Clio-perspective – Questionner l’avenir de nos enseignements

Cette nouvelle rubrique a pour ambition d’accompagner et de transmettre les réflexions en cours dans le cadre de nos pratiques et outils pédagogiques. Au-delà des seules questions de programmes, il s’agit de proposer à la réflexion les mutations en cours et de voir de quelle façon nos enseignements peuvent être impactés et comment y répondre, comment nous y adapter. Il sera ici question de notre métier, mais aussi des outils, des programmes, des attentes institutionnelles et bien entendu de nos élèves, bref des perspectives au sens large du terme.

 

Le numérique et l’ADN des Clionautes

Les Clionautes sont présents sur l’ensemble du territoire. Nous sommes au sein des établissements, en première ligne, avec nos élèves. Nous pouvons, dans le cadre de nos missions, être amenés à découvrir des usages et de nouveaux outils. L’ADN des Clionautes est aussi d’être à la pointe des réflexions autour du numérique, ce que nous faisons en accompagnement des ressources que nous mettons à disposition des élèves et des collègues, ou encore dans le cadre de partenariats comme celui que nous avons avec Pearltrees Education. Le travail de mise en perspective historique de l’association permet de prendre la mesure du chemin accompli en la matière.

 

2022-2023 – La question de l’autonomie numérique au coeur des réflexions

 

Pour ce premier numéro je vous propose de faire un petit tour des évolutions en cours dans le domaine des pratiques numériques.

Depuis la rentrée 2022 des remontées concordantes du ministère par voie de presse, des différentes DANE, des échanges à l’assemblée nationale confirment une tendance de fond. Une stratégie numérique nationale a été impulsée, tenant compte à la fois des évolutions techniques, macro-économiques, mais aussi et surtout tenant compte des différentes failles qui sont apparues lors de la crise du COVID. Les problèmes relevés étaient parfois anciens, mais le confinement puis les mesures en distanciel ont imposé la nécessité de réflexions de fond.

La stratégie numérique nationale repose désormais sur un credo assez limpide : il faut gagner en autonomie, tant dans le hardware que le software. En ligne de mire notre trop grande dépendance vis-à-vis des GAFAM, peu en phase avec le RGPD et la protection de nos données et, partant, celles de nos élèves. Le tableau suivant est donc une photographie des attentes institutionnelles et des évolutions d’ores et déjà en cours.

 

1 – L’objectif d’indépendance nationale après la crise Covid

La France doit être souveraine. Du point de vue matériel, c’est une question plus complexe, car les composants électroniques viennent pour l’essentiel d’Asie. Mais, dans le domaine du software, des outils logiciels, nous disposons d’une véritable marge de manoeuvre.

Ce chantier n’est pas nouveau. Dès sa nomination à la tête de la DNE en juillet 2021, Audran le Baron a précisé ses ambitions et sa feuille de route en la matière.

Audran le Baron, qui a été en charge de la refonte des outils informatiques de l’administration des impôts[1], a pour mission de piloter un projet pour rendre l’EN totalement autonome et imperméable aux GAFAM. Pour parler clairement, ceci signifie à terme une potentielle interdiction TOTALE d’utiliser des outils GAFAM dans les établissements. Le processus a déjà commencé, avec par exemple le cas de l’académie de Orléans-Tours (VOIR LA NOTE ICI).

 

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Ceci inclut donc les suites Office de Microsoft, mais aussi tout ce qui est lié à Google. Concrètement donc dans les établissements, il ne serait plus possible d’utiliser ces outils en se connectant aux différents réseaux informatiques mis à disposition. Comment se passer de ces outils ?

En exploitant le système « Apps Education », tous les outils de l’autonomie vont être poussés par les autorités compétentes (DANE, IPRs, les chefs d’établissements, collectivités territoriales, etc.) seront donc incités à défendre ces outils devant assurer notre autonomie numérique. Ainsi, fini Word, Youtube et autres Icloud, vive « nuage », « peertube » et autres solutions open source.

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2 – Une réalité du terrain qui pose question

 

D’un point de vue technique ceci va poser un certain de problèmes. Ainsi, en région PACA/SUD, les tablettes LENOVO qui ont été distribuées dans le lycée, fonctionnent sous ANDROID, avec donc des outils Google. La transition prendra du temps, car les outils Microsoft sont aussi dominants, et ce d’autant plus qu’ils sont utilisés prioritairement dans les entreprises, et donc dans les séries technologiques ou professionnelles. Mais, à terme, se dessine donc un bouleversement de nos usages. Reste à savoir si les outils qui nous seront proposés rempliront leur mission : être simples, robustes et adaptés à nos pratiques.

 

3 – Un wikipedia de l’Éducation nationale ?

 

Présenté ainsi, le projet semble ambitieux. Comment y parvenir ? En exploitant la plateforme Moodle, déjà déployée dans les universités et dans les lycées ou collèges depuis de nombreuses années, et dont l’évolution ultime s’incarne en ELEA. Dans ce domaine l’Académie de Versailles explore depuis plusieurs années le potentiel de cette plateforme.

 

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Comme le montre cet exemple pour les sciences ont déjà acquis une certaine expérience avec cet outil.

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L’idée est limpide : d’ici 2025 pour les dernières académies, imposer ELEA comme plateforme de référence, centralisant les ressources pédagogiques numériques à disposition des élèves et des enseignants. Les enseignants vont aussi être incités à poster des ressources sur un Moodle national, IAM, afin d’alimenter les ressources accessibles.

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Quel est ici l’objectif ? L’une des pistes, au-delà de la souveraineté vis à vis des GAFAM, est à chercher du côté de l’intégration de l’intelligence artificielle dans les pratiques pédagogiques.

En poussant à l’utilisation des outils numériques EN et strictement EN, il serait donc possible d’accumuler des données. Ces dernières pourraient être exploitées par des IA souveraines, qui permettraient alors d’aider les collègues à solutionner les soucis de leurs élèves au plus près des besoins.

Il pourra être aussi plus aisé de suivre ce que font, ou pas, les enseignants, ce sera beaucoup plus facilement mesurable, même si la liberté pédagogique n’est pas remise en question dans les discours. Néanmoins c’est un fait, ces ressources centralisées seront aisément contrôlables. Ce n’est pas un jugement de valeur, simplement un constat technique.

Clairement on peut sentir un vrai virage dans les évolutions en cours, avec une accélération des réflexions quant à notre souveraineté. Restera à voir comment tout ceci va véritablement se mettre en place dans les académies, dans les établissements et dans les classes.

Concernant les Clionautes, en tant que praticiens, au plus près des élèves, nous sommes d’ores et déjà pleinement engagés dans ces réflexions. Notre site offre et continuera à offrir des ressources, mises à jour régulièrement. Nous avons aussi commencé à intégrer des travaux exploitant les problématiques en cours. Le chantier du moment s’apparente en réalité à un mur : l’IA.

Comment les IA vont nécessairement bouleverser nos pratiques ?

 

Depuis quelques semaines c’est une lame de fond qui semble tout emporter sur son passage.

 

 

 

@korbeninfo

Je vous montre comment j’utilise #GPTChat de #OpenAI #GPT3

♬ son original – Korben

C’est arrivé vite, beaucoup trop vite. Même Napoléon s’y est mis.

 

Cliquez pour demander à Napoléon ce qu’il pense de la réforme des retraites ou de la guerre en Ukraine

 

Raphaël Doan, cofondateur, avec Arthur Chevallier et Baptiste Roger-Lacan de Vestigia, site nous proposant de soumettre des questions pour savoir ce Qu’aurait pensé Napoléon ? a beau nous mettre en garde, tout en soulignant le potentiel positif, nous ne pouvons pas dire que nous soyons réellement prêts[2]. Depuis quelques semaines les exemples de travaux faits à la maison par des élèves exploitant ces IA s’accumulent. Lors d’un cours de SNT j’ai moi-même été confronté à des élèves qui demandaient à une IA de répondre à la question posée par l’exercice. Bien entendu, il y a des limites et tout est loin d’être encore parfait mais, les faits sont limpides : nous allons devoir faire avec ces nouveaux outils, qu’ils soient monétisés ou non.

 

Parer au plus pressé et réfléchir à la suite

Concrètement le fait de donner une synthèse à faire à la maison, une composition, pose question. Je n’accepte plus de réponses tapées à l’ordinateur ; j’impose des photos de copies déposées sur l’espace dédié sous Pearltrees. C’est efficace et ça fonctionne. Si les élèves ont pu recopier un texte généré par une IA, au moins ont-ils écrit, c’est toujours ça de pris. L’IA est capable de générer des poèmes à la demande. Il est possible de trouver un sujet de Grand Oral, traité, en quelques secondes ou minutes. Les élèves iront nécessairement vers la facilité, c’est humain. Ces outils circulent, d’une façon ou d’une autre, ils en feront donc usage. À nous de retourner le problème, d’essayer de nous adapter.

J’ai commencé à réfléchir à des usages en classe, avec des élèves. L’idée est de ne pas subir, mais bien d’être dans l’action. Ces expériences seront donc partagées avec les autres ressources sur nos sites, afin d’apporter des éclairages, des idées. Bien entendu tous les retours qui nous serons proposés trouverons leur place dans nos ressources.

En partageant, en échangeant, il sera plus aisé d’affronter ce mur.

 

 

 

[1]https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-l-education-nationale-nomme-audran-le-baron-directeur-du-numerique-83408.html

[2]https://www.napoleon.org/magazine/interviews/raphael-doan-quaurait-pense-napoleon-une-experience-dintelligence-artificielle-avec-napoleon/