L’Atelier pédagogique Le Lab de l’enseignant

De nombreux professeurs étaient venus assister à cet atelier pédagogique dont le thème, qui  était en accord avec celui des RVH de Blois cette année et avec le 80e anniversaire de l’année 1941. Bien leur en avait pris car les intervenants nous ont proposé une séquence pédagogique particulièrement bien construite, cohérente et sans aucun doute très pertinent pour des élèves aussi bien de collèges que de lycée, avec d’éventuelles adaptations.

Les ressources pédagogiques de l’ECPAD, de la Fondation de la Résistance et de la DPMA

Catherine DUPUY, responsable de projets pédagogiques à l’ECPAD présente la nature et les ressources pédagogiques de cette institution. L’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) est l’héritier direct des sections photographique et cinématographique des armées créées en 1915. Il conserve aujourd’hui des fonds d’archives exceptionnels sur tous les conflits contemporains dans lesquels l’armée française a été engagée. En un peu plus d’un siècle, le visage de ces conflits a changé, les contraintes techniques ont évolué, mais en toutes circonstances l’expertise des opérateurs de la Défense leur permet de capter des images pour l’information et de témoigner pour l’Histoire. Installé au Fort d’Ivry-sur-Seine depuis 1948, l’ECPAD conserve 14 millions de photos et 94 000 heures de films. Ces fonds sont constamment enrichis par la production des opérateurs de l’ECPAD, les versements des organismes de la Défense et les dons des particuliers. L’ECPAD valorise ses fonds par des expositions, des coproductions de films documentaires, l’édition de livres et de DVD. Il propose également des actions pédagogiques et scientifiques à destination des universitaires et du monde de l’enseignement.

Hélène STAES, enseignante, détachée à la Fondation de la Résistance, présente la Fondation et ses ressources scientifiques et pédagogiques. Placée sous le haut patronage du Président de la République, elle a pour objectifs de favoriser la recherche pour sauvegarder la mémoire des actes de résistance contre l’occupant nazi et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale ; d’élaborer des actions pédagogiques ; de préserver et valoriser le patrimoine physique de la Résistance ; de permettre aux associations d’anciens résistants d’être toujours représentées. Créée en 1993, elle fait de l’histoire (l’historien Fabrice Grenard en est le directeur historique), de la pédagogie (voir sur son site la rubrique consacrée au Concours de la Résistance et de la Déportation et de nombreuses autres ressources), de la production éditoriale (elle publie La lettre de la Fondation qui peut être très utile aux enseignants). Le Musée de la Résistance en ligne  dépend de la Fondation ; il propose de nombreuses expositions virtuelles et dispose d’immenses ressources historiques et pédagogiques.

Arnaud PAPILLON, professeur d’histoire, chef du pôle « rayonnement de la politique mémorielle » à la DPMA, Ministère des armées. La Direction du patrimoine, de la mémoire et des archives (DPMA) élabore et met en œuvre la politique en matière de culture, d’archives et de bibliothèques. Elle participe également à la définition à la mise en œuvre de la politique de l’État dans le domaine de la mémoire des guerres et conflits contemporains et élabore le programme commémoratif correspondant. C’est dans ce cadre culturel et mémoriel que la DPMA développe des actions pédagogiques liées à l’enseignement de défense.

Un film de propagande maréchaliste et pétainiste et son contexte

L’atelier pédagogique s’organise autour de la projection de sept minutes d’un film qui en dure 10, produit par France Actualité Pathé en 1941. Ce film (d’excellente qualité visuelle et sonore) restitue un voyage de deux jours du maréchal Pétain dans la région de Saint-Etienne. Le 1er mars 1941 est consacré à la visite de trois villes industrielles, Roanne, Saint-Etienne et Saint Chamond.

Quelques mots sur le contexte, préalablement à la projection. La défaite militaire ; l’effondrement de la France ; les conditions de l’armistice ; un pays divisé ; la mort de la République. Le maréchal a entamé la Révolution nationale. Le 1er mars 1941 il a lancé un « Appel aux travailleurs ». Le Travail figure dans la nouvelle devise de l’Etat français. Volonté de régénérer la France.

Projection du film. On voit le maréchal entouré du Préfet (revêtu d’une majestueuse cape), de notables locaux et de dignitaires du régime. La foule est présente et ovationne le maréchal. La bande son en chante les louanges.

Analyse et commentaire du film document

 Les intervenants proposent une analyse du film en trois points. Leurs démonstrations s’appuient quand c’est nécessaire sur la projection d’autres documents, y compris d’archives.

Un discours de concorde sociale permettant la construction d’une France travailleuse et apaisée

Le montage traduit les choix du régime par les passages sélectionnés. Les mots du maréchal sont un appel à la renonciation à toute forme de lutte des classes, à toute analyse marxiste. La gauche est jugée responsable de la défaite ; les socialistes et le Front populaire ont trompé les travailleurs. Les patrons sont aussi critiqués pour n’avoir pas assez compris et aidé le peuple, trop soucieux de profit. Appel à adhérer avec enthousiasme à un nouvel ordre économique et social. Exaltation de la communauté nationale.

Une visite discursive soigneusement mise en images

 Le cérémoniel de la visite se situe dans le modèle ritualisé des voyages officiels sous la IIIe République : drapeaux, banderoles, Marseillaise, foule qui ovationne. Le maréchal a choisi des villes qui ont été gérées par la gauche, excepté Saint-Chamond, fief d’Antoine Pinay. Ce voyage constitue néanmoins une rupture, celle du maréchalisme. Le culte de la personnalité et le paternalisme sont omniprésents. Le maréchal parle avec bonhommie aux anciens combattants et aux ouvriers. Tous doivent désormais faire confiance et suivre le chef. Les images choisies sont des « images matrices du monde ouvrier ». On montre la métallurgie et les mineurs. On ne voit pas de femmes.

La face cachée du film

La dernière intervention s’appuie sur les archives de la Loire et apporte une dimension rigoureusement historique à l’analyse de l’ensemble. Les archives montrent que dans les jours précédents les services de la police, de la gendarmerie ont identifié et arrêté de potentiels opposants politiques ; que des graffitis (dont on donne la teneur) ont été effacés sur des murs des villes. Ensuite Hélène Staes se tourne ensuite vers les archives de la commission du contrôle postal pour mesurer l’état de l’opinion, ou du moins l’appréhender. On y apprend que les habitants éprouvent de la lassitude, du découragement, une sensation d’étouffement… aux antipodes de ce que montrait le film.

Les intervenants terminent par une évocation des suites et de la portée de l’événement. Le discours de Saint-Etienne est affiché et lu lors de la fête du Travail du 1er mai. La Charte du Travail. Présence de Belin, ancien responsable CGT au gouvernement.

Joël Drogland