Intervenants : Jean-Marc Huissoud et Jean-Michel Crosnier, présentation Marc de Velder

Jean-Marc Huissoud : politiste et historien de formation. Il enseigne la géopolitique à l’ESC Grenoble et à Sciences-Po Grenoble et est le co-fondateur et directeur actuel du festival de géopolitique. Il a contribué et dirigé de nombreux ouvrages, notamment à destination des classes préparatoires.

Jean-Michel Crosnier : Professeurs d’histoire-géographie à Grenoble, membre du comité éditorial des Clionautes pour les questions géopolitiques et numériques, clio-carto, clio-news et membre du comité scientifique du Festival de géopolitique de Grenoble.

Marc de Velder : professeur agrégé d’histoire et conférencier. Formé à l’IRIS SUP’. Il dirige les conférences de géopolitique à la MAM (Médiathèque de Béziers).

Les institutions vieillissent aussi. 65 ans après les accords de Rome, le projet initial a perdu en légitimité. Et si le problème d’aujourd’hui venaient de l’enthousiasme d’hier ? Retour sur une trajectoire de transformation de l’union européenne et du monde.

Jean-Marc Huissoud ouvre la discussion. Il s’appuie sur un ouvrage, Structure des révolutions scientifiques (The Structure of Scientific Revolutions) qui est un essai rédigé par le philosophe et historien des sciences, Thomas Samuel Kuhn. Paru en 1962, revu en 1970, l’ouvrage est incontestablement son œuvre majeure. L’idée générale de cet auteur c’est que face aux difficultés qu’une institution peut rencontrer, il y a des solutions qu’il faut adopter au fur et à mesure jusqu’à ce que les difficultés disparaissent. Cela veut dire que si on applique sur la situation actuelle de l’Europe un projet initial qui ne fonctionne plus malgré toutes les solutions choisies, il faut en changer son fonctionnement.

Les fondements du projet européen

Les fondements de l’Europe commencent avec le congrès de la Haye en 1948, au moment où se profile l’idée d’une nouvelle organisation politique en Europe. Une nouvelle Europe est pensée sur un modèle proche du concert des Nations du XIXe siècle. Mais elle s’est également nourrie dans la première moitié du XXe siècle du courant pacifiste, autour de l’idée de constituer une sorte d’Etats-Unis d’Europe. Ce projet a été vite abandonné car les pays européens ont été marqués par l’échec de la SDN et par le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale. C’est dans ce contexte que le projet d’une nouvelle Europe s’est construit pour éviter les éventuelles conflictualités. Au lendemain du traumatisme de la Shoah, de la violence faite à grande échelle sur les populations civiles, sur les transferts en cours des populations dans toute l’Europe, que l’idée d’une Europe des Nations émerge. C’est l’idée d’une association d’Etats à construire, pas sur le modèle des États-Unis, mais sur un projet économique original fondé sur des échanges de biens, de matières premières et de ressources énergétiques tout en conservant les intérêts souverainistes de chacun des pays. Pour l’heure au début des années cinquante, l’idée de cette nouvelle Europe à construire repose d’abord sur une coopération économique entre deux Etats, la France et l’Allemagne puis étendue à quatre autres pays. Le traité de Rome de 1957 entérine ce premier pas de coopération économique entre les six pays fondateurs.

La construction de cette nouvelle Europe s’est faite dans le contexte international celui de la guerre froide. Au moment où les premiers pays furent concernés par la mise en place des règlements et des institutions européennes, il y avait une forte présence du parti communiste sur la scène politique de ces pays au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Le parti communiste a gagné sa légitimité du fait de son rôle dans la résistance dans la plupart des pays occupés. De ce fait le parti communiste italien est la première force politique après-guerre. Le parti communiste français est autour des 30 % de voix lors des premières élections législatives. Cela a été mal perçu du côté des Américains durant cette première période de la guerre froide. Ils y voyaient un risque dans le basculement idéologique avec l’influence soviétique.

La construction de cette nouvelle Europe connaît une deuxième contrainte. Les États-Unis ont une vision géopolitique d’ouest européen. Or la future construction économique européenne n’a pas de vision géopolitique. Au contraire les futurs Etats fondateurs de la C.E.E vont la subir. Pour les États-Unis le continuum territorial constitué par les côtes de la Belgique, de la France, de l’Italie voire même de l’Espagne et du Portugal, même si ces derniers Etats ne font pas partie du projet initial de la construction européenne, le littoral opposé des États-Unis de ne doit pas tomber aux mains des communistes.

Le projet européen s’est inscrit de ce fait dans cette stratégie américaine de contrôle dans ce projet d’union, de toute initiative d’un Etat européen relevant d’une stratégie d’indépendance. Cela pose donc la question de la mise sous tutelle par les États-Unis dans ce contexte de la guerre froide. Le général De Gaulle devenu président de la Ve République est toléré par le gouvernement américain du fait qu’il contrôle le parti communiste français. Il est perçu comme un allié de ce point de vue. L’Allemagne est encore un pays occupé. Malgré la création de la république fédérale allemande en 1949, il y a un gouvernement aux affaires allemandes mais il n’a pas un statut d’Etat définitif. Mais le projet d’Europe communautaire, lancé à partir de 1950 avec la C.E.C.A. et la Communauté européenne de défense, ne peut se réaliser avec une Allemagne privée de politique étrangère. Le 6 mars 1951, la « petite révision » du statut d’occupation reconnaît à la République fédérale le droit d’exercer partiellement une action extérieure, puis d’avoir un ministre des Affaires étrangères. Avec l’entrée en vigueur des accords de Paris du 24 octobre 1954, le statut d’occupation est officiellement supprimé le 5 mai 1955.

Puis les pays de l’autre côté du mur idéologique, les pays dits de l’Est, les démocraties populaires devenues des « démocraties socialistes » au tournant des années 1948-1949, sont impérativement tournées vers Moscou. Les pays de l’Europe occidentale doivent au plus vite penser à leur reconstruction économique. Ils ont donc l’impératif de reconstruire le pays, de reconstruire le tissu industriel, de retrouver une prospérité économique. Les Américains à leur tour souhaitent le plus rapidement possible le retour de la prospérité pour ces pays de l’Europe de l’Ouest dans ce double but de garantir à terme l’indépendance politique et assurer un retour rapide à la croissance pour saper les bases sociales de la montée des partis communistes. Les États-Unis veulent faire de ces six pays, la base de leur système de défense en Europe. Ils ont besoin d’avoir un ensemble de pays en Europe, fortement industrialisé pour permettre de soutenir l’effort de guerre sans avoir à acheminer des convois à travers l’Atlantique. La reconstruction économique pour ces pays de l’Europe occidentale est aussi pensée pour s’assurer la stabilité sociale.

La situation de la France se distingue par son indépendance vis-à-vis de Washington et de Moscou. Le gouvernement français dans les années cinquante lance un projet politique en Europe de l’Ouest afin de marquer son influence dans un partenariat à part égale mais en tant que leader. L’Allemagne fédérale a besoin de ce partenariat pour restaurer son économie. L’Italie sort affaiblie de la guerre et présente toutes les caractéristiques prérévolutionnaires. Cependant l’Italie du Sud est restée en partie à l’écart des mouvements de résistance organisés dans l’Italie du Nord. Si bien que la majorité de la masse paysanne ne s’est pas associée aux revendications économiques et sociales des populations ouvrières et bourgeoises du nord de la péninsule. À cela s’ajoute le fait que l’Italie a intégré rapidement le bloc occidental et que de son côté, l’U.R.S.S. n’avait pas l’intention d’apporter le moindre soutien armé à l’établissement d’une démocratie populaire hors de sa zone d’influence. Pour le Luxembourg, le projet de construction européenne est important dès l’origine. Le statut de son Etat explique sa large adhésion au projet européen. C’est un territoire néerlandais mais faisant partie de la confédération germanique. Les Pays-Bas ne peuvent pas régner sur un territoire faisant partie du territoire de la confédération germanique. Le Grand-Duché de Luxembourg devient une sous division du royaume des Pays-Bas. Puis il devient de fait un Etat indépendant en 1839. Les frontières n’ont plus changé depuis. Les Belges et les Hollandais ne l’ont pas accepté facilement. A la suite de négociations, cela a conduit à donner une petite partie du territoire luxembourgeois à la Belgique. La souveraineté territoriale du Grand-Duché s’affirme. C’est à la suite de l’exil à Londres et à Washington de la grande-duchesse Charlotte et de son gouvernement ralliés à la cause des Alliés que le grand-duché après la Seconde Guerre mondiale a pu participer en tant qu’État souverain à la formation de l’Europe économique et politique. Le duché de Luxembourg garde cependant la crainte de voir apparaître des revendications territoriales de la Belgique et des Pays-Bas. Les Luxembourgeois sont de ce fait un des acteurs actifs du projet européen. Pour la Belgique et les Pays-Bas, la construction européenne est vitale.

La construction du projet européen

Le projet européen prend forme d’abord avec les accords de la CECA. Il est le prolongement d’un accord qui date de 1878 de normalisation des chemins de fer dans le bassin minier sur l’ensemble de la vallée du Rhône. Le projet de la CECA est admis sans référendum, sans concertation avec les populations. On considère qu’il faut faire vite. Ainsi les décisions doivent être prises rapidement auprès d’administrateurs, auprès de cercles restreints et des fonctionnaires issus des grands corps techniques et politiques de l’État. Ce qui explique que les communautés européennes vont être un club d’administration des Etats dépendant des ministères de l’économie, des ministères des affaires étrangères, de l’agriculture. L’élaboration de la construction européenne fonctionne dès l’origine sans processus démocratique réel.

Les futurs Etats signataires du traité s’entendent sur des valeurs, sur des principes qui permettront d’agréger les futurs pays candidats. Il s’agit de promouvoir le principe d’une Europe démocratique et de développer surtout une économie de libre-échange, des valeurs déjà énoncées par les Nations unies. Les accords de Bretton Woods en 1944 ont été signés bien avant l’ONU comme ossature de l’architecture de l’ordre mondial. De nature pacifistes, ces accords favorisent l’extension à l’échelle mondiale d’une coopération économique. Les économistes lors de la conférence de Bretton avaient en tête le souvenir du traité humiliant pour l’Allemagne, celui de Versailles, une des origines de la faillite du gouvernement de Weimar et de la montée du nazisme. De même les négociateurs se souvenaient des effets désastreux de la crise industrielle de 1929 et de sa propagation des États-Unis vers l’Europe. Même si ces différents facteurs ne sont pas tous à mettre sur le même plan, les traités de paix au lendemain de la Première Guerre mondiale et les décisions prises à l’encontre de la jeune République Allemande en 1919 ont précipité au retour à l’armement et à l’affaiblissement des démocraties en Europe. John Maynard Keynes qui a participé à la conférence de Bretton Woods avait le souvenir de sa prédiction à la fin des années 20 sur les conséquences désastreuses du traité de Versailles à l’égard de l’Allemagne conduisant ce pays au désordre économique et à la violence politique.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale conjointe aux idées pacifistes c’est agrégé cette idée qu’il faut de la richesse pour faire vivre la démocratie. Non pas produire de la richesse en terme d’économie libérale mais de créer de la richesse pour aider au développement du pays et pour les habitants installant durablement la démocratie et la paix entre ces Etats. Produire de la richesse c’est aussi développer des échanges entre les pays d’Europe de l’Ouest. Très vite s’installe le principe de lier l’ensemble de ces Etats dans des réseaux d’échanges et de partenariat afin de les rendre interdépendants. Cela conduit à créer de la richesse grâce à laquelle les pays développent des liens pacifiques. De même les industriels, les économistes, les administrateurs ont conscience que l’appareil productif français, allemand, belge, italien, ont des structures industrielles assez similaires.

Ils s’accordent pour s’entendre à optimiser leur potentiel industriel pour éviter la concurrence mais plutôt en complémentarité. Concrètement cela se traduit par des projets de développement d’infrastructures comme la création des tunnels sous les Alpes entre la France et l’Italie. Cependant il y a des buts stratégiques derrière ces réalisations économiques. Cela permet le transport de matériels dans le cadre de la politique de l’Alliance, l’OTAN, en direction de l’Italie vers la mer Adriatique. Au début des années soixante, on est dans la logique de la guerre froide du « containment ». On cherche à construire l’espace de l’OTAN en Europe. En revanche l’atome est au cœur de la construction européenne. Les pays européens tiennent à garder leur souveraineté dans la maîtrise de cette nouvelle source d’énergie. Après avoir choisi de partager le charbon et l’acier en 1951, deux traités sont signés en 1957 à Rome : un pour la Communauté Economique Européenne (CEE) et l’autre pour la Communauté Européenne de l’Energie Atomique (CEEA ou Euratom). Après la guerre, l’énergie atomique apparaissait une comme une source d’énergie fabuleuse : quasi-inépuisable, sûre mais chère. Pour cette raison, les Européens décidèrent que la coopération nucléaire civile devait être un des piliers de la construction européenne. La première communauté européenne ne naît pas en tant que construction politique, un organisme chargé de mener des actions en vue de créer une cohésion territoriale, car c’est une ingénierie. C’est une structure qui a pour but de créer un réseau d’interdépendance et de complémentarité, de créer une infrastructure économique pour stabiliser cette partie de l’Europe. Ce processus de construction européenne s’effectue pendant une période faste, celle de la croissance qui en est le résultat.

Les fragilités du projet européen

Les communautés européennes et ensuite l’Union européenne sont des espaces de droit. Il s’agit d’un espace où se font les négociations entre les parties prenantes dans les différents domaines de manière à renforcer leur coopération. Un espace de droit est délimité par des frontières or le projet européen ne pose pas la question des frontières. C’est aussi un espace pacifiste qui souhaite mettre fin aux influences nationales entre plusieurs de ces Etats européens mais qui réfute toute idée d’une pensée stratégique de nature géopolitique. Ces communautés européennes n’ont pas de souveraineté dans le sens de légitimité politique. En fait elle est déléguée à travers les administrations qui les représentent. On vote pour des partis proeuropéens et pour des politiques de coopération européenne. Il n’y a pas de projet politique européen.

Au fur et à mesure des années, d’autres Etats intègrent cet espace communautaire. Cela suscite des interrogations sur l’unité identitaire et le lien historique de ces différentes souverainetés avec les pays fondateurs du projet européen. L’itinéraire historique de ces nouveaux Etats n’est pas le même. Les derniers Etats qui ont intégré l’Union européenne comme les pays Baltes, la Pologne, la Hongrie, des anciens pays issus du bloc soviétique, n’ont pas la même approche politique que ceux de l’Europe de l’Ouest. Ils ont résisté en affirmant leurs particularismes pendant soixante-dix ans face aux pressions de Moscou. Pour ces pays il est difficile d’abandonner leur histoire, leur culture, leur spécificité régionale et de se soumettre aux injonctions de Bruxelles. Pour les autorités européennes à Bruxelles le communisme dans ces anciens pays de l’Est a été une parenthèse. Or dans certains anciens pays de l’Est ayant intégré l’Union européenne, une partie des populations Slovaques et des Allemands de l’ancienne République Démocratique Allemande éprouvent une certaine nostalgie concernant certains aspects de leur vie quotidienne du temps des régimes communistes. Cette ancienne vie mise entre parenthèses par les différents dirigeants des institutions européennes avive de l’incompréhension de part et d’autre.

Le projet européen depuis les années 1973 est confronté par une longue crise en rupture après les années de plein-emploi, de croissance économique, des années fastes. C’est dans ce contexte de difficultés économiques avec la montée du chômage, la fermeture des usines, des régions en friche industrielle, que les Britanniques entrent dans l’union. La construction européenne est née dans une Europe jeune, celle du baby-boom. Or aujourd’hui on constate un vieillissement de la population, en France depuis peu le taux de natalité commence à baisser. On constate une autre conséquence sur le plan démographique, c’est le départ des jeunes hors d’Europe et la désertification de certaines régions. À cela s’ajoute de fortes inégalités sociales qui résultent des politiques adoptées par la plupart des pays de l’Union pour réguler la crise. Ceci a permis de réaliser les mutations des systèmes productifs pour s’intégrer à la mondialisation. Ce sont surtout les travailleurs non qualifiés et détachés qui souffrent le plus de ces inégalités dans l’espace européen. L’ensemble de ces problèmes est perçu comme des crises sévères comme la crise économique, la crise démographique, la crise sociale, la crise de représentation politique or les acteurs du projet initial n’ont jamais pensé à se trouver face à de telles difficultés.

On n’a pas constitué de mécanismes européens sur la base qu’il fallait à un moment donné chercher des solutions et réagir très vite. L’union européenne a commencé de se doter de pouvoirs de décision politique, de fédéralisation de la politique sur un certain nombre d’aspects, en matière de sécurité, sur le plan de la diplomatie. L’union européenne commence à prendre des fonctions régaliennes mais elle n’est pas l’émanation directe d’un choix du peuple. La question démocratique devient cruciale. Toutes les critiques à l’égard des institutions européennes et surtout de la commission de Bruxelles vidée de cette substance démocratique qui impose une vision trop technocratique, puisent leurs racines dans l’essence même du projet européen. Il a été élaboré dans un contexte de reconstruction économique et de la guerre froide. La question aujourd’hui est de savoir comment les institutions seront-elles capables de s’adapter à ce nouveau contexte celui des différentes crises évoquées et de savoir si ce projet européen peut durer et disparaître.

2e intervention  : Jean-Michel Crosnier

Compte-rendu rédigé par Jean-Michel Crosnier

Le temps a passé mais pas avec le même calendrier pour tout le monde ! J’ai sélectionné 3 espaces européens qui me paraissent illustrer notre thème mais avec pour chacun un substrat géopolitique et une temporalité différente, à savoir le Royaume-Uni, l’Est européen et l’Italie.

1 – Les Britanniques partent car leur temps s’est arrêté à la CEE. [carte des résultats électoraux du référendum sur le Brexit]

● Une entrée pragmatique en 1973 (le « Wait and See”) après un refus initial et le veto gaulliste. A noter : l’approbation populaire par un 1er referendum.
● Une méfiance grandissante avec l’UE et le traité de Maastricht (1992) :
○ Exigence de ristourne budgétaire
○ Obtention de l’exemption fiscale pour la City
○ Refus des symboles « supra-nationaux (drapeau, hymne, devise)
● Malgré la réalisation d’une Europe « britannique » en sous-main :
○ La domination écrasante de l’anglais, initialement 3e langue de travail derrière le français et l’allemand.
○ Un lobbyisme intense à Bruxelles et à Strasbourg.
○ Une Commission mettant en avant les règles de la mondialisation libérale.
○ Une volonté constante de favoriser l’élargissement territorial de l’UE afin d’en diluer les velléités supranationales.
=> Lle Brexit, un tropisme historique certes, mais une erreur stratégique, au moment où les Britanniques avaient le beurre et l’argent du beurre…

2 – L’Est européen à la dérive de Bruxelles ? Du rêve d’un continent réuni au retour des fractures anciennes : [carte des PIB/hab de l’UE]

● Les années 90 sont celles de l’espoir de à nouveau réunifier après la chute du Mur et la fin de l’emprise soviétique « la maison commune européenne » (François-Regis Hutin, PDG de Ouest-France. O-F, de tendance démo-chrétienne milite pour les symboles européens et est à l’origine de la devise « Unité dans la diversité »). Mais les gouvernements issus des plateformes démocratiques ayant lutté contre les pouvoirs communistes mettent en place des politiques de transition brutales (cf. la « Treuehand »), tout en négociant avec les anciens dirigeants des compromis politiques.
● Le retour du refoulé via l’histoire du XXe siècle :
○ Le rapport aux totalitarismes à l’Est est celui de la prééminence des 4 décennies d’occupation soviétique sur l’occupation nazie.
○ L’entrée dans l’UE, vécue d’abord comme un instrument de libération du communisme soviétique est vite soupçonnée de vouloir contrôler la souveraineté de pays pour la plupart nés après les traités d’après 14-18.
● Via l’histoire longue :
○ La non-reconnaissance des racines chrétiennes par l’UE, considérées comme culturellement fondatrices et renforcées avec la peur des vagues migratoires des années 2010 dans des espaces européens n’ayant pas participé à la colonisation du monde.
=> Vers la rupture ? N’oublions pas les intérêts bien compris de pays entrés appauvris et qui ont bénéficié et bénéficient d’importantes subventions via les politiques de rééquilibrages régionaux et ne tiennent pas à les perdre, tout en constituant une force politique alternative à une UE fédéraliste.

3 – Entre Est et Ouest, que penser du nouveau « laboratoire politique italien de 2018 » ? [carte électorale]

● La coalition MI5 / Lega : l’alliance de la carpe et du lapin ?
○ L’Italie des années 30 a inventé le fascisme comme réponse au communisme, tout en lui reprenant ses formes totalitaires.
○ N’oublions pas la créativité innée de nos voisins transalpins, pas seulement en matière politique…
● Une coalition de circonstance ?
○ La Lega, ancienne Ligue du Nord, s’est transformée sous l’impulsion de Mateo Salvini en un parti nationaliste-xénophobe dont les racines, si elles viennent du Nord économiquement puissant (Lombardie-Vénétie-Piémont-Emilie Romagne), se sont étendues à tout le pays avec les vagues migratoires.
○ Le MI5, au départ parti contestataire anti-système s’est adapté à un électorat jeune et branché avec une plateforme promouvant la démocratie numérique et séduisant l’électorat du Sud avec la promesse d’un revenu universel.
● L’UE, bouc-émissaire commode, mais bonne fille…
○ Au delà des échanges de mots d’oiseaux, pas de clash budgétaire, car une économie en panne et qui a besoin d’être soutenue (Aux RVH de Blois en octobre dernier, on a entendu beaucoup de commentaires sur une banqueroute italienne…).
○ Vers une alliance Salvini – Orban, au détriment de Cinque Stelle – qui vient d’ailleurs de subir un revers électoral cuisant aux élections régionales de Sardaigne…