L’adaptation des militaires au changement climatique

Angélique Palle, docteure en géographie (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

 

La transformation de la localisation, de l’intensité et de la nature des conflits

Référence à la guerre du climat de Harald Welzer développant l’idée de causalité entre changement climatique et conflit. Causalité largement remise en cause dans le milieu scientifique qui préfère l’idée de corrélation entre changement climatique et déstabilisation, par exemple à travers la question des migrations.

La transformation de l’environnement opérationnel

La stratégie actuelle d’améliorer  le blindage et de développer la technologie consomme énormément de ressources fossiles. La consommation énergétique de l’armée va augmenter de 30% d’ici 2030-2040. De plus, le matériel est moins résistant à la chaleur intense et l’humidité forte.

Le service de santé des armées réfléchit à un autre type de préparation pour la conduite des opérations car il faut plus de temps pour s’adapter à un environnement plus chaud ou plus humide afin d’être opérationnel. Les limites d’adaptation du corps sembleraient atteintes, obligeant ainsi à revoir le paquetage du soldat.

Les nouvelles missions environnementales

2500 soldats ont été déployés à Saint Martin lors du cyclone Irma en 2017. Du fait du manque de matériel dans l’armée, un arbitrage a dû être effectué afin de savoir sur quels théâtres d’opération, entre Saint Martin et le Mali (opération Barkhane) pouvaient être utilisés les avions de transport A400M.

En comparaison, les Etats-Unis n’envoient pas l’armée sur les lieux de sinistres climatiques dans le pays, afin de ne pas diminuer leur capacité de projection sur des théâtres extérieurs. Seule la garde nationale (composée de civils volontaires) est mobilisée dans ce cas.

 

La militarisation des crises environnementales

Florian Opillard, docteur en géographie (EHESS), agrégé de géographie

 

Contexte général

Il est possible d’évoquer une « humanitarisation » de l’activité militaire (au singulier), c’est-à-dire demander à l’armée de remplir une fonction de plus dans une approche globale des conflits ; être au chevet des populations, aider à la reconstruction.

Il est aussi possible d’évoquer l’ « humanitarisation » des activités militaires (au pluriel) lorsque les pouvoirs publics font appel aux capacités logistiques de l’armée. Cela compense la diminution des capacités d’action des autres services de l’Etat. De plus, l’armée symbolise l’exceptionnalité d’une crise (Irma, COVID).

L’exemple du cyclone Irma à Saint Martin (2017)

Extrait télévisé projeté durant la présentation https://www.francetvinfo.fr/meteo/cyclone-ouragan/ouragan-irma/ouragan-irma-retour-sur-une-nuit-de-terreur_2486739.html

L’aéroport de Saint Martin n’est pas dimensionné pour accueillir les avions de transport A400M. Un pont aérien avec la Guadeloupe et la Martinique se met en place avec les A400M.

Les militaires doivent opérer le choix des personnes à évacuer, alors que ce n’est normalement pas de leur ressort, mais les autres services de l’état ne sont plus actifs. 3000 personnes seront évacuées.

Cette opération  était dimensionnée comme un OPEX. Ainsi, l’armée a pu justifier la pertinence des dépenses engagées par l’état pour son fonctionnement dans un contexte de mise en concurrence des différents services (police, pompiers).

Questions du public ;

; Est-ce que l’utilisation de l’armée est le dernier recours ? Aurait-il été possible de ne pas l’utiliser durant l’opération résilience (mars-avril 2020) ?

; L’armée n’a accompli que 20% des évacuations de civils vers d’autres unités de soin. Elle a accueilli environ 48 personnes en soins intensifs contre 700 à l’hôpital. Néanmoins, faire appel à l’armée coûte moins cher que le secteur privé. L’armée propose ses compétences et ce sont les pouvoirs publics qui décident, ou non, de s’en saisir.

; A-t-on une pensée sur la rusticité du matériel afin d’éviter une forte consommation d’énergie ?

; Il y a une contradiction entre la DGA, privilégiant la haute technologie, et les soldats qui font remonter les avaries techniques et ont de ce fait une pensée moins technophile. Les nouveaux véhicules « Griffon » utilisent beaucoup d’énergie. Les services des armées réfléchissent désormais pour les véhicules de la prochaine génération.