Le 5ème salon des Sciences Humaines s’est penché ce samedi 5 février sur la question de la « France des villes ». Animée par Catherine Didier-Fevre, qui rappelle en introduction la prégnance du fait urbain et l’ambivalence de sa définition, ce moment d’échange se structure autour de trois grandes questions :
– les limites de la ville
– la gouvernance de la ville
– le renouvellement des thématiques liées à la ville

Cette première question des limites et donc de la définition de la ville est posée à Marc Dumont, maitre de conférences à l’université de Rennes 2, qui vient de publier avec Emmanuelle Hellier, « les nouvelles périphéries urbaines » aux Presses Universitaires de Rennes.

Pour lui, la ville est surtout le moyen de lutter contre les effets de la distance, elle maximise les interactions sociales. La ville, selon cette acception, coïncide avec sa forme matérielle originelle, insérée dans ses enceintes.

http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3111

Sortant aujourd’hui de leurs murs, ayant véritablement explosé pour la plupart, les villes seraient-elles finalement en train de disparaître du fait de leurs limites floues ? Serait-on à l’ère des Post Métropoles comme l’évoque Edward Soja ? Marc Dumont termine son propos en décrivant trois formes d’étalement urbain essentielles : le modèle radioconcentrique, l’étalement digital ou en lambeaux (suivant les axes de transport) et la forme fragmentée.

Deuxième question, celle de la gouvernance de la ville posée à Frédéric Gilli, économiste et géographe à Sciences Po, venant de coécrire avec Jean-Marc Offner, « Paris, Métropole hors les murs ».

Rebondissant sur la complexité des définitions présentées par Marc Dumont, Frédéric Gilli pense que cette gouvernance de la ville est délicate car il faut tenir compte de nombreux facteurs : les composantes internes à la ville, la relation avec les villes environnantes mais également le fait que les décisions et aménagements de demain doivent aussi compter avec la structure en place.

http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3300

D’où la question de la durabilité amenant l’auteur à penser que Paris intra-muros a fait son temps comme ville mondiale. Comme le périmètre est flou et les mobilités sont importantes, il peut être légitime de se demander si la gestion de la ville peut revenir à telle ou telle catégorie d’acteurs, de citoyens n’y habitant pas forcément au quotidien. Enfin, Frédéric Gilli évoque le décalage entre le fort pouvoir de persuasion des grands investisseurs et les petits élus des communes périphériques qui se voient mal leur refuser des aides pour aménager et donc urbaniser leurs communes. Il est vrai que le système intercommunal avait été pensé défensivement.

La troisième question revient à Lucile Gresillon, maître de conférences à Alençon et Caen et qui vient de sortir chez Quae « Sentir Paris. Bien-être et matérialité des lieux ».
http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article3265

Il est cette fois question de s’interroger sur un nouvel angle d’attaque de la lecture de la ville, la question des odeurs. En préalable, l’auteure évoque l’insertion de ce thème dans une certaine idéologie du développement durable mais surtout dans le véritable rapport ville/nature. L’olfaction rappelle un lieu, une personne avec l’exemple symbolique de Chatelet les Halles où se combine le gypse mais surtout les effluves humaines de l’entassement permanent. L’usage de cette étude de terrain sert la RATP ou d’autres organismes de ce type pour améliorer le bien-être des usagers et prendre en compte l’ensemble des perceptions de l’être humain. La ville est expérience sensorielle et permet de surprendre comme le précise Marc Dumont en ouverture des questions à l’audience.

Le public évoque la multirésidence auquel Frédéric Gilli reprécise que les lieux d’identification de la production intellectuelle sont variés, on pense chez soi, dans les transports…pourquoi le métro ne pourrait-il pas être un espace de mesure du PIB ?

Au sujet des odeurs, est évoquée la question des conflits à laquelle Lucille Grésillon répond que le problème est en partie occidental, la perception comme une gêne étant moins marquée dans d’autres cultures.

S’agissant de la croissance urbaine, un auditeur évoque la reconquête des centres. Marc Dumont évoque le renouvellement urbain et les ANRU mais aussi la réouverture des Tramway et le meilleur usage des TER.

La question du projet, plus modeste, pour le Grand Paris, lance le débat sur le fait que l’on interroge quasiment jamais le public sur l’intérêt général tandis qu’on le convoque pour des thèmes liés au quartier ou à sa catégorie sociale ou d’âge.

Une auditrice se demande enfin si la privatisation extrême des acteurs de l’aménagement gêne l’action étatique. Le débat se conclut sur le déni politique de l’espace public qui émerge aujourd’hui spontanément (centres commerciaux par exemple).

© Xavier Leroux

Autour de cette table ronde, que j’ai essayé d’illustrer par quelques images nous avons eu le plaisir de rencontrer deux des éditeurs des trois intervenants. Pascal Montagnon, chargé de communication des Presses de sciences-po.
Il est accompagné sur cette photo de Xavier Leroux, (À droite) géographe Chtimi, garde du corps personnel de Catherine et auteur du compte rendu de conférence ci-dessus.

J’ai aussi envie de remercier les Presses Universitaires de Rennes, un des meilleurs partenaires de la Cliothèque.
J’apprécie à la fois leur professionnalisme et leur rigueur. J’ai envie d’adresser un très cordial salut à Caroline Legleut et à leur responsable commercial, Jérome Besin, présent au salon.
Caroline en pleines vacances de Noël m’a aidé à organiser cette table ronde. Les PUR étaient également représentées sur ce salon par Pauline Réal qui remplace Caroline actuellement.
Ici aussi, je suis heureux d’avoir travaillé avec notre benjamine des attachées de presse. Elle saura, j’en suis sûr, trouver sa voie dans la jungle de l’édition.

Bruno Modica