Conflit au Sahara occidental toujours sans issue, enlisement des guerres en Libye et au Mali, coups d’État… Le Sahara traverse une période de troubles politiques et sécuritaires intenses, tandis que l’exploitation des ressources naturelles y demeure une manne essentielle pour de nombreux acteurs locaux, nationaux et internationaux. Comment décrypter l’imbrication des conflits et des enjeux économiques, à diverses échelles, afin de mieux saisir la complexité de cet espace stratégique situé aux portes de l’Europe.

  • André BOURGEOT est anthropologue,
  • Virginie COLLOMBIER est politiste,
  • Meriem NAILI est juriste en droit international
  • et la conférence est animée par Julien BRACHET, directeur scientifique 2022 du FIG

Les cartes présentes dans ce compte-rendu proviennent des sites Diploweb et du Web Pédagogique ainsi que de travaux réalisés par Virginie Collombier.

António Guterres, le secrétaire général des Nations Unies, servira la phrase d’accroche pour cette conférence puisque selon lui la crise sanitaire, environnementale et sécuritaire que traverse le Sahara annonce celle d’une crise mondiale plus large.

JB : En effet, on assiste à un intensification des crises dans tous les domaines, plus supposées que mesurées car on manque de données précises au Sahara et on ne connait pas l’état stable des sociétés avant les crises. Ou alors il faudrait s’appuyer sur une nouvelle manière de regarder le Sahara depuis l’Europe dans une perspective globale. L’Afrique subsaharienne serait non plus considérée comme une périphérie mais comme un théâtre de changements politique et social dont les répercussions iraient au delà de la zone. Face à ce type de menaces, il serait donc légitime d’intervenir. D’ailleurs l’ONU et des Etats extérieurs interviennent de nombreuses fois dans cette région et dans le cadre des politiques migratoires. Cela entraîne des critiques sur les volontés de contrôle de la démographie et l’appropriation des ressources…

Ces caricatures de presse satyriques dénoncent dans ce sens l’interventionnisme américain pour s’approprier de nouvelles ressources énergétiques et l’intervention miliaire française au Mali indissociable de l’exploitation de l’uranium nigérian. Ainsi ces conflits religieux sont instrumentalisés pour servir l’impérialisme économique de puissances étrangères… mais il ne faut pas être réducteur non plus et tenir compte des histoires locales différentes.

MN : Le Sahara occidental est un territoire spécifique car il est considéré par l’ONU comme étant non autonome, c’est-à-dire que les populations ne s’administrent pas elles-mêmes et ce depuis 1976. Il fait partie d’une liste de 17 pays classés dans cette situation par l’ONU et il n’a pas terminé son processus de décolonisation. C’est d’ailleurs le territoire non autonome le plus grand, il mesure la moitié de la superficie de la France avec une population de 0,5 million d’habitants qui vient surtout du Maroc. Il se situe entre la Mauritanie, le Maroc et l’Algérie.

Le but diplomatique de l’ONU pour ce territoire est de terminer son processus de décolonisation et de maintenir la paix. Sachant que l’Espagne s’est retirée des responsabilités envers ce territoire. Il est ajd coupé en 2 avec un mur de défense érigé par l’armée marocaine, le front Polisario, qui respecte le peuple de Sahara occidental. C’est une ancienne colonie espagnole depuis la conférence de Berlin de 1884 quand l’Europe s’est partagée le monde. Il y a des revendications du Maroc et de la Mauritanie pour s’approprier ce territoire lors du processus de décolonisation et c’est à ce moment que le front Polisario a été créé. En octobre 1975, ce territoire a été déclaré « Terra nullius » (locution latine signifiant « territoire sans maître ») par une demande à la cour internationale du Maroc. Mais il ne l’est pas ! Le 6 novembre 1975, une marche verte à la demande de Hassan III, roi du Maroc à l’époque, a été mise en place dans le but de réintégrer ces terres sahariennes dans le Grand Maroc. Une guerre éclate à la suite du départ de l’Espagne en février 1976, entre le Polisario, le Maroc et la Mauritanie. La question de ce territoire fait donc partie de l’identité nationale marocaine. Quand l’Espagne s’est retirée elle n’a pas rien laissé derrière elle, il y avait une sorte d’administration. En 1979, la guerre n’a pas eu le moyen de continuer, donc un armistice a été signé par la Mauritanie malgré la subsistance de problèmes internes. Donc dans les faits la guerre continue pour les 2 autres pays jusqu’en 1991 et oblige l‘implication des Nations Unis avec un référendum d’autodétermination qui n’a toujours pas été réalisé ! A cause d’une processus d’identification des votants mis à mal par le Maroc notamment… : on laisse les partis proposer des candidats, c’est une erreur de l’ONU. 80 000 personnes devaient voter selon l’Espagne lors de la décolonisation… mais ce processus est compliqué et long. On ne parle même plus du référendum dans les propositions.

Ce vaste territoire désertique n’est pas dépourvu de métaux précieux... La réserve de Phosphate de Boukraa au Maroc est gigantesque. Le Sahara est le 3ème exportateur mondial de phosphate. Et les ressources halieutiques avec les eaux adjacentes au territoire sont très poissonneuses. Il y a eu un recours entre l’UE et le front Polisario pour autoriser à pêcher dans les eaux adjacentes au territoire entre Maroc et l’UE, mais quid du Sahara occidental ? C’est l’effet relatif des traités…

A la fin des années 1970, la France est intervenue pour soutenir la Mauritanie. La France soutient aussi la Maroc à l’époque de l’invasion sous Valéry Giscard d’Estaing qui ne voulait pas que le Sahara Occidental devienne indépendant. La France a fermé les yeux sur des violations qui ont été faites.

MINURSO est la seule mission actuelle de l’ONU au Sahara.

AB : Le Sahara central

L’opération Barkhane, retirée du Mali récemment a fortement impacté ce territoire. D’autant plus que la présence française continue autour face au salafisme et au wahabisme… et ces conflits religieux internes ont bousculé la scène internationale. Il fait retenir 3 dates pour expliquer ce qui se passe dans l’espace saharo sahélien :

  • 2007 : le démantèlement total du GIA, groupe islamique armé créé dans les années 1990 en Algérie. Ce mouvement djihadiste fait référence au salafisme par son désir de prédication pour le combat et son recours aux armes. Il existe aussi un salafisme quiétisme, pas djihadiste, attention à ne pas mélanger les deux. Ici, au Sahel Saharien c’est bien le djihad dont il est question. La sémantique devient très importante car le recours à la notion de terrorisme se fait de plus en plus dans l’ambiguïté et par un langage du pouvoir (exemple dans le cadre de la guerre d’Algérie avec la taxation de terrorisme par le pouvoir politique français). C’est à partir de 2007 que le FLN a migré vers la partie septentrionale du Mali à partir de mariages avec certaines femmes tamasheq et la création de groupes de soutien à l’Islam et aux musulmans, pour la victoire des musulmans et de l’Islam plutôt et de leurs objectifs. Ce n’est pas un hasard si les autorités maliennes ont demandé un retrait des militaires étrangers qui étaient là depuis l’opération Serval lorsque le président sous intérim avait demandé à la France de venir. Il faut savoir que le serval est un petit ruminant saharien aux grandes oreilles qui urine 3 fois par heure… comme marquant son territoire… Cela n’a pas empêché les forces djihadistes de se répandre au Niger, au Burkina et en Libye.
  • 2011 : L’intervention militaire franco-britannique en Libye dirigée contre Kadhafi, avant celle de l’OTAN, et qui passe par la tuerie de Kadhafi. Peu de scientifiques avaient alerté sur les conséquences de l’assassinat de Kadhafi. André Bourgeot a été traité de dictateur car il avait alerté ! Kadhafi avait des armées de toute part. Il avait réussi à juguler des courants salafistes, parmi ces hommes il y avait des Touaregs qui avaient rallié les mouvements islamiques. Conséquence de la grande famine de 1969 à 1973 qui a entrainé l’exil des populations sahariennes. Donc c’est aussi la conséquence de ces crises successives au Sahara et pas qu’au Sahel. Dans ce contexte a été créé le mouvement national de libération Azawad. Le Sahara a alors subi la crise de l’Etat failli que l’on connait. Et la zone a subi également la dévaluation du Franc CFA. Cela a conduit à signer des accords pour la paix avec les groupes armés indépendantistes aux objectifs laïques, mais les autres religieux n’ont pas signé ! D’abord paraphé et signé en août 2015 et en 2022, l’accord n’est pas appliqué sauf dans le sud malien, mais si il était appliqué ajd, on aurait une disparition de l’Etat Nation. La situation est particulièrement dramatique.

Avant-hier (Jeudi 29 septembre 2022), un coup d’Etat militaire a eu lieu au Burkina Faso. Un colonel avait réalisé le premier coup d’Etat et là il s’agit d’un officier subalterne. C’est donc un coup d’Etat dans le coup d’Etat, le pouvoir n’est que géré par la force militaire => cela ne peut qu’aller mal.

D’autre part, la Libye est divisée par des conflits armés depuis la guerre en Libye de 2011. Les terminaux pétroliers sur la côte sont sécurisés en premier.

  • 2022, entre avril et juillet, la production de pétrole a été interrompu à cause de ce conflit en Libye.

VC : On assiste à une fragmentation du territoire et de la zone en général qui a tendance à s’accentuer, de groupes en sous groupes qui rentrent en compétition… Le situation du Burkina témoigne de ce phénomène mais encore plus celle de la Libye où la fragilité de l’Etat, les chocs militaires, climatiques, sociaux, l’intervention de 2011 contre le régime de Kadhafi l’illustrent. Ainsi c’est une guerre plus ou moins intensive qui conduit à l’effondrement du système, l’Al Jamari de Kadhafi était fondé dessus. C’est lié au centre par la présence de ressources extrêmement importantes. Les questions des ressources et de l’Etat sont intimement liées, avec des compétition entre les réseaux et les acteurs.

Après plus de 10ans de conflits, 3 épisodes de guerre civile majeure ont eu lieu en Libye. Tripoli et Bengazi sont les 2 centres de pouvoir politico-militaire rivaux, et aimeraient prendre le contrôle du pouvoir central et des ressources.

Mais aucun des camps n’a réussi à prendre l’ascendant sur ces rivaux et on assiste à une internationalisation du conflit :

  • La coalition de Tripoli a pu compter sur la Turquie,
  • et celle à l’Est à Bengazi dirigée par le général Haftar a pu compter sur la Russie et les Emirats Arabes Unis.

A l’été 2020, un cessez le feu a eu lieu pour éviter que le conflit ne dégénère entre les acteurs extérieurs. On note aussi la présence de mercenaires russes de la compagnie Wagner dans la zone. Les Russes ont soutenu les différentes tentatives de Haftar. La zone Est possède les terminaux d’exportation et les ressources, et le contrôle des puits pétroliers… La Libye est un territoire immense, 3 fois plus grand que la France et peu peuplé avec 6,8 habitants seulement répartis sur le littoral surtout et dans quelques points d’ici delà…

La Libye est aussi la première réserve de pétrole prouvé en Afrique et une réserve en gaz importante. Récemment on y a découvert des mines d’or et se pose aussi la question de l’accès à l’eau. La zone côtière de la Libye est stratégique car elle peut être bloquée, c’est le nerf de la guerre ! Ainsi des acteurs ont tenté de faire pression sur les autorités centrales et les acteurs extérieurs comme les Etats-Unis en bloquant les exportations. Même chose avec l’eau potable et son accès. C’est l’enjeux du contrôle des ressources.

Un espace régional interconnecté avec des enjeux : il est difficile de penser la Libye sans voir la gigantesque zone désertique entre le Tchad, le Niger et le Soudan, où les populations sont connectées, avec des Touaregs, des tubes, un lien historique, communautaire et linguistique très fort. Cela pose la question des enjeux autour des ressources et des migrations humaines ainsi que celui du passage d’arme car il y a des groupes tchadiens dans le sud libyen. Aussi la résolution du conflit en Libye doit prendre en compte le lien avec la géographie régionale.

JB : C’est un conflit plus ou moins médiatisé, avec des interconnexions entre les régions sahariennes mais aussi mondiales. Le trafic marchand et les question de migrations concernent aussi les 3 espaces.

 

Questions :

  • Le maréchal Haftar avait pour objectif de conquérir Tripoli, mais il n’a pas réussi et s’est réfugié au Fezzan. Peut il agir sur les groupes tchadiens ?
  • Comment se manifeste la présence de la Turquie en Libye ?

=> En Libye on voit cette recomposition de l’ordre international, et la contestation de l’influence nord américaine notamment. Il n’y a pas de vision commune européenne face au conflit en Libye. Cette incapacité en termes de projets clair a laissé un champ libre énorme à d’autres acteurs. Et on assiste à une compétition pour l’influence, pour ce qui est pour la Turquie, Tripoli est le centre de cette zone. Le gouvernement a capacité à utiliser les sous de la Banque centrale, et les Turques recherchent cela. Il y a donc une influence envers les milieux économiques. Haftar est présent dans le Sud mais déjà avant la guerre de 2019 car il y a noué des alliances avec des groupes locaux qui sont devenus pro Haftar. Il a un total contrôle sur les installations pétrolières dans le Sud.

3 grandes puissances demandent plus d’influence sur l’Afrique :  La Chine, la Russie et la Turquie.

C’est un peu un retour des Empires avec 3 acteurs majeurs. La Chine se pense comme un Empire et la Russie se pense toujours en Empire. Et la Turquie prend comme porte d’entrée en Afrique la Libye dans l’objectif d’un retour à l’Empire Ottoman démantelé.

  • Le 1er discours par intérim du 1er ministre malien était très martial : cela montre-il un effritement de la puissance occidentale ?
  • Quelle est la place de l’Algérie dans le Sahara Occidental ? La France est-elle pro marocaine ?

=> La France doit ménager le Maroc et l’Algérie, visite de Macron récemment…

Sahel et Libye : lien entre destruction de la Libye et le retournement des opinions au Sahel avec détestation de la France. Il y a 3 à 4 millions de travailleurs africains en Libye, où les gens vivaient bien avant la guerre, et cela a nourri cette haine de l’épisode libyen. La Libye est-elle la championne du Panafricanisme ? car on peut parler de Soft power libyen tout comme Kadhafi était aimé en Afrique.

Présence d’acteurs extérieurs impériaux pour s’accaparer des ressources off shore gazière en Méditerranée ?

La frontière terrestre entre le Maroc et l’Algérie fermée à cause du conflit saharien.

La France n’est pas neutre. Puisqu’elle est prête à mettre un veto à l’ONU contre le front Polisario.

Kadhafi était certes panafricain après l’échec du panarabisme de Nasser et appelle donc les « frères africains » à venir travailler en Libye : des Soudanais, Tchadiens, Nigérians puis des migrants d’Afrique de l’ouest et centrale. La situation de ces migrants en Libye n’a néanmoins pas été enviable avec de la discrimination et du racisme et déjà des pogroms. Les geôles de Kadhafi n’étaient pas top à l’époque aussi. Mais de nos jours c’est pire !

A Ouagadougou et Bobo Dioulasso au Burkina Faso, des Paras ivoiriens et paras français auraient été vus lors du coup d’Etat récemment ? => L’armée française était là pour protéger l’ancien président face au putschiste, le colonel Doumba. Assez surprenant.

  • Peut-on parler de discours contre les puissances occidentales en Afrique ?

=> On retrouve l’implication de Russia Today Media, avec des attaques martiales contre les organismes influents, contre le secrétaire général de l’ONU et l’ONU en général et le Soedor et le président Ouattara, face à la politique française. Orientation politique actuellement condamnée par les différentes forces en Afrique de l’Ouest.

  • Quel est le rôle réel que l’armée française joue dans cette zone du Sahel central ?

=> Pas de vision stratégique des Français et aspect populiste des propos d’Abdoulaye MAIGA, chef du gouvernement du Mali, face à la France qu’on accuse d’avoir abandonné en plein vol le Mali. Face à cette situation, on peut parler de Pôle plus que de Bloc, avec d’un côté « L’Occident ».

Bob Denar est un mercenaire français qui fut impliqué dans de nombreux coups d’État en Afrique de la période des indépendances vers 1960 jusqu’en 1995. Ainsi la lutte pour les droits de l’Homme de la France en Afrique ne semble être que du vent.

Minerais d’uranium : 30% de l’approvisionnement d’uranium français vient du Niger. Nos intérêts sont-ils menacés ? Les mines sont en voie de fermeture. Le système fédéral prend des décisions sans concertation des populations.

Géopolitique du Sahara s’explique en remontant en 1885, où les frontières ont été faites sans connaissances de peuples locaux. Les tirailleurs sénégalais ont aidé durant la 2GM et pas de référendum d’autodétermination promis !

Rôle des Narcotrafiquants qui aimeraient une autoroute vers l’Europe