Johann Chapoutot Le nationalisme socialisme et l’antiquité Presses universitaires de France, collection le nœud gordien. Paris 2008. 531 pages

Jean Luc Leleu, la Waffen SS, soldats politiques en guerre Perrin

Présentation à Blois, le 9 octobre 2008 Café littéraire

Johann Chapoutot Le nationalisme socialisme et l’antiquité Presses universitaires de France, collection le nœud gordien. Paris 2008. 531 pages

Jean Luc Leleu, la Waffen SS, soldats politiques en guerre Perrin

Ces deux jeunes historiens sont tous les deux passionnés par la manipulation de l’histoire et la façon dont l’histoire a pu être écrite.

Les deux jeunes historiens se sont investis dans cette histoire colossale et par bien des aspects dramatiques.
Jean Luc Leleu évoque cette histoire en évoquant la fascination du mal, avec l’intention d’aller au bout de l’analyse de ce mouvement qui a impliqué pendant la seconde guerre mondiale des milliers de jeunes fascinés et séduits par une idéologie de la puissance.

Johann Chapoutot publie simultanément aux presses universitaires de France deux ouvrages consacrés aux dictatures. Cette histoire consacrée aux relations entre le National socialisme et l’antiquité et dans la collection Licence, plus clairement destinée aux étudiants, une très intéressante présentation de l’âge des dictatures.

Jean Luc Leleu revient sur le national-socialisme et ses principes. Le national socialisme n’a pas vraiment de passé et Hitler comme d’autres donnent une version de l’histoire. Johann Chapoutot précise que les nazis voulaient effacer 1789.
Le modèle idéal devient alors celui de Sparte et de Rome. Les références à l’antiquité sont alors multiples. Le curseur de l’histoire du monde se déplace alors d’Est en Ouest. Romains Grecs, Perses, Indiens et même chinois puisque Confucius est présenté comme grand, blond et aux yeux bleus.

Présentant le premier de ces ouvrages dans le café littéraire aux rendez vous de l’histoire de Blois, Johann Chapoutot revient sur les arguments des penseurs du national socialisme et particulièrement sur cette référence au mythe arien. La lumière vient en effet de ces peuples du Nord, parés de toutes les vertus, et qui par un cheminement assez tortueux se retrouvent présentés comme les grands ancêtres de la race germanique. Loin d’être de simples spéculations sur les guerriers du Nord, ces arguments trouvent leurs origines dans les écrits des auteurs antiques dont Tacite, à propos de la Germanie et de ses peuples qui viennent très tôt se heurter, avec succès, aux frontières de l’Empire. On retrouve ensuite le mythe arien chez Voltaire, avec cette origine indienne et on retrouve ainsi la thématique développée au XIXe siècle, des indo-européens. Les allemands font de la Germanie la terre d’élection des indo-aryens. L’auteur démonte ainsi la vulgate nordiciste, celle de Hans Gunther. Cela nous amène très loin d’ailleurs avec ce que l’on appelle le mythe de trop, celui des atlantes.
Gunther, il démontre dans ses thèses la germanité des grandes civilisations.
La vulgate raciste nourrie par Gobineau prend en compte forcément cette dégénérescence de la race pure qui peut être combattue par un racisme d’Etat. On voit bien le résultat dans l’application de la doctrine raciale du IIIe Reich.
L’auteur se confronte également aux sources qui ont conduit ces penseurs du nazisme à élaborer leur corpus doctrinal. Le Reich, le premier s’entend, celui fondé par l’Empereur Othon le Grand. Ce Reich dans sa lutte contre la papauté de Rome incarne donc les vertus de l’Empire germanique et de cette lutte éternelle contre le Sud métissé et forcément dégénéré.
L’histoire est donc fortement assignée à la mythologie.
La Méditerranée, le berceau originel des civilisations devient alors nordique puisque par le biais des indo-européens, grecs, romains et germains communient aux mêmes sources et à la même histoire.
Les nazis écrivent alors une histoire à rebours. Ils justifient ainsi leur doctrine en écrivant ne histoire téléologique. Heydrich et Hitler justifient ainsi leur doctrine en évoquant l’hilotisation, à la spartiate. Une élite raciale et eugénisée soumet des populations réduites en esclavage.
La diffusion de ce discours sur l’antiquité a été largement développé dans l’art et l’architecture avec le style néospartiate de Speer et dans les films de Leni Rifenstahl.

Jean-Luc Leleu revient ainsi sur les organisation du parti nazi, sur les SA et les SA. Celles qui sont chargées de mettre en pratique la doctrine. La SA, avant que les nazis n’obtiennent la victoire dans les urnes, l’obtient dans la rue. Lors de la nuit des longs couteaux, l’émergence de la SS est favorisée. La SS est désignée comme un échelon de protection au départ. Une unité d’élite, un secteur spécifique se développe, un ensemble de protection de l’Etat national socialiste.
La RSHA avec Heydrich et la branche paramilitaire qui est considérée comme l’ultime rempart contre la menace révolutionnaire.
La SS se militarise en plusieurs étapes. Himmler va lui donner une culture de l’élitisme racial à la faveur des premières défaites de la Werchmacht. Les militaires sont quand même assez soumis au politique et Hitel s’en méfie d’ailleurs assez souvent. Les tentatives de coup d’Etat sont d’ailleurs assez tardives. En imposant la SS Hitler faisait jouer la concurrence.
Il devient alors indispensable de faire croître ces effectifs à des populations qui ne sont pas à proprement parler des aryens de pure souche. La division SS bosniaque est créée en 1943 et ces bosniaques sont alors considérés comme des aryens dinariques.
La violence est alors intégrée dans ces divisions SS avec beaucoup de facilité. On parle alors d’un terreau sur lequel se fonde cette culture de violence. La guerre totale, dès le début du siècle, favorise cette évolution. On parle alors d’une culture de la dureté.

La grande séduction du nazisme réside dans la simplicité de compréhension. Face à l’ennemi, il importe de combattre la dégénérescence et d’appliquer les leçons de l’histoire. Celle des spartiates qui allaient au combat sans états d’âme. La stratégie doit être remplacée par la biologie, il faut éradiquer les races et éviter de faire les erreurs du passé. Un enfant juif ou slave doit être considéré comme porteur d’un danger biologique. C’est donc cela qui explique cette logique infernale qui a conduit à la mise en place de la solution finale, mais avant cela à la shoah par balles et à toutes les atrocités commises au nom de cette guerre des races dans laquelle les nationaux socialistes inscrivaient leur combat.

Les deux ouvrages abordent donc des problématiques différentes mais très largement complémentaires. De quoi donner envie de les lire pour être au fait des avancées de la recherche sur des sujets pourtant largement traités auparavant mais qui méritent encore d’être revisités avec de nouvelles approches.

Bruno Modica