Pour avoir un diaporama similaire à l’intervention de Denis Mercier au FIG

Localisation de Spitzberg (en rouge) dans le Svalbard.

Situation : une île dans l’archipel glacé du Svalbard, entre le Cap Nord et le cercle polaire, dans le Haut Arctique. Le Spitsberg est l’île principale de l’archipel.

On constate un changement au XXe siècle : un retrait des glaciers terrestres et à fond marin. Ce sont des paysages connectés à l’environnement glacé mais à forte sensibilité. Le réchauffement climatique se voit sur les surfaces continentales mais les zones les plus réchauffées se situent en Arctique.

Graphique :

L’augmentation de la température moyenne sur la planète est de 1 degré, en Arctique il est 2 à 2,5 degrés. Le réchauffement climatique est surtout sensible entre 1910 et 1940 puis depuis 1980. Il est alors continu. Au Spitsberg on a gagne 4 degrés depuis les années 70, c’est une des régions qui se réchauffe le plus.

Cela entraîne une augmentation des précipitations mais sous forme de pluie, et non de neige. Le bilan de masse est donc déficitaire sur les glaciers. La température, en saison hivernale, devrait augmenter de 4 degrés (à 10 degrés) à l’horizon 2100. Le bassin Arctique va se réchauffer sur les deux saisons.

Le Svalbard se situe dans la zone qui attend le plus fort réchauffement.

Changement de projections. Dans un rapport de 2017 Snow, Water, ice and permafrost

Conséquence directe → fonte de la glace de l’Arctique :

  • de la banquise donc conséquence sur les littoraux
  • celle des glaciers terrestres (influence indirecte sur les littoraux)
  • Celle du pergélisol (permafrost) : la glace qui est dans les sols libère du méthane et CO2 (+ érosion des littoraux)

Influence importante des courants marins d’Atlantique nord qui apportent de la chaleur jusque dans la mer de Barents et sur la côte nord-ouest. La banquise est expulsée par le détroit de Fram (détroit qui sépare le Groenland et l’archipel)

La fonte des glaciers : comparaison photo 1936 / photo 2016.

-Les glaciers terrestres avaient recommencé à reculer et restaient accolés à leur moraine initiale. Maintenant ils ont reculé de plus d’un km. Les littoraux à proximité vont être impactés.

-Les glaciers à fond marin remontent et fondent encore plus vite que les glaciers terrestres. La banquise joue un rôle fondamental sur les dynamiques des littoraux dans toutes les îles et tous les littoraux du bassin Arctique.

Graphique :

Courants marins et variation de l’extension de la banquise au Svalbard Source : Mercier, 2001

– La réduction de la banquise :

1er septembre 1980 : 8 millions de km² de la banquise

1er septembre 2012 : 4 millions de km² de la banquise

Donc réduction de moitié de l’extension spatiale de la banquise en 32 ans.

2012 a été l’année la pire réduction mais c’est une tendance continue.

La banquise perd aussi la moitié de son épaisseur ce qui a un impact sur les littoraux et sur le climat. Pourquoi ? La banquise se constitue chaque hiver e elle fond chaque été. Mais la banquise pluriannuelle se réduit avec régularité.

Cela induit (Weiss : boucle de rétroaction) : plus la banquise est soumise au réchauffement plus elle fond, plus elle fond plus il y a d’albedo. La glace étant remplacée par de l’eau, au lieu de renvoyer l’énergie du soleil, la mer absorbe les rayons et la température marine augmente (boucle thermodynamique). Comme la banquise perd en épaisseur elle est mécaniquement plus fragile, se déforme et participe à la réduction de l’albedo. Boucle indirecte.

Des morceaux de banquise sont expulsés donc on constate moins de banquise. Les conséquences sont alors majeures sur les littoraux.

– Dans le bassin Arctique on a de la neige, de la glace ou de la banquise.

l’albedo de la neige : 75 à 95 %

l’albedo d’un sol nu : 30 %

l’albedo d’un glacier : 60 %

l’albedo de la banquise : 95 %

En remplaçant des surfaces blanches par des surfaces sombres, le bassin Arctique va se réchauffer d’année en année.

La fonte du pergélisol : libération des gaz à effet de serre dont en premier lieu la vapeur d’eau puis le CO2 et le méthane piégés dans les sols depuis des milliers d’années. Tout ce phénomène participe à l’augmentation de l’effet de serre. Au XXe siècle, on a gagné 2 degrés et pour la fin du XXIe siècle on attend au minimum 5 degrés.

La fonte du pergélisol : les sédiments de la côte ne sont plus maintenus par la glace et on voit une érosion des littoraux importante avec un recul des falaises d’un mètre par an.

Dans la mer de Beaufort, les littoraux subissent aussi la fonte du pergélisol.

Comment les littoraux paraglaciaires évoluent face au changement climatique ?

L’autre grande question, les littoraux, étudiée par le programme ACD (Arctic Coastal Dynamics) piloté par les Allemands. Parce que la banquise disparaît, il y a plus de houle et de vagues donc plus d’énergie pour éroder les littoraux.

Étude des littoraux au nord du Spitsberg :

Deux types de côtes :

– une côte basse, meuble avec des plages, des lagunes, les zones de strandflat connaissent une évolution couplée à l’évolution de la fonte des glaciers. Ces littoraux ne connaissent pas d’érosion, au contraire ils sont progradants c’est-à-dire qu’ils construisent des deltas qui gagnent d’année en année en espaces gagnés sur la mer. Information précieuse : c’est une information contraire à ce que l’on vient de dire. Les deltas sont bien alimentés. Pourquoi ?

Ces littoraux sont bien connectés aux glaciers et au réseau hydrographique. En reculant les glaciers laissent des espaces remplis de sédiments. Ces sédiments vont être remobilisés.

Mais si on voit encore beaucoup de drains d’écoulement on constate qu’ils sont moins nombreux qu’avant. On voit d’anciens méandres, pas encore colonisés par la végétation, mais qui ne sont plus capables d’emporter autant de sédiments qu’avant vers la côte.

– Certains deltas évoluent peu, certains avancent et grossissent bien (3 mètres par an) mais d’autres commencent à perdre et à être érodés par la mer. Finalement, le réchauffement climatique est favorable à ces deltas bien alimentés en sédiments grâce aux glaciers qui fondent et libèrent de l’eau.

Mais au bout d’un moment ce système s’épuise. Cette cascade sédimentaire montre que dans un système non anthropisé les deltas sont bien alimentés mais si on projette ce bassin versant dans un système anthropisé avec une autre dimension comme pour le Rhône où les glaciers fondent mais où des digues ou des barrages sont construits, les deltas ne sont plus alimentés en sédiments. Donc la progradationne s’opère plus.

  • Certains deltas offshores sont bien alimentés et progradent.
  • Les falaises : sur la presqu’île de Brogger on a des falaises. Pour étudier les falaises on utilise deux moyens complémentaires dont le marteau Schmitt. Il permet par le rebond de calculer la résistance d’une matière. On utilise aussi une camera thermique. Les résultats : les falaises évoluent différemment selon qu’on étudie la partie basse, medium ou haute. Les zones les moins résistantes sont les parties hautes. La zone est celle du pergélisol qui est en eau et non plus en glace et qui alimente le ruissellement qui emporte une partie du matériau de la falaise : ne retient plus le sédiment. Dans la partie basse, elle est résistante parce que la mer qui attaque le bas de la falaise à longueur d’année puis qu’il n’y a plus de banquise, la roche est saine car le front d’érosion a été emporté par la mer qui vient lécher. Finalement on a toujours du matériel neuf, dur et résistant car la partie érodée est emportée par la falaise.

– Autre exemple sur la mer de Beaufort-Tuktoyaktuk, ces reculs de falaise posent des problèmes pour les sociétés littorales où les habitants pour se prémunir de la destruction des littoraux sont obligés d’utiliser l’arme lourde du génie civil : les enrochements…pour éviter que leurs maisons se retrouvent dans l’eau.

  • Plus dramatique est la situation du terminal pétrolier d’Arandail en Sibérie avec les zones de stockage de pétrole qui se trouvent sur une zone soumise à l’érosion.
Varandei oil terminal 69°N – 58°E ©ACD-S. Ogorodov

Denis Mercier conclut en présentant ses partenaires de recherche.

Travail qui n’est pas solitaire → programme de recherche regroupant plusieurs chercheurs.

Questions :

  • Contexte géopolitique : 3-4000 habitants concentrés sur la ville de Longyearbyen (sur la côte Nord-Ouest) → village permanent (hiver 25 été 300-350 personnes avec quasiment toutes les nationalités présentes : des Norvégiens, des Allemands, des Anglais jusqu’en 1980 et aujourd’hui des Indiens, des Chinois, des Japonais…
  • Ce phénomène de deltas en croissance est-ce un phénomène mondial ? Non ouvrage en 2 volumes en 2018 sur la pénurie sédimentaire mondiale. Aujourd’hui la quasi-totalité des deltas du monde connaissent une crise de l’érosion. Ici ce sont des deltas non anthropisés donc avec des sédiments abondants et le processus pour les emporter. Les digues et les barrages tuent les deltas (ex du delta du Nil, Rhône encore pire !), les sédiments n’arrivent plus. Cet exemple n’est pas représentation des littoraux du monde mais il est représentatif d’un fonctionnement particulier.
  • Quelles sont les conséquences visibles sur la biodiversité ? Avons-nous des travaux ? Oui des publications existent. On va avoir une colonisation végétale (thèse de Moreau Myrtille[1] soutenu à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand). Au bout de 5 à 10 ans, on voit apparaître les premières plantes pionnières puis les plantes et le couvert végétal sont de plus en plus importants tant qu’il n’y a pas de mobilité hydrographique et sédimentaire trop importante. Cet espace nous donne un temps zéro c’est ce qui fait que beaucoup d’études existent.
  • Question de méthodologie : en observant un delta peut-on savoir s’il recule ou avance (photo) ?
  • Spitsberg → peu de secteurs sont touchés par recul du trait de côte. Globalement le risque avance plus fort que risque du recul du trait de côte. Jacques Guillaume intervient.
  • La disparition de la banquise peut-elle faciliter le transport maritime ? Oui et non cf. Éric Canobbio, ouvrage sur les pôles (dont les mines)

[1] Myrtille Moreau, Sous la direction de Marie-Françoise André, « Dynamique des paysages végétaux depuis la fin du Petit Age Glaciaire au Spitsberg ». Soutenue en 2005 à Clermont-Ferrand 2.

Pour aller plus loin :

https://journals.openedition.org/norois/698?lang=en

https://www.persee.fr/doc/morfo_1266-5304_2001_num_7_4_1117

https://journals.openedition.org/cybergeo/23751?lang=en

©Sylvie Poidras-Bohar & Rémi Burlot pour les Clionautes