Sonia Fellous
Histoire du judaïsme

La Documentation photographique N° 8065 Septembre octobre 2008 – Éditions de la Documentation française

Présentant à Blois le dernier volume de ma documentation française consacré à l’histoire du judaïsme, Nathalie Petitjean et Dominique Borne ont rappelé les enjeux représentés par cette histoire des grands monothéismes. Cette histoire du judaïsme fait suite à l’histoire de l’islam publiée l’an passé à la même époque.
La Documentation photographique et l’Institut européen d’histoire des religions publient une cette histoire du judaïsme évite, comme le rappelle Sonia Fellous, l’auteur du dossier de raconter l’histoire d’un peuple.
Depuis 2000 ans, il n’est pas évident de faire l’histoire d’un peuple.
Chargée de recherche au CNRS dans le cadre de l’institut de recherche et d’histoire des textes, Sonia Fellous a un rapport privilégié à cette analyse du judaïsme qui s’est diffusé très tôt par l’écrit biblique et par ses diverses interprétations et exégèses.
Pour comprendre l’histoire du judaïsme, il faut savoir que cette religion est née paradoxalement en même temps que le christianisme. Ce qui est tout de même surprenant.
Le judaïsme antique existe de façon contemporaine à l’Egypte antique comme en témoignent les stèles publiées dans le recueil. C’est le Roi David qui fait entrer Israël dans l’histoire.
Centralité d’un culte, d’une Loi, d’une terre enfin. David devient fondateur d’une Nation organisée autour du Temple.
C’est le Temple qui réunit ceux qui seront ensuite les juifs sans terre.
A partir de ce temple commence l’histoire fantasmatique, le temple est le garant de la présence divine parmi le Peuple élu.
Tout se centre ensuite autour de la Loi, les rouleaux de la Torah.
A la destruction du temple en 70, avec la dispersion, le judaïsme rabbinique fait son apparition.
Cette œuvre a traversé les mers et les terres. C’est le travail sur la matière, sur le texte biblique qui est donc l’instrument premier de l’étude de l’histoire du judaïsme et du peuple qui en a été le porteur.
Trois zones se distinguent : en premier lieu : le judaïsme d’Orient, Damas, Antioche et Palmyre.
Le judaïsme n’est pas seulement une religion dit-elle, mais aussi une culture et une manière de vivre, une pratique souligne Sonia Fellous.
Ce peuple a compris que sa survie résidait dans l’unicité des pratiques du judaïsme. A quelle heure commence Shabbat demande Sonia Fellous ? D’où la nécessité de mettre en œuvre une pratique commune. La France au IXe devient alors un grand centre du judaïsme.
L’auteur revient d’ailleurs sur cette question des racines chrétiennes de l’Europe qu’elle entend faire considérer comme une Europe judéo-chrétienne. Sonia Fellous balaye donc en 15 pages enrichies d’encadrés sur des points du Rite, comme le Shabbat, les différentes étapes de cette histoire. La formation progressive du Talmud, ( Il faudrait dire des talmuds), la place des juifs en terre d’islam ou chrétienne, et celle des souffrances subies par les communautés à la fin du Moyen-Âge.
Les juifs se regroupent au moyen âge pour des raisons liées à leurs pratiques.
Ce judaïsme des ghettos, même si le terme date du XVIe siècle.
Les chrétiens vond demander aux juifs de leur donner le texte originel, d’où la collaboration entre rabbins et chrétiens.
En 1240, le Talmud est mis en accusation. La rupture est alors définitive. La progression de l’Eglise se mesure à partir des lois anti juives. Le peuple déicide apparaît alors, le juif est alors fourbe et pervers. Des lois demandent par exemple aux chrétiens de ne pas demander aux rabbins de bénir les récoltes.
La Synagogue devient alors, dès la destruction du temple, le centre du judaïsme de l’exil. Le rouleau de la Torah est une référence absolue. L’Hébreu, la langue fait partie de la Création divine.
Sonia Fellous montre les images qu’elle publie ensuite sur la synagogue de Syrie de 245, découverte en 1932. 59 épisodes bibliques sont ainsi racontés. Les prophètes sont mis en avant en concurrence avec Jésus et le temple du futur. Dans la synagogue de Mantoue du XVe siècle, on retrouve les mêmes références, celles qui n’ont jamais été modifiées jusqu’à aujourd’hui.
En matière de langue, on écrit jusqu’au IXe siècle dans les langues locales tandis qu avec le triomphe du Christianisme, le retour à l’hébreu est manifeste.
L’expulsion des juifs d’Espagne mais aussi de France et d’Angleterre favorise le développement du judaïsme d’Europe centrale.

Le procès de 1240 marque le début des difficultés du judaïsme.

Ce qui est unique dans doute c’est qu’un peuple, par delà les vicissitudes de l’histoire, a su en être porteur et transmettre plusieurs interprétations des textes fondateurs. Le récit biblique, l’histoire du peuple juif dans l’Ancien testament, sert de première approche à une histoire du judaïsme et l’archéologie, la philologie viennent éclairer aussi ce récit biblique. Le judaïsme n’est pas unique. Très tôt les interprétations différentes des textes bibliques ont opposé les courants du judaïsme. Sadducéens et Pharisiens, Esséniens et Zélotes étaient les principaux courants présents dans la Province romaine de Palestine. Le judaïsme européen est hégémonique, notamment au niveau artistique, avec des villes juives, comme Cologne ou encore Barcelone ou Majorque. Des communautés très riches intellectuellement se développent.
Gérone et Montpellier vont développer la Kabbale, le judaïsme mystique tandis que l’Italie assimile parfaitement la judéité, y compris en étant très avancée à propos de la place des femmes dans le rite central de la kasherout.
Le peuple juif est donc attaché à son histoire et c’est cette histoire qui rythme les fêtes religieuses. En permanence aussi on assiste d’après Sonia Fellous à un phénomène de retour en terre sainte.
Sonia Fellous évoque aussi le rituel de la kasherout, une façon de se nourrir qui permet de se conserver en tant que juifs. Au XIIIe, commencent alors les attaques antijuives. Le juif usurier, bourse à la ceinture, bedonnant et aux doigts crochus devient urbain. Les juifs sont alors totalement alphabétisés. Ils sont alors tenus de porter des signes distinctifs. La circoncision est un acte barbare, assimilé à un sacrifice rituel.
Les expulsions de France vident le royaume de ses juifs dans la partie nord. Des communautés s’installent en Europe centrale et Orientale. Amsterdam devient la petite Jérusalem. Les communautés s’installent vers le Nord et l’Est. Le messianisme devient une forme d’espoir en ces temps difficiles en même temps que la Kabbale se retrouve marginalisée par les autorités rabbiniques.
Le judaïsme du Nord et de l’Est voit se développer les pogromes à partir de 1648. Auparavant des communautés s’étaient développées au point de constituer, d’après Sonia Fellous, un Etat dans l’Etat.
La Révolution française favorise l’émancipation. Le modèle français s’impose en Europe. Les juifs d’Alsace sont largement motivés par l’assimilation ou l’intégration.

L’époque des lumières obéit à un double mouvement. Le hassidisme qui correspond à une conception émotionnelle du judaïsme et le choix de la modernité incarné par Moïse Mendelssohn. ( 1729 – 1786) Cette figure du mouvement intellectuel juif est considérée comme un précurseur du mouvement d’assimilation. C’est en Allemagne que ce mouvement se développe le plus tôt. Il s’oppose aux communautés traditionnelles qui se renferment dans des écoles talmudiques tandis que les courants migratoires vers la France et le Nouveau Monde s’accélèrent à partir de l’Europe centrale. Les juifs allemands sont les mieux intégrés d’Europe, suivis par les français, ce qui n’empêche pas l’Affaire Dreyfus. Le judaïsme se laïcise, y compris la tenue vestimentaire. Ce qui est totalement essentiel pour comprendre la rupture constituée par des crises majeures. L’Affaire Dreyfus déjà citée et le Nazisme. Cela conduit à un nouvel exode à la fois vers les Etats-Unis mais aussi vers la Palestine. Les russes très marqués par le socialisme prône l’inversion de la pyramide du peuple juif. Des paysans en bas, des classes moyennes au centre, des capitalistes au sommet. Pour qu’il y ait des paysans, il faut une terre… Le temple est toujours associé à la terre vers laquelle on prône le retour. La crucifixion blanche de Chagall n’est pas présentée dans le numéro de la documentation photographique mais elle évoque cette souffrance des juifs identique à celle du Christ.
La souffrance devant la shoah est très différente selon les individus. Beaucoup de juifs se sont alors impliqués dans des causes sociales et humanitaires. Une façon de transcender leur état après le traumatisme de la shoah.
La fuite des cerveaux a largement touché l’Europe avec un mouvement d’exode vers les Etats-Unis et Israël.
Sonia Fellous évoque alors les juifs d’Afrique du Nord qui ne subissent pas les souffrances de leurs coreligionnaires. Même sous Vichy les juifs d’Afrique du Nord ont choisi la France. Les juifs d’Afrique du Nord, plus religieux, ont sans doute influencé largement ce mouvement de retour vers le religieux.
Pour terminer, Sonia Fellous évoque l’Etat d’Israël comme une création de l’Europe , reliant les relations du peuple à cette terre. La Menorah, premier symbole du temple, marque cette histoire tragique.

http://www.clionautes.org/spip.php ?article2070

Dans les réponses aux questions sur l’identité judéo chrétienne de l’Europe Sonia Fellous rappelle l’importance de l’influence de la kabbale dans la mystique chrétienne.
Différentes questions évoquent aussi la langue yddish et le bund, le socialisme juif.

Bruno Modica © Clionautes