée dans un niveau de langue acceptable pour un futur professeur. On ne peut pas se présenter à un concours si on ne sait pas écrire (construction de phrases, logique du propos, capacité à argumenter, à tenir un raisonnement, à établir un plan équilibré). Il s’agit d’une épreuve académique sur du savoir scientifique.

Avec la deuxième épreuve, un futur professeur doit avoir une maîtrise du fond scientifique, tout en étant capable de s’interroger sur les conditions de la transmission. L’épreuve est particulièrement ambitieuse et difficile.

On est à la fois sur de l’appréhension critique, scientifique d’un corpus documentaire et la capacité à réfléchir sur les apports de celui-ci dans un projet d’enseignement qui est une séquence (plusieurs heures de cours).

Questions de la salle :

Le barème

Une question de la salle porte sur le barème qui n’apparaît plus. Des formateurs expriment des difficultés à préparer des candidats alors qu’aucun critère d’évaluation n’est transmis.

Catherine Biaggi indique qu’on est passé à un autre champ de l’évaluation, en abandonnant des épreuves corrigées avec des barèmes détaillés et une approche fondée sur la docimologie. On notait par rapport à un 20 idéal, et on retirait ensuite des points. Ce qui donnait un écrasement des notes vers le bas. On évalue désormais par rapport à des seuils d’attente, avec des échelles descriptives, reposant sur un ensemble de facteurs de connaissances et de compétences. Il ne s’agit plus de séparer le didactique du scientifique.

Dans notre discipline, pour penser les problématiques et l’enseignement du programme, il faut du fond scientifique solide et pérenne. L’Inspection générale a donc renoncé à proposer un barème pour une approche globale de la copie. Mais un travail d’harmonisation d’entente du jury a été mis en œuvre sur des critères très détaillés.
La correction dématérialisée (copie numérisée) permet de travailler sur des échantillons de copies-tests avec une mutualisation des corrections.

Les étudiants auront-ils suffisamment de connaissances sur le sujet du corpus documentaire pour nourrir des propositions d’activité visant des apprentissages ?

Catherine Biaggi répond qu’on ne sera pas dans une attente détaillée de chaque séance, compte tenu qu’il s’agit d’un projet de séquence. On distingue bien l’écrit 2 de l’oral 1 : choix de la séquence sur l’écrit 2 (l’épreuve disciplinaire appliquée), choix de la séance avec l’évaluation pour l’oral 1. On évalue dans l’admissibilité la capacité d’appréhension d’une question de programme (par la séquence), on évalue ensuite, dans l’admission, la capacité à conduire une séance d’enseignement plus précise.

Quelle place accordée aux manuels dans les épreuves écrites ?

Les manuels sont des sources. L’Histoire et la Géographie sont des disciplines du document. La réflexion sur le document (et son approche critique) fait partie des attentes de l’évaluation du candidat. La validité du document, ce qu’il nous apprend, et la perspective du projet de la séquence sont à mettre en évidence. L’enjeu est de réfléchir aux usages du manuel.

Jusqu’où doit-on aller dans la contextualisation scientifique ? Quelles en sont les limites raisonnables ? Quel contenu à transmettre ?

Dans la dimension scientifique, il y a la dimension historiographique et épistémologique : pas d’anachronisme dans son enseignement, pas de socle épistémologique qui date de plus trente ans. L’Histoire telle qu’elle s’écrit, qu’elle se conçoit, n’est pas celle d’il y a cinquante ans.
L’arrêté du 25 janvier 2021 pour l’épreuve définit bien ce qu’elle permet d’évaluer :

  • La maîtrise des savoirs scientifiques permettant l’analyse critique des sources, avec la dimension de la contextualisation, épistémologique et historiographique
  • La capacité à formuler un projet et à le concevoir pour les élèves.

Quels sont les attendus dans la production graphique ?

Le croquis était déjà présent au concours, avant la réforme. Il n’existe pas de nouveauté. On ouvre sur les échelles, autrement dit on peut choisir l’échelle que l’on juge la plus adaptée. Un fond de carte est fourni, mais le candidat peut en produire un par lui-même.

 Les épreuves d’admission : deux épreuves orales

Oral 1 : Mise en situation professionnelle (MSP) : la leçon

Tirage au sort entre l’Histoire ou la Géographie.

  • Durée de préparation 5 h avec un document qui peut être une carte.
  • Durée de l’épreuve : 1 h = 30 mn d’exposé + 30 mn de questions par les membres du jury.
  • La nouveauté coefficient 5 !
  • La note 0 est éliminatoire.
  • L’épreuve a pour objet de concevoir et d’animer une séance d’enseignement, d’abord une leçon scientifique rigoureuse et problématisée puis une transposition didactique et pédagogique. Il ne faut pas oublier de convoquer le document.
  • La bibliothèque offre un large choix de manuels et d’articles à demander parmi une liste sur un ordinateur (un horaire est donné au candidat pour visiter cette bibliothèque au préalable. C Biaggi insiste pour que chaque étudiant vienne explorer les lieux avant les oraux).
  • L’épreuve apprécie la maîtrise des compétences disciplinaires et des compétences pédagogiques.
  • Les attendus : exposé des enjeux scientifiques et didactiques du sujet ; présentation d’un projet de séance intégrant une réflexion en matière d’évaluation, avec document(s) qui justifiera une approche critique et une proposition d’utilisation avec les élèves. La présentation intégrée du document tiré au sort sera particulièrement appréciée.

Catherine Biaggi précise que l’Inspection générale n’était pas favorable au tirage au sort. La leçon peut être « redoutable » avec son coefficient 5. Aucune discipline n’est à négliger dans sa préparation (la bivalence est à défendre). Toutefois les attendus sont modestes sur le plan professionnel, car c’est un concours sans élève. Il ne s’agit pas de faire un « pseudo-cours ». On est seulement sur du projet.

Oral 2 : Entretien avec le jury

  • Épreuve commune à l’ensemble des CAPES.
  • Pas de préparation, mais une logique d’entretien : réaction et échange avec le jury, à partir d’une situation pour tester la motivation à devenir un agent de l’État, un professeur d’une discipline.
  • Vérification de la manière dont se projette le candidat dans le métier, de sa connaissance du système éducatif.
  • Coefficient 3.
  • Déroulement de l’épreuve d’entretien en deux temps sur 35 mn au total :

La première partie dure 15 mn : un exposé initial sur son CV en identifiant les points saillants qui montrent un parcours réfléchi aboutissant au métier d’enseignant.

Une présentation de 5 mn explique ses expériences afin de montrer ses aspirations à devenir professeur d’Histoire-Géographie. Il s’agit de sélectionner, d’avoir réfléchi, d’avoir pris du recul sur son parcours et de pouvoir le mettre en perspective.

Le candidat à la possibilité de se baser sur une fiche individuelle de renseignements transmise préalablement au jury à l’admissibilité.

Cette fiche informative est normée : on y trouve des éléments sur le parcours du candidat, sur les enseignements qu’il a suivis, sur les stages éventuellement effectués, sur des engagements… Le candidat choisit des éléments qu’il souhaite valoriser. Cette fiche n’est pas centrale, elle n’est pas évaluée en tant que telle. Elle permet d’alimenter le dialogue et de distinguer une dimension réflexive : le positionnement vis à vis de la hiérarchie, des collègues et la connaissance des établissements (ne pas tout indiquer, se réserver des accroches pour les questions).

Ensuite se succèdent les questions du jury pendant 10 mn qui portent sur le parcours du candidat et sur sa posture et sa motivation.

La seconde partie dure 20 mn, avec deux mises en situation professionnelle :

  • Une mise en situation d’enseignement (le contexte de la classe).
  • Une mise en situation relative à la vie scolaire.

Le jury appréciera l’aptitude du candidat à s’approprier les valeurs de la République, dont la laïcité et les exigences du service public (droits et obligations du fonctionnaire, dont la neutralité, la lutte contre les discriminations et les stéréotypes, la promotion de l’égalité notamment entre les filles et les garçons). Il convient d’apprécier l’aptitude du candidat à faire connaître et faire partager ces valeurs.

Les deux mises en situation professionnelle sont libellées de manière simple :

« Vous êtes professeur en classe de … ».

Il est fait appel à l’expérience directe (stage) ou indirecte (observation de cours) du candidat, à sa capacité à se projeter, à sa réflexion, et à la mobilisation de connaissances (juridiques, historiques, géographiques…), à sa capacité à prendre du recul.

Chaque mise en situation fait l’objet de deux grands champs de questionnement (questions structurantes) :

  • Quelles sont les valeurs et principes de la République qui sont en jeu dans la situation proposée ?
  • Comment le candidat analyse-t-il cette situation ? Quelles pistes de solutions envisage-t-il ?

Il est demandé au candidat de penser les situations d’enseignement, en lien avec la vie scolaire… sans réciter des contenus appris par cœur. On attend qu’il puisse se saisir d’un large éventail de situations en lien avec la matière, autour de questions ou de remises en question d’élèves ou de parents concernant la discipline ; par exemple des contenus d’enseignement ou activités proposées ; des situations qui mettent en jeu le devoir de réserve ou l’obligation de neutralité du professeur ; concernant la vie scolaire. Sur quelles ressources (juridiques, humaines) peut-on s’appuyer ?

Il faut donc réfléchir à une épistémologie républicaine : quelle(s) posture(s) ? quelle(s) notions ? quel(s) concept(s) ? quelle(s) ressource(s) mobiliser ?

La composition du jury dans la réforme

Une continuité existe dans le jury, avec la règle des quatre ans, un équilibre d’hommes et de femmes, des profils différents (chefs d’établissement et enseignants du secondaire), et d’académies différentes.

Les ressources disponibles pour se préparer au concours :

Le guide républicain réunit trois ouvrages qui sont téléchargeables sur le site Eduscol (envoyé aussi dans les établissements sous la forme d’un coffret) :

  • Le recueil « L’idée républicaine » (316 pages)
  • Le vademecum « La laïcité à l’école » (112 pages)
  • « La République à l’école » (196 pages), travail piloté par l’Inspection générale qui s’adresse à toutes les disciplines

Ces outils sont à considérer comme de la réflexion étayée par des contenus. Il s’agit de comprendre la logique de ces ressources, pour essayer de se saisir de la manière dont on peut répondre à une situation tant sur le plan juridique, qu’éducatif ou pédagogique. Comment peut-on analyser la situation ? Quelles pistes de solutions peut-on envisager ?

L’ancrage dans l’établissement dans lequel on fait son stage est nécessaire. Une grande part des formations sera consacrée à des études de cas concrets (réponses-analyses…).

Les candidats doivent surveiller la parution du rapport du jury 2022 qui sera publié prochainement sur le site Devenir enseignant.

 

En conclusion :

« Être professeur signifie accueillir une parole effervescente. »

Que fait-on alors de cette parole dans le cadre de l’école républicaine et laïque ?

Un positionnement outillé par tout l’apport culturel, professionnel, intellectuel, et républicain est attendu. Confrontés à toutes ces ressources, les étudiants doivent être accompagnés par les formateurs qui les initient à des gestes professionnels qui feront l’objet d’évaluation.