La Première Guerre mondiale est réputée par sa guerre de position, aussi appelée guerre de tranchées. Il est donc normal de l’associer à la guerre sur terre. Cependant, elle s’est aussi déroulée sur mer. Cette table ronde fut animée par John Horne, le vice-président du Centre International de Recherche de l’historial de la Grande Guerre.

Le Centre, qui a fêté ses 30 ans en juillet 2022, attribue des bourses aux chercheurs et chercheuses, organise des conférences et des écoles d’été.

Présentation des intervenants

  • John HORNE est historien, professeur émérite d’histoire européenne à Trinity College Dublin et membre de la Royal Irish Academy. Vice-président du Centre International de Recherche de l’Historial de la Grande Guerre, Péronne, il a fait partie de la Mission du Centenaire de la Première Guerre Mondiale en France. Il est l’auteur ou éditeur de nombreux livres et d’articles, dont beaucoup concernent la Grande Guerre, y compris (avec Alan Kramer) 1914 : Les Atrocités allemandes (Tallandier, 2005). Il travaille actuellement sur une histoire globale de la Grande Guerre.
  • Clotilde DRUELLE-KORN, agrégée de géographie, devenue historienne. Enseignante-chercheuse habilitée à l’Université de Limoges, ses travaux portent sur l’histoire économique de la Grande Guerre et sur l’histoire des organisations économiques nationales et internationales. Elle est l’auteure de Food for Democracy ? Le ravitaillement de la France occupée (1914-1919). Herbert Hoover, le blocus, les neutres et les Alliés (Peter Lang coll. Enjeux internationaux, 2018).
  • Stéphane AUDOIN-ROUZEAU est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et président du Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre.
    La Grande Guerre dans tous les sens (Odile Jacob).
  • Arndt WEINRICH est DAAD-Fachlektor en histoire contemporaine à Sorbonne Université et chercheur associé à l’UMR SIRICE. Il s’intéresse à l’histoire culturelle du fait militaire aux XIXe et XXe siècles. Membre du Comité directeur du Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne, il a fait partie, en 2012-2019, du Conseil scientifique de la Mission du Centenaire. Il a publié, entre autres, Quel bilan scientifique pour le centenaire de 1914-1918 ? (Sorbonne université presses 2022), Writing the Great War. The Historiography of World War I from 1918 to the present (Berghahn Books, 2021, avec Christoph CORNELISSEN) et Der Weltkrieg als Erzieher. Jugend zwischen Weimarer Republik und Nationalsozialismus (Klartext, 2013).

Un thème mal connu des historiens

La guerre en mer est un enjeu central de la Première Guerre mondiale, cependant cette mémoire reste faible.

L’offensive de la guerre 14 qui tourne en une guerre de tranchées est un choc cognitif pour les contemporains. Chaque camp essaie de prendre l’assaut sur son ennemi partout en Europe.

En mer, la guerre est offensive. Il y a un blocus commercial et la course à l’armement naval s’est exprimé dans la construction de cuirassiers. Cependant, chaque flotte s’écarte car elle a peur de perdre sa flotte ; il n’y a qu’une véritable bataille en mai 1916 qui oppose les Britanniques aux Allemands.

La guerre en mer a en réalité le même objectif que sur terre : le siège maritime soutient le siège terrestre. Le blocus naval des Allemands est soutenu par l’Entente. En réponse, le blocus de l’Alliance s’effectue au détroit du Bosphore et bloque l’accès à la mer Noire. L’Empire Ottoman en subit notamment les conséquences mais le Tsar de Russie également.

C’est alors le siège d’un continent et renvoie à la guerre mondiale : couper les empires centraux correspond à l’objectif d’affamer les civils et les soldats. En avril 1917, une grave crise éclate à la suite d’un navire coulé par les Allemands : 800 000 tonnes coulés. Le ministre de la marine britannique parle d’être « étranglé par le siège allemand ».

Une guerre profonde animée par les règles internationales

Dans la mesure où les blocus touchent les civils, la question de la légalité se pose ; de plus les bateaux coulés par des sous-marins se font sans avertissement.

Gagner la bataille de l’Atlantique est fondamental pour lever le blocus et faire venir les Américains pour résoudre la guerre terrestre.

Face à cela, la France n’a eu aucun rôle, elle a été la grande absente du blocus atlantique. En revanche, elle fut présente de manière très importante en Méditerranée.

Une codification de la guerre commence à se mettre en place à travers la liste de produits de contrebande qui est fixée ainsi que des accords de rationnement afin que la population civile souffre moins. Toutefois, il faut souligner que l’hiver 1916/1917 fut le plus dur pour les Allemands avec moins de 1000 kcal par jour : c’est insuffisant pour vivre.

La question de la neutralité

Tous les pays Européens ne sont pas intégrés dans le conflit, il y a donc un statut de neutralité qui devient la base des lois internationales. Les Pays-Bas exportent les produits allemands, la Suisse ne peut être ravitaillée que par le Rhin, il faut donc conserver la neutralité de cette navigation.

Le problème qui se pose ensuite est la provenance et la destination des produits : faut-il arrêter tous les bateaux ? Quels sont les produits autorisés ou interdits ?
Les pays neutres doivent pouvoir importer et exporter ce qu’ils veulent et ne rendre de compte à personne. La neutralité peut permettre à des civils de ne pas mourir de faim.

Le blocus maritime n’est pas seulement commercial

Arnt Weinrich rappelle que le sous-marin est vu comme un moyen de reconnaissance et jamais comme un moyen offensif. L’objectif de couper l’Allemagne du reste du monde fut très efficace y compris dans le cadre du blocus informationnel : les câbles sous-marins ont été coupés. En réponse, l’Allemagne va mener une guerre sous-marine à outrance début 1917 malgré le fait de savoir que la menace de l’entrée en guerre des Etats-Unis est conditionnée à leur implication dans la guerre.

Finalement, l’intitulé de la conférence sur la guerre en mer aurait dû davantage évoquer les blocus maritimes durant la Première Guerre mondiale, car cela fut le sujet principal de la rencontre.