Et si les cartes racontaient notre époque ?

Si elles révélaient autant l’empreinte humaine sur la planète que la richesse de nos territoires ?

À la croisée de l’atlas et du récit, cette rencontre explore comment la cartographie éclaire nos liens au monde, entre lucidité, engagement et réenchantement.

Laurent TESTOT, conférencier, auteur avec Perrin Remonté de Notre empreinte sur TerreChroniqué sur la cliothèque ICI  anime la présentation de deux « atlas » qui sortent de l’ordinaire.

Le monde des géographes, c’est l’œkoumène, terme cher à Augustin Berque, c’est à dire l’espace de vie des hommes à la surface de la planète, l’ensemble des espaces terrestres habités par l’humanité et donc la relation de l’humain à son milieu. Les deux ouvrages proposent une nouvelle représentation de l’espace.

Il présente son rôle, comme journaliste, de passeur entre la science et la société.

La France des mille lieux : vers un réenchantement cartographique

L’ouvrage édité chez Ulmer est présenté par ses auteurs : Damien DEVILLE géographe, Perrin REMONTÉ, cartographe, Cassandre LEPICARD et Julianne SEDAN illustratrices.

Cassandre LEPICARD explique son intérêt pour la nature et donc comment elle a pu l’exprimer dans l’ouvrage en intégrant les animaux ou les plantes dans des représentations cartographiques.

C’est une façon de redonner une place au vivant et pas seulement aux hommes. Par exemple, la carte de Tahiti illustre une légende polynésienneUn conte fondateur des sociétés polynésiennes : la princesse et le cocotier[/footnote].

Les animaux sont des vecteurs de poésie qui invitent à regarder autrement un paysage. Dans la carte de la baie de l’Aiguillon, les hommes sont pratiquement absents, les agglomérations sont représentées par un discret numéro alors que les animaux, si difficiles à observer aujourd’hui, sont très présents.

Julianne SEDAN cherche à exprimer une forme d’utopie. Elle interroge la marge comme par exemple dans la carte des étangs et des marais. Le contour d’une carte est signe de possession ; il est intéressant de développer l’intérieur avec une multitude de détails : le peuple des marais.

Cette double carte des forêts d’exception propose une approche par le milieu : la forêt nourrit la mer par ses limons. Le géographe remet la relation au milieu au cœur de l’aménagement, car une forêt d’exception a des incidences loin sur le territoire.

 

Dans la page sur les chevaux de trait, des fantômes aujourd’hui, les hommes sont présents, même si on ne les voit pas, par la marque laissée par la sélection.

 

 

Perrin REMONTÉ s’intéresse à la domestication du vivant ou comment transformer des empreintes en données en cartes, à la fois poétiques et politiques.

Pour Damien DEVILLE, qui est l’auteur des textes, il y a une situation de réciprocité : les gens font les lieux, mais les lieux font aussi les gens. Spécialiste de géographie culturelle, il travaille sur les relations entre les hommes et les lieux, les hommes et la nature. Il voit son rôle dans la mise en évidence des données symboliques. Il propose une réflexion sur l’appartenance à un territoire.

La discussion s’engage autour du rôle de la carte pour ramener le sensible dans la tête des citoyens et pour faire face aux enjeux contemporains.

Notre empreinte sur Terre. Des cartes et infographies pour comprendre l’Anthropocène

Perrin REMONTÉ, qui a participé aux deux ouvrages, développe l’idée de représenter les flux vitaux de la terre, les liens entre les milieux naturels et les lieux habités, notamment les villes. Il souhaite, avec cet atlas, rendre didactique le concept d’anthropocène[footnote]Par exemple, le choix de la représentation, pour évoquer l’évaporation du sauvage, du poids des mammifères et tout particulièrement domestiqués. (p. 122-123).

Laurent TESTOT insiste sur la notion d’échelle ; un aérosol produit ici a des conséquences sur le climat en général. Il montre les 3 scénarios du futur et notamment les choix agricoles pour nourrir 10 milliards de Terriens (p. 140-141). Il donne à voir des risques : exploitation des fonds marins, encore si méconnus, l’ouvrage présente aussi du positif comme le texte sur les gardiens de la terre (p. 146-147).

Voici deux ouvrages pour le monde de demain, deux cadeaux pour les fêtes de Noël qui approchent, mais aussi pour les CDI des collèges et des lycées.