Espace redouté par les Grecs de l’époque classique (tempêtes, piraterie endémique, razzias et pillages des zones côtières), la mer était aussi le vecteur d’échanges, entre Grecs, avec les Etrusques, les Celtes, les Scythes et l’Empire perse achéménide. Elle fut aussi le théâtre de batailles fameuses, où excella Athènes.Ce thème est en lien avec la parution du nouveau tome de la collection des Mondes anciens, dirigé par J. Cornette, publié chez Belin. Catherine Grandjean a assuré la direction de ce nouveau tome et est accompagnée de deux collègues ayant participé à l’écriture de cet ouvrage. Les Clionautes ont d’ailleurs déjà publié une recension.

Intervenants

  • Catherine Grandjean, professeure d’histoire grecque à l’université de Tours, est spécialiste de numismatique et d’histoire de la Grèce continentale classique et hellénistique. Elle appartient à l’équipe de recherche CeTHiS (université de Tours) et codirige la Revue numismatique.
  • William Pillot est maître de conférences en histoire grecque à l’université d’Angers et membre de l’UMR CNRS TEMOS. Il travaille sur le rapport des Grecs aux autres et à la nature, et dirige le projet HESIODE (Histoire et épistémologie des savoirs et idées aux origines de l’écologie).
  • Pierre-Olivier HOCHARD est agrégé d’histoire, docteur en histoire grecque, maître de conférences en histoire ancienne/grecque à l’Université de Tours et membre junior de l’IUF (promotion 2022).

Un enregistrement sonore de cette table-ronde est disponible.

La mer, une actrice centrale

Sur cette mer Méditerranée se déroule la guerre, le commerce, les transferts culturels entre pays voisins.

Aux Ve-IVe siècles av. JC, le transport terrestre est plus délaissé que le transport maritime pour plusieurs raisons : transport lent, mauvais état des routes, routes à flancs de montagne, très coûteux.
Le transport par voie d’eau est très apprécié, maritime et fluvial, notamment au nord de la Grèce.

Les implantations des Grecs à l’époque archaïque donnent l’image d’une « grenouille autour d’une mare » tant les colonies autour des Méditerranée et Noire sont nombreuses. Elles font donc l’objet d’un commerce intense entre elles et entre la métropole.

Une mer dangereuse

De nombreuses sources de navigation montrent la dangerosité de la mer : tempêtes, vents, courants, piraterie endémique.
C’est d’ailleurs en raison des conditions météorologiques qu’il y a deux saisons maritimes : la navigation est fermée entre octobre et mars et peu en nocturne car il n’y a pas de carte ni d’astrolabe (IIe siècle av. JC donc la diffusion est lente).

D’autre part, l’archéologie sous-marine révèle des épaves et nous apportent les connaissances techniques de cette époque. La construction du bateau se fait en cyprès et en pins car ce sont des bois solides.

Une reconstitution a d’ailleurs pu être faite, en taille réelle, à partir de ces découvertes. Ex : Kyrenia (cf photo).
Nous savons par les archives que les voiles étaient faites en lin car c’est une fibre légère et résistante.

Thucydide mentionne un voyage entre Abder et la Crimée qui dure 4 jours, ce qui est très long. Le navire vogue à environ 4 ou 5 noeuds, possède une cargaison de 20 tonnes (amphores remplies de vin, d’huile d’olive, de céréales… mais également des esclaves, des armes, de la vaisselle).

Itinéraires maritimes

Le commerce international est très important pour Athènes mais moins pour les Cités plus petites. Elle a une volonté de thalassocratie, ce qui selon Thucydide, pousse les hommes à étendre leur hégémonie jusqu’à la démesure.

Athènes contrôle plusieurs détroits : Bosphore, Messine. Cela a une importance dans le cadre des conflits politiques, par exemple les guerres médiques. Nous avons l’exemple de la bataille de Marathon qui se déroule dans la baie suite au débarquement perse. Un blocus maritime est fait pour étouffer le commerce grec, ce qui donnera lieu à la bataille de Salamine en 480 av. JC. Lors de celle-ci, c’est le triomphe de la Trière, le navire de guerre où les rameurs sont en quinconce et qui fera la renommée des Athéniens. Nous en avons plusieurs représentations comme ci-dessous, sur une pierre en cornaline conservée à Los Angeles, au Getty Museum.

La mer est l’endroit où se joue le destin des civilisations.

Qui dit mer, dit aussi port. Le port du Pirée est développé par Athènes comme un port commercial et militaire. C’est le symbole de la montée de l’impérialisme athénien et de sa stratégie car la guerre se déploie en opération extérieure par voie de mer.
Lors des différentes guerres, si le Pirée tient, Athènes tient car le ravitaillement se fait par les voies de mer.

Cette thalassocratie athénienne règne sur l’Egée et divise l’espace maritime en districts, qui regroupe des Cités tributaires de la Ligue de Délos (cité au coeur des Cyclades). Cette alliance a pour but explicite de prolonger la guerre contre les Perses avec des offensives navales.

Lors de la Guerre du Péloponnèse (461-404 av. JC), qui opposent des empires continentaux à des empires maritimes, le terrain est la Méditerranée. De nombreuses batailles navales se déroulent dans les Détroits, en mer Egée. Elle lance une grande offensive navale en Sicile pour ouvrir un nouveau front, cependant elle se termine par une catastrophe majeure et c’est le début de l’effondrement de l’empire athénien. Il est consommé en 404 av. JC lorsque Sparte, qui s’est dotée d’une marine, étouffe définitivement Athènes en organisant un blocus maritime autour du Pirée.

Le IVe siècle av. JC, un siècle coincé entre Périclès d’un côté et Alexandre le Grand de l’autre.

A la fin de la guerre du Péloponnèse, quand Athènes est mise à terre, Sparte décide de prendre la place de libérateur. L’image que l’on garde des Spartiates comme n’ayant pas le pied marin est fausse car Sparte a une tradition maritime et a été une cité de navigateurs avant le Ve siècle. Au IVe siècle av. JC, elle essaie de retrouver ce pied marin incarné par Lysandre, un général spartiate. Cela va durer très peu de temps car la structure de Sparte à l’époque classique fait qu’il est risqué de rester éloigné du Péloponnèse trop loin et trop longtemps, car elle craint une révolte des hilotes (esclaves soumis à l’époque archaïque).
D’autre part Lysandre monte en puissance et fait de l’ombre au roi spartiate, Agésilas, qui va faire en sorte d’écrouler ce projet maritime.

 

Athènes a perdu sa flotte et son empire, mais reconstitue rapidement sa flotte grâce à l’argent des Perses qui souhaite diviser les Grecs durant la guerre de Corinthe en 394-386 av. JC. C’est un jeu de balancier.
Athènes crée la seconde confédération athénienne qui dure une dizaine d’années, pour reprendre le contrôle de la route du blé depuis l’Ukraine : étant la cité la plus nombreuse du monde égéen, si elle n’importe pas de blé elle ne peux pas nourrir toute sa population.

Durant la guerre de Corinthe, les Perses réussissent à reprendre le contrôle de la côte d’Asie Mineure qu’ils avaient perdu à la fin de la seconde guerre médique. Athènes peut donc soutenir de petites cités face aux Perses dont elle perçoit un revenus. Cependant ces petites cités ne se laissent pas faire face à Athènes, ce qui met fin à cette seconde confédération.

A la fin du IVe siècle, un royaume émerge de plus en plus grâce à son roi Philippe II : la Macédoine. Son expansion face à l’Athènes déclinante permet de rejouer les cartes sur la domination des détroits et des îles.

 

La suite sera à lire dans le tome 3…