Avec Elie CHEVILLOT-MIOT, docteure en Géographie, spécialiste de la gestion des risques, auto-entrepreneuse chez OCARICE (Optimiser les capacités de gestion des risques et des crises par les expériences), Michel HAGNERELLE, Inspecteur Général d’Histoire-Géographie honoraire. 

Contexte général présenté par M. Hagnerelle

Michel Hagnerelle rappelle que l’appellation des  rendez-vous sur le développement durable n’a pas été modifiée depuis 18 ans. Les rendez-vous s’inscrivent dans les parcours pédagogiques de l’éducation au développement durable, c’est un constat assumé car parler de l’éducation au développement durable est toujours d’actualité. La mission d’éducation au développement durable n’est pas facilitée par le contexte médiatique ou politique et demeure difficile, pour deux raisons.

D’une part au niveau conceptuel, on note un traitement des médias avec une déluge d’informations éclatées sur tous les sujets possibles sur le climat, les pollutions, les transports, la biodiversité, les ressources, la mer, l’alimentation énergétique, etc. On constate aussi un amoncellement de d’informations, favorisant ainsi une cacophonie d’informations, de termes plus ou moins mal maîtrisés, et non hiérarchisés. Cela entraîne une multitude de discours catastrophiques, culpabilisants où tout est crise, tout est catastrophe et source de peur et d’angoisse au collège ou au lycée.

Langage politique et traitement médiatique

On note dans le langage politique et de certains médias la disparition de la définition du concept de développement au profit de la croissance. Michel Hagnerelle s’indigne de la confusion entre ces deux termes qui pousse finalement à l’acceptation de l’opinion publique de laisser autant de pays dans la misère dans le monde. Cela fait fini par faire penser qu’ils n’ont pas envie ou le droit de se développer et améliorer leurs conditions au nom de la lutte contre le changement climatique global.

M. Hagnerelle interroge « comment peut-on penser que des milliards d’habitants de la planète n’aient pas envie de se développer ».

Les jeunes, écoliers, collégiens et lycéens font face à un amoncellement d’informations désordonnées et de matraque médiatique qui pousse le monde de l’éducation à réagir. Les missions à l’éducation au développement durable sont triples.

  1. Les enseignants doivent veiller à ne pas accabler davantage les jeunes face à ce discours de catastrophisme ambiant. Il ne faut pas les priver les élèves de futur et d’espoir en l’avenir. M. Hagnerelle insiste sur le fait que l’éducation au développement durable n’est pas un objet de désespérance mais est un projet d’action aussi pour les jeunes.
  2. Clarifier les concepts, de quoi parle-t-on ?
  3. « Le développement durable n’est pas un gros mot !»

Amalgame entre développement durable et transition

Michel Hagnerelle regrette que les notions de développement durable et celle de l’environnement aient disparu du langage de beaucoup de politiques et de médias comme si c’était un « gros mot ». Beaucoup l’associe à la croissance qui est une autre question.

Aujourd’hui, on le préfère à la notion de transition, en particulier la notion de transition écologique qui est omniprésente. Or, cette notion de transition est une notion valise, polysémique et scientifiquement insuffisamment validé, véhiculées par les médias. Face à cela, M. Hagnerelle se réjouit que depuis le milieu des années 2000, l’Éducation nationale a progressivement mis en place une véritable politique d’éducation au développement durable, s’appuyant sur des orientations scientifiques validées et sur des axes pédagogiques clairs.

C’est bien au développement durable que l’école forme les élèves. D’autres part, l’Agenda 2030 de l’ONU et les 17 objectifs de développement durable 17 sont bien la référence et la toile de fond des réflexions et des raisonnements des enseignements.

La semaine du FIG se déroule durant la semaine européenne du développement durable . C’est la mise en place des 17 ODD niveau européen. D’autre part, l’Unesco a mis en place un très ambitieux programme mondial d’éducation pour l’ensemble des jeunes intitulé le Réseau mondial de l’EDD de l’éducation au développement durable pour 2030.

« Oui, la mission de l’enseignant est bien d’éduquer au développement durable » avec 3 domaines d’action.

  1. Instruire les élèves et leur donner des connaissances scientifiques maîtrisées.
  2. Les initier au raisonnement global, au choix et à la critique. On n’assène pas, on essaie de les faire penser par eux-mêmes et apprendre à trier.
  3. Les former à la responsabilité citoyenne, c’est-à-dire à la prise de position, à l’engagement et à l’action. C’est le contraire d’un amoncellement d’informations désordonnées et du matraquage auquel on soumet les jeunes en permanence.

Enseigner la transition dans le prisme de développement durable

Michel Hagnerelle rappelle que ces rendez-vous permettent depuis 18 ans de travailler et de réfléchir à la mise en œuvre de ces questions avec les élèves. Dans ce contexte-là, la notion de transition quand elle apparait dans certains programmes et directives ministérielles invite à la traiter mais en veillant automatiquement à la mettre en perspective avec la notion de développement durable.

  • L’objectif de toute l’action éducative est bien d’évoluer vers des questions de développement durable. La transition, c’est donc un processus qui tend vers le développement durable. Il ne faut pas traiter la transition seulement pour elle-même.
  • La notion de transition n’est valide que si elle ne remet pas en cause la notion de développement. Or, dans le discours ambiant, dans l’appellation même de transition, on ne voit pas apparaître la question de développement.

M. Hagnerelle interroge encore une fois « comment peut-on penser que des milliards d’habitants de la planète n’aient pas envie de se développer ».

La notion de transition est valide que si elle est utilisée au pluriel comm

Outils et pistes au collège au lycée :

Comme le rappelle Yvette Veyret, pour les géographes, il y a une multitude de formes de transitions possibles, son utilisation au pluriel permet de montrer qu’il y a une quantité infime de transitions possibles.

Cela rend donc le questionnement plus intéressante car il touche plusieurs domaines comme  la transition écologique, énergétique, démographique, agricole, de mobilité. La transition ne peut pas se cantonner à la seule transition écologique. En effet,  cela conduit à  appauvrir les débats et les orientations quand on a pour objectif de former à l’éducation au développement durable.

« Nos responsabilités d’historiens, de géographes, de professeurs d’histoire-géographie sont considérables » assène M. Hagnerelle.

La géographie une entrer dans des problématiques par de multiples problèmes complémentaires

En effet, c’est ce qui fait la spécificité, la qualité et la fierté de la discipline d’histoire-géographie. D’après M. Hagnerelle, les professeurs souhaitent être éclairés sur les orientations, les outils à mobiliser et les connaissances à faire passer dans un contexte très déstabilisant qui les fait douter. Cela conduit aussi à faire douter les élèves et leurs parents.

Il est donc très important de recontextualiser le sujet. Dans le cadre du thème du FIG sur les urgences, il est intéressant de choisir une thématique qui puisse montrer à quel point la démarche géographique est cohérente et indispensable quand on traite de grands problèmes de société.

« Nous sommes les seuls à avoir des approches globales systémiques prenant en compte l’ensemble des aspects environnementaux, économiques, sociaux et culturels et de culture  du développement», grâce aux méthodes que nous donne l’histoire et la géographie insiste M. Hagnerelle.

Traitement de la question des risques dans notre quotidien 

Trois notions principales nous invitent à questionner les risques dans notre quotidien.

  • La vulnérabilité,
  • la résilience
  • l’adaptation.

Ces questions de risques se posent dans notre quotidien proche ou plus lointain. Par ailleurs, l’actualité est en permanence en lien avec les questions des risques. Toutefois, on pose le terme de « risques » pratiquement toujours en terme de catastrophe. L’institution a inscrit dans les programmes et dans les orientations les risques dans tout le programme de géographie au collège, au lycée général, technologique et professionnel.

Le programme de 5ème

En effet, le thème 3 « l’environnement du local au planétaire », un paragraphe indique de « prévenir et s’adapter aux risques industriels et technologiques et sanitaires ou liés au changement climatique » avec un commentaire indiquant que le sous-thème 2 est « à aborder à partir d’une étude de cas sur un risque industriel et technologique, un risque ou une crise sanitaire ».

Le programme de seconde

Comme le souligne M. Hagnerelle, c’est un thème très complexe, « qui n’est pas le plus facile à enseigner parce qu’il introduit comme fil transversal la notion de transition » . Le thème 1 « société et environnement, déséquilibre fragile », la première question « des sociétés face aux risques » avec en commentaire « l’étude des sociétés face aux risques et l’étude de la gestion d’une ressource permettent d’analyser la vulnérabilité des sociétés, la fragilité des milieux pour qu’ils ont démarré ».

Le programme de bac  professionnel

Avec un « très beau programme » comme l’indique M. Hagnerelle, le thème 2 « les sociétés et les risques, anticiper, réagir, se coordonner et s’adapter » un libellé très intéressant avec 3 entrées, les sociétés sont confrontées à des risques divers et systémiques, risques naturels et technologiques, mais aussi sanitaire, économique, géopolitique, militaire et environnementaux. Deuxièmement, « les acteurs des territoires, puissance publique, citoyens, ONG, entreprises peuvent renforcer leur capacité à anticiper, réagir, s’adapter ». Troisièmement « les sociétés  humains sont différemment exposés et préparés aux risques ».

Les programmes intègrent explicitement et de manière très récurrente la question des risques

« comment faire pour enseigner cela » interroge M. Hagnerelle.

Ainsi, dans les textes généraux du ministère et les différentes circulaires concernant l’éducation au développement durable depuis 2004, la question des risques est inscrite parmi les orientations du développement durable.

La circulaire de 2011 indique que :

« la problématique des risques se prête à de multiples projets éducatifs de développement durable interdisciplinaires […] la problématique du risque essaie de s’enrichir, en particulier avec l’émergence et l’abondance de risques psychosociaux et sanitaires dû aux comportements d’addiction, aux gestes et aux jeux dangereux, au mésusage d’Internet et aux nouveaux risques épidémiques ».

Les textes officiels intègrent un éventail considérable des questions des risques qu’il faut aborder avec les élèves. Cela n’est donc pas une question fondamentale. Poser des problématiques larges permettent de bien voir qu’on est bien dans l’éventail des ODD. « C’est une magnifique question que celle des risques » conclue M. Hagnerelle. Cela conduit les inspecteurs généraux à choisir la question fondamentale des risques dans l’éducation.

Invitée d’honneur, Elie Chevillot-Miot

Elie Chevillot-Miot docteure en géographie des risques et des risques, consultante et chercheuse indépendante au sein de son bureau d’étude et conseil OCARICE dans le domaine de la gestion des risques et des crises.

Thèmes de  recherches

  • « les vulnérabilités face au risque de submersion marine »
  • thèse sur « la résilience des territoires littoraux face au risque de submersion marine, application au territoire de Charente-Maritime et de la Somme »,

Travail salué par M. Hagnerelle qui l’invite à éclairer l’assemblée pour mieux cerner et à formuler les grandes problématiques sur les risques et de réinterroger l’opérationnalité des notions liées au risque.

Un « pur produit de la géographie »

Ainsi, Elie Chevillot-Miot se présente comme un « pur produit de la géographie » après une licence de géographie à l’université de Bourgogne. Elle se spécialise sur les risques côtiers à l’université de Nantes, dès mon master 1 et travaille sur un projet de recherche faisant suite à la tempête Xynthia sur le risque de submersion marine. Ayant pris goût à la recherche, elle a continué à questionner cette notion de vulnérabilité à plusieurs échelles. Suite à l’obtention d’une bourse ministérielle, elle effectue une thèse sur le concept de la notion de résilience.

Après avoir travaillé sur l’anticipation et l’évaluation des risques des vulnérabilités, elle s’intéresse à la gestion de crise « comment on répond à une situation d’urgence » au ministère de l’Intérieur sur le projet April. C’est un outil innovant qui permet d’anticiper et de prendre des décisions en contexte d’incertitude. La poursuite de toutes ces questions l’a amené à créer son bureau d’études et de conseil OCARICE. En parallèle, elle continue à intervenir à l’université à des cours magistraux  et dans une école d’ingénieurs sur le développement durable.

Définition des concepts de risque, vulnérabilité, d’adaptation et de résilience

Le risque

Bien que ces concepts aient évolué au fil de l’histoire, les définitions diffèrent selon qu’on travaille au Moyen-Âge ou sur l’époque contemporaine. Pour définir les concepts, E. Chevillot-Miot repart sur leur étymologie en collaboration avec les travaux d’Emmanuel Athimon docteure en géo-histoire dont la thèse s’étend de la période au Moyen-Âge jusqu’à aujourd’hui. Celle de E. Chevillot-Miot concerne la période post-Xynthia. Emmanuelle Athimon revient sur ces concepts et montre que sur certains il n’y a pas forcement de consensus.

De ce fait, leurs significations ne sont pas forcément très claires, et c’est notamment le cas du risque. On ne sait pas d’où il vient, ni ses origines. On sait uniquement qu’il peut potentiellement avoir des origines latines mais sans aucun sens avec le sens qu’on entend aujourd’hui. Il y a également une origine liée à l’arabe,  on retrouve le mot « risk » au sens où on l’entend aujourd’hui. Mais c’est surtout du grec byzantin où l’on retrouve cette notion de « hasard » dans sa définition.

Cependant, on arrive tout même à une forme de consensus en ce qui le risque. Il est défini comme une convergence entre la probabilité qu’un événement dévastateur se produise – un aléa –  et de l’endommagement potentiel qu’il peut entraîner – les enjeux.

Aléa et enjeu

L’aléa est présenté comme le jeu de dé, le jeu du hasard lorsqu’on regarde ses origines latines. L’enjeu, c’est ce qu’on va mettre en jeu.  Les aléas peuvent être naturels ou non naturels – technologique, sanitaire, nucléaire, sociaux, politiques. L’enjeu c’est finalement, la population, les biens, les structures, les réseaux.

Risque et danger

Il y a une distinction à faire entre risque et danger. La notion de danger est plutôt du domaine des syndiques – la prévention et la maîtrise des risques –, alors que l’approche plutôt géographique va axée autour de « l’avant, pendant et après un aléa », on  a une vision beaucoup plus large.  

Vulnérabilité : un terme polysémique

Au départ, il y avait une absence de consensus mais le terme connait une évolution dans les années 1980-1990. Son étymologie latine fait comprendre que le terme signifie la « blessure » « l’endommage ». Au XIXe siècle, la vulnérabilité est définie comme la capacité d’un système à supporter un état défectueux ou une blessure. Mais le terme de vulnérabilité apparait aussi avec d’autres termes comme la sensibilité, la susceptibilité et la fragilité qui vont conduire à faire de la vulnérabilité un terme polysémique, plurivoque.

Distinction entre la géographie française et la géographie américaine

Dès le début du XXe siècle, la géographie américaine fait la distinction entre faits de nature  et faits de société  –  aléa et enjeu –. Cela sous-entend derrière que la société ne subit pas uniquement les aléas mais elle participe aussi à ces constructions. Au début du XXe siècle, en géographie française, l’étude des aléas est centrée sur la prévision en mettant l’accent sur la quantification, et la connaissance de l’occurrence sans s’intéressé à la vulnérabilité. De ce fait, les activités humaines étaient exclues de la cause de la survenance de ces aléas. Mais dès les années 1970, la géographie française met en relation cette vulnérabilité, mais aussi le risque et la notion de territoire et d’espace. Tous les territoires ne subissent pas les mêmes niveaux et la même intensité de risques, parce que les vulnérabilités, l’organisation spatiales et les constructions sont différentes.

La question de vulnérabilité nous invite à s’intéresser aux pratiques mises en œuvre pour prévenir et traiter cette gestion des risques dans le cadre des réglementations et des plans pour réduire par exemple l’urbanisation – Plan de Prévention des Risques –, la loi Littoral avec interdiction de bâtir dans une bande 100 mètres au bord du rivage. Toutes ces pratiques participent à réduire ces vulnérabilités.

Prise en compte de la représentation des usagers et des gestionnaires face aux risques dans les travaux de recherche

La sensibilité et la perception des risques varient en fonction des acteurs. Les différentes études de perception des risques mettent avant 3 types de vulnérabilité.

  1. La vulnérabilité structurelle – bâtiments, infrastructures – en distinguant une école, la poste ou une centrale nucléaire. Le traitement du risque sera différente selon la nature et la destination de l’infrastructure avec un niveau de priorisation.
  2. Le type de vulnérabilité fonctionnelle, comment un territoire continue-t-il de fonctionner, typiquement la circulation des biens, l’alimentation – référence au confinement durant la période du Covid.
  1. La vulnérabilité humaine avec une distinction entre les différents types d’humains – jeune, enfant, adulte, personne âgé – la vulnérabilité est différente.

Distinction avec l’approche géo historique 

En résumé, chez les géo-historiens, la vulnérabilité est avant tout l’exposition face à un aléa qui met l’accent sur les notions d’exposition et de sensible. Ils constatent que la vulnérabilité n’est ni fixe dans le temps, ni dans l’espace, elle évolue. La vulnérabilité au Moyen-Âge sur les communes littorales n’est plus la même qu’aujourd’hui. Ils observent aussi des facteurs de vulnérabilité d’ordre économique, technique et politique qui participent au processus de production du risque. En fonction de ces facteurs, la vulnérabilité peut être différente d’un territoire à l’autre. Enfin la vulnérabilité dans l’approche géo-historique ouvre la voie à la capacité à faire face qui introduit la notion d’adaptation.

Le concept d’adaptation

En ce qui concerne ce concept, il apparait au 8ème siècle, utilisé dans l’anatomie et la médecine et non dans le sens entendu aujourd’hui. Au XVIe et XVIIe siècles, le terme adaptation prend peu à peu le sens employé aujourd’hui mais en littérature et en philosophie. Cela renvoie donc à la transformation d’une œuvre. Au XIXe siècle, ce sont les sciences naturelles qui utilisent cette notion d’adaptation dans le sens d’une sélection, une acclimatation naturelle d’un organisme à son environnement en vue d’assurer sa survie. Le terme de « l’acclimatation » renvoie à l’idée de ce qu’on se fait aujourd’hui de l’adaptation. « En vue de sa survie » fait référence aux sciences naturelles qui étudient les écosystèmes.

Un transfert linguistique

Ainsi, dès la moitié du XXe siècle, on note un transfert linguistique entre l’anglais et le français du terme adaptation des sciences naturelles. Ce terme adaptation en France désigne des aptitudes humaines à faire face à des risques, la gérer et de la réduire. Mais cette adaptation est en fonction de certaines ressources qui peuvent être financière, physique ou psychologique qui sera différente selon les personnes et les espaces. L’adaptation invite aussi à mettre en place des stratégies de mesure en vue de réduire cette vulnérabilité. Toutefois, derrière ce terme, cela donne une impression négative de la vulnérabilité et que l’adaptation serait positive. On note une dichotomie entre les deux.

Résilience, un concept extrêmement polysémique

Comme l’illustre son étymologie latin re salire qui signifie sauter en arrière. Au Moyen Âge, cette reprise de l’étymologie re salire va donner la définition de résiliation, résilier un contrat, revenir à une situation antérieure avant la signature de ce contrat.

Puis, au XVIIe siècle, en Angleterre, la reprise de re salire est définit comme une réaction après un choc, c’est un bond mais avant. La France reprend le terme de l’anglais resilience et va le définir comme la capacité à se tenir droit. On perd quelque part le sens étymologique du mot résilience. Au début du XXe siècle, les États-Unis reprennent cette notion de resilience de l’Angleterre et vont l’appliquer au domaine de la physique des matériaux, notamment avec les travaux de Charpy. Il évoque les matériaux qui ont des capacités à résister ou à s’étirer, donc la capacité d’élasticité jusqu’au point de rupture. Ici, le sens diffère du sens du départ « sauter en arrière ».

Par ailleurs, en psychologie, les travaux de Bowlby, Garmezy et Wagner étudient le traumatisme subi par les enfants durant la Seconde Guerre mondiale et définissent la résilience en psychologie par la capacité à affronter un traumatisme et de se reconstruire après celui-ci. Cela introduit une nouvelle notion, la reconstruction.

Enfin, dès les années 1970, le terme résilience est utilisé en écologie avec la capacité d’un système à absorber les perturbations, à évoluer tout en conservant les mêmes fonctions. ainsi, adaptation et résilience n’ont pas le même sens.

La résilience ne mobilise pas les mêmes capacités et les mêmes capabilités

Finalement, selon le domaine étudié, la résilience ne mobilise pas les mêmes capacités ou les mêmes capabilités, c’est-à-dire les potentiels de capacité. Cela peut mobiliser des notions et des idées de la résistance, d’absorption,  de stabilité, de récupérer, de reconstruire, de s’adapter, et de durabilité. On constate donc qu’une approche globale de cette notion de résilience conduit à des contradictions.

Ainsi, on peut se questionner entre absorber ou résister ? s’adapter ou reconstruire sauf que lorsqu’on a cette approche en géographie des risques, on va s’intéresser à l’économie, à la psychologie, à la manière dont les habitants ont fait face à une catastrophe, et à leur capacité de rebondi ou non. Cela conduit à s’intéresser à tous les aspects physiques des matériaux notamment les ouvrages de protection.

Tentative de définition de la résilience en géographie

On peut donc dire que c’est la capacité d’anticiper l’événement, à faire face pendant – soit par la résistance ou l’absorption – et à récupérer ces fonctions en s’adaptant et en apprenant de cet événement. L’apprentissage est cruciale, c’est ce qu’on appelle la culture du risque. Anticipez l’événement relève de la prévision, la préparation et de la prévention.

« Cela comprend tous les systèmes d’alerte et comment culturer la population à réagir comme il se doit face à un aléa ? »

Cependant, la résilience est vue comme un état recherché. Cela renvoie donc à la gestion de crise lorsqu’on vit une situation de crise. Cela peut être considéré comme un processus qui s’étend sur temps long. A ce propos, on peut donc s’interroger sur l’organisation de la gestion du risque d’inondation à Paris par exemple. En psychologie, cela est considérée comme une force pour les personnes qui sont capables de surmonter un traumatisme.

Aujourd’hui, la résilience vue comme un discours

Par contre, aujourd’hui, à chaque événement, les prises de parole de politique insiste sur le fait que « nous allons être résilient ». Que-ce cache-t-il derrière cette notion ? Dans ce discours, ce qu’on entend :

  • est-ce la résilience en psychologie ?
  • entend-on ici une résilience plus globale dite territoriale ?
  • cela correspond-il à une résilience économique ou sociale ?
  • s’agit-il encore d’une résilience d’un point de vue structurelle et fonctionnelle ?

A ce titre, certains chercheurs notamment Samuel Ruffa et Magali Reghezza soulignent que cette notion de résilience est peut-être avant tout un discours, l’appliquer en tant que tel est très difficile. Lorsqu’on fait de la recherche sur cette notion, il est important de définir cette résilience :

  • dans quel domaine on l’étudie ?
  • quelles sont les capacités qu’on cherche à mettre en avant ?

Des échelles de gravité et des dommages

On constate que le risque est un aléa et un enjeu, c’est la définition la plus simple. Il existe d’autres définitions plus complexes. Parfois dans enjeu, il y a la notion d’exposition et de sensibilité. Parfois s’ajoute les notions d’adaptation et de résilience qui sont facteurs de l’aléa. La création d’échelle de gravité et de dommages permet d’identifier les vulnérabilités, les enjeux qui ont subi un aléa. C’est le passage d’une échelle d’incident à une échelle de catastrophe majeure, créée en 1999.

Elie Chevillot-Miot propose de créer une nouvelle échelle, celle de la catastrophe extrême ou catastrophe absolue. Cela permettrait d’évaluer une situation de crise où une société perd tout, il n’y a plus d’organisation, voire même la disparition du territoire. Lorsqu’on parle du réchauffement climatique, sur certains territoires c’est déjà le cas. Des îles disparaissent, des populations doivent quitter leur territoire, c’est la migration.

L’échelle de gravité des dommages

Cette notion pose question parce qu’il n’y a pas de notion d’échelle. L’échelle de gravité de de catastrophe majeure représente mille morts et plus, et trois millions et plus de dommages. Or, Si une catastrophe majeure a lieu à Paris,  1000 morts et plus ne représentent pas la même perte si la catastrophe est à Saint-Dié-des-Vosges. Ce n’est pas la même ampleur des dommages. C’est ce qui manque parfois lorsqu’on observe des échelles de gravité des dommages qui ne prennent pas en compte cette notion d’espace.

Les risques peuvent être de tout ordre

On parle de risque quotidien, mais qu’est-ce qu’n risque au quotidien ? Est-ce les risques ménagers ? C’est un champ vaste qui englobe tout type d’accidents et de risques – une foulure, une crise cardiaque, une intoxication au gaz, le risque d’inondation, sismique, volcanique, nucléaire, chimique ou cyber.  En 2016, le ministère de l’environnement a fait une identification des risques. Certains pictogrammes n’existaient pas notamment le risque cyber, qui aujourd’hui prend énormément d’ampleur.

En géographie, distinction entre aléa naturel et aléa anthropique

Dans l’aléa naturel on fait une distinction entre :

  • risque géologique,
  • risque hydrologique,
  • risque météorologique
  • risque climatique

Aujourd’hui, dans les diverses prises de parole sur le changement climatique, on entend parler de risque climatique. Toutefois, il y a un amalgame avec les risques cycloniques et les risques d’inondation par exemple. Or, le risque climatique s’évalue sur des dizaines milliers d’années, alors que le risque météorologique, c’est de l’ordre de quelques jours à quelques semaines. En effet, le risque climatique n’est pas sur la même échelle de temps que celui du risque météorologique.

Typologie des risques

C’est à partir de l’expertise d’un consultant en gestion des risques pour les entreprises qu’on a pu identifier 126 risques. Cette typologie est intéressante pour Elie Chevillot-Miot car il fait émerger le risque d’ingérence économique, peu présent dans les discours et les médias.

Qu’est-ce que le risque ?

  • C’est une entreprise qui va être attaquée de manière directe ou indirecte.
  • Le rachat est fait dans de fragiliser l’entreprise pour qu’elle d’effondre, c’est l’espionnage industriel.

En France de nouveaux organismes publics sont créés et sont centrés sur la sécurité économique pour éviter que le pays soit pillé et plus particulièrement les entreprises et les start-up sur les technologies numériques.

Étude de cas n°1

Traitement du premier concept sur la vulnérabilité

Contexte de travail

Elie Chevillot-Miot participe à un travail de recherche avec Axel Creach, maître de conférence à l’Université de Brest, et Denis Mercier, professeur à Paris-Sorbonne. Suite à une commande reçue par l’université de Brest, des travaux de recherches vont être mené sur la tempête Xynthia, un an après son passage. La commande consiste à évaluer la vulnérabilité du bâti sur l’île du Noirmoutier qui échappe de justesse au passage de la tempête. Au regard des dommages matériels et les pertes humaines survenus sur l’île d’Oléron, l’île de Ré et à la Faute-sur-mer, cela a suscité l’inquiétude de la municipalité.

La première mission est d’identifier le bâti avec les données de l’IGN, parcellaires et bâtis, la cartographie, avec la prise en compte de la topographie de la ville.  Les ¾ de l’île du Noirmoutier sont situés sous le niveau des plus hautes mers. Protégée par un cordon dunaire sur sa façade Ouest et des digues sur sa façade est. Sur sa façade Est, se trouve la baie de Bourgneuf.

Constat après retour d’expérience

Les effets de baie avaient tendance à faire réaugmenter davantage le niveau de la mer puisque les vagues une fois dans la baie, elles sont coincées et participent à faire augmenter la montée du niveau d’eau. C’est ce qu’on appelle les effets de site. L’étude permet d’obtenir la hauteur d’eau par chacun des bâtis, des hauteurs d’eau maximales. La dynamique de la submersion marine ou son écoulement n’ont pas été prise en compte.

On constate qu’il y a un certain nombre de bâtis avec des hauteurs d’eau supérieures à 50 centimètres. Il faut savoir qu’une hauteur d’eau à partir de 50 cm, représente un risque avéré où la vulnérabilité est non négligeable. Ainsi, les enfants et les personnes âgées sont soumises d’autant plus à la vulnérabilité à cette hauteur d’eau. À plus de 2 mètres d’eau représentant la hauteur de plafond, c’est le risque de mort.

La typologie architecturale

Sur le littoral Atlantique la typologie architecturale mise en place est le plain-pied. Avec des hauteurs d’eau de 2 mètres, des personnes sont restées piégées lors de la tempête Xynthia sans fenêtre de toit. Les recherches ont identifié des étages refuges représentant une petite surface supérieure à la maison pouvant servir de refuge. Enfin, on a constate des maisons à étage. Toutefois, elles sont localisées dans l’ancien bourg, sur les parties les plus hautes. Par conséquent, les maisons de plain-pied étaient dans les parties les plus basses et les plus récentes.

Mixage des paramètres : cartographie du bâti et typologie architecturale

Cela a permis de concevoir une cartographie de la vulnérabilité des bâtis face au risque de submersion Marine. Cette évolution de l’habitat sur l’île de Noirmoutier est identique sur toute la façade Atlantique. On note un accroissement de l’urbanisation dès les années 1950 qui font référence au premier congé payé qui entraine le développement touristique qui s’est accentué au fur et à mesure. Aujourd’hui, il est prépondérant, c’est l’activité principale de ces communes, alors qu’avant c’était la pêche, les cultures salicoles, les marais salants.

L’étude permet de faire un constat qui montre une inadaptation des constructions. Ainsi, dans la commune de l’Épine, on comptabilise 1056 maisons de plain-pied, avec des hauteurs d’eau supérieures à 1 mètres, ce qui correspond à 30% de la commune. Le travail de recherche a été mené sur l’ensemble des communes de l’île de Noirmoutier, ainsi que sur la Faute-Sur-mer, l’Aiguillon-Sur-mer, et sur Charron en Charente-Maritime.

Un travail précurseur

Présenté aux secours départementaux d’incendie et de secours de Vendée et de Charente-Maritime. ils ont repris la méthode, puis ont réalisé tout un travail d’identification des habitations à chaque intervention pour les répertorier dans leur base de données de  système d’information géographique. Cela permet aujourd’hui de mettre en place des mesures préventives d’alerte des populations concernées par un risque de submersion afin de les évacuer si nécessaire.

Cette étude fût très mal accueillie au départ, mais aujourd’hui, on note du progrès. En effet, l’étude de ces cartes a été reprise dans le plan de prévention des risques littoraux de l’île du Noirmoutier. D’ailleurs, la Communauté de communes de l’île de Noirmoutier accompagne les habitants extrêmement vulnérables – avec des hauteurs d’eau supérieure à 1m50 et qui sont de plain-pied – à réaliser des travaux d’adaptation.

Étude de cas n°2

Les concepts d’adaptation et de résilience

Travaux combinés des thèses d’Elie Chevillot-Miot et d’Emmanuelle Athimon

C’est à partir d’un essai d’une analyse diachronique que E. Chevillot-Miot et E. Athimon ont tenté de montrer l’évolution de ces territoires, des pratiques, et des représentations de la population de Charente-Maritime face au risque de submersion marine.

Aussi, le premier travail est basé sur l’observation par l’utilisation du site d’IGN « Remonter le temps » qui propose une base de cartographie, d’images satellites, des cartes de Cassini, et des photos aériennes satellites. Le binôme s’est aussi appuyé sur les travaux de recherche de Thierry Sauzeau, historien à l’Université de Tours dont le travail porte sur les territoires littoraux et maritime.

Les données montrent que le territoire de la Charente maritime a évolué, ainsi que son activité économique.  Les activités dominantes portaient sur la pêche et de marais, évoluant vers l’industrie durant la période de la révolution industrielle, avant le développement touristique.  Les images montrent un territoire extrêmement urbanisé.

Enquête de terrain à partir de récits de vie

Une enquête de terrain permet de récolter des récits qui racontent un territoire. Dans le cadre de sa thèse, d’Elie Chevillot-Miot s’est intéressée à comment les gens faisaient face avant, pendant et après un événement de tempête et de submersion marine. Elle a mené un travail d’enquête de terrain invitant la population cible à raconter leur histoire au travers leurs activités professionnelles et personnelles.  Au cours de ces récits, ces personnes ont fait appel à des capacités en psychologie, notamment en physique des matériaux ou en économie.

Le point de départ commence par l’évocation des tempêtes Lothar et Martin de 1999. Certaines personnes avaient vécu aussi Xynthia, et les nouveaux arrivant ne l’avaient pas vécu. L’évocation des tempêtes hivernales de 2013 et 2014 montre la persistance du traumatisme de Xynthia où le moindre coup de vent faisait remonter des peurs. Elie Chevillot-Miot insiste sur le fait que la mémoire de Xynthia est encore très présente encore aujourd’hui. En 2023, Xynthia n’a pas été oublié, cela montre que la culture du risque opère, car maintenue et gardée en mémoire.

Résilience territoriale :  qu’est-ce que c’est ?

En résumé, on peut dire que ce sont des résiliences individuelles et collectives qui constituent cette résilience dite territoriale. Mais cette résilience après la tempête Xynthia est à diverse temporalité. Personne ne s’est remise au même moment et de la même manière. On constate à la fois une adaptation temporaire, fonctionnelles et matérielles.

Le monde agricole a dû faire face à des terres submergées et contenant du sel. La culture du blé n’était plus possible malgré le gypsage de leur terre. Ils ont adapté leur pratique en plantant de l’orge pendant 3 à 5 ans. Lorsque la teneur en sel est revenue à un taux minimal, la culture du blé a repris car plus rémunérateur. Les services de secours d’incendie ont réorganisé leurs actions pour pouvoir intervenir le plus rapidement possible. Au niveau matériel, ils font la demande de véhicules beaucoup plus hauts de manière à pouvoir circuler sur une hauteur d’eau supérieure à 50 centimètres.

Toutefois, en matière de de reconstruction se pose que question de l’adaptabilité. en effet, certains ont reconstruit comme avant et puis d’autres ont mis un étage supérieur, avec une zone refuge. Cela peut permettre se de mettre à l’abri et éviter les pertes humaines survenues à la Faute-Sur-mer faisant 29 victimes mort de noyade.

Des reconstructions d’ouvrages de protection pour mieux résister.

A ce sujet, sur ces territoires les ouvrages n’avaient pas vocation à protéger l’urbanisation. C’étaient des digues pour assécher les terres – des polders – pouvoir cultiver mais en aucun cas pour protéger des habitations. Aujourd’hui, ces digues ont été rehaussées et confortées de manière à véritablement protéger ces urbanisations.

Toutefois, il y a des réflexions sur ces ouvrages de protection qui sont très coûteux et demandent des entretiens réguliers. C’est un coût pour la commune, mais aussi pour les habitants puisqu’ils y participent au travers des impôts et des taxes. Une réflexion émerge :

  • doit-on continuer à résister à ces phénomènes de submersion marine ?
  • doit-on l’accepter et de ce fait, reculer et abandonner ces espaces.

Ce de fait, on accepte de laisser à nouveau des zones humides et des marées maritimes qui ont cette capacité à absorber les vagues.

« Faire reculer la population n’est pas facile »

De l’aveu de d’Elie Chevillot-Miot,  en effet, plusieurs projets sont en cours sur le littoral atlantique. Il n’est pas aisé de faire accepter de reculer, de partir de chez soi, c’est complexe. Ainsi, sur la commune de Ault, on constate de l’érosion sur des falaises. En effet,  au départ, les habitations concernées avaient 5 à 6 rues devant eux. Désormais, ces rues n’existent plus, et elles laissent place à la falaise, le vide en bout de jardin.

En dépit de cela, ces habitants refusent de partir, ils veulent rester. Comment fait-on ? Malgré de nombreux dialogues et de prévention, les autorités ne peuvent pas forcer les propriétaires à partir. Toutefois, le jour où une catastrophe se produit, doit-on envoyer les services de secours ? Les envoyer c’est aussi les mettre en danger quelque part.

Travail d’historien et la culture du risque

Pour les secteurs ostréicole et agricole, des professionnels se souvenaient de submersion marine dans les années 1960-1970, car il existe encore une transmission des savoirs et des connaissances des anciens. Cette transmission est importante car elle permet de se rappeler que Xynthia n’était pas la première fois, qu’il en y a eu d’autres. Lothar et Martin n’étaient pas non plus les premiers. Le travail des historiens est extrêmement important à travers les archives et la documentation, il montre que le littoral français atlantique a subi un nombre important de submersions marines et de tempêtes.  La concomitance entre tempête et submersion marine n’est pas exceptionnelle.

Une gestion intégré des risques : la résilience des uns ne fait pas nécessairement la résilience des autres

On peut remarquer que lorsque certaines communes mettent en place des ouvrages de protection, la commune localisée plus au Sud va subir les ouvrages mis en place plus au nord. En effet, ces ouvrages bloquent le sable et sédiments qui alimentent les plages. De ce fait,  plage inférieure au Sud reçoit plus de sédiments, cela participe à l’ érosion des plages. On note donc différentes échelles de gestion :

  • au niveau communale,
  • au niveau de l’intercommunalité.

Cependant, il faudrait une gestion plus globale qui permettrait de les emboîter et aller vers une gestion intégrée de ces risques.

« Il ne faut pas se focaliser sur un territoire sur une échelle, mais il faut monter du local au global ».

Combinaison de savoirs et de connaissances

D’après les travaux d’Emmanuelle Athimon et d’Elie Chevillot-Miot sur une période de 600 ans, face aux risques de submersion marine :

  • des mesures ont été perdues,
  • d’autres ont peu évolué,
  • des mesures ont été gagnées,
  • et des mesures nouvelles ont apparu.

En termes de mesures perdues, le constat est la réduction de la vulnérabilité matérielle. Il y a 600 ans, les habitations étaient surélevées, le rez-de-chaussée n’était pas occupé, on vivait à l’étage. On note aussi le recul stratégique débours, à l’époque du Moyen-Âge, il n’y avait aucune commune au bord de la mer. Ainsi, la commune de Bouin en Vendée située dans la baie de Bourgneuf, au Moyen-Âge, c’était une île. Il y avait une organisation sociale spécifique, c’est-à-dire l’acculturation du risque de submersion marine. Il était intégré dans le quotidien puisque les gens vivaient avec la mer.

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, on ignore les coefficients de marée par exemple. Ce qui conduit à voir régulièrement des personnes coincées sur le passage du gois de l’île du Noirmoutier par exemple.

En termes de mesure analogue, c’est la solidarité, encore présente. Avec Xynthia, on a noté une forte solidarité professionnelle à l’échelle de la commune et du département. Par ailleurs, un partage des connaissances vernaculaires persiste, mais qu’on peut constaté davantage par le biais professionnel que personnel. Les ostréiculteurs racontent les histoires des anciens ainsi que les agriculteurs. Toutefois, ce n’est pas le cas dans les secteurs tertiaires.

Les systèmes d’alerte et de secours

A l’époque du Moyen-Âge, l’observation est primordiale, on observe le ciel, le comportement des oiseaux, ainsi que des espèces en mer. Lorsqu’on constate des agitations, on en déduit qu’il se prépare quelque. Aujourd’hui, en termes d’observation, on a des outils tels que les marégraphes et les satellites. Au Moyen-Âge, il en existait, toutefois on ignore encore son organisation. Les historiens savent qu’il y avait des gens qui savaient nager et venaient au secours des personnes.

Aujourd’hui, les secours sont extrêmement bien organisés et informés. En terme de mesures gagnées, cela passe par la formalisation et la gestion de crise avec une très bonne organisation à tous les échelons, avec le dispositif orsec. De l’échelle de du maire jusqu’à la cellule interministérielle de crise à Paris où échelonnement vertical fonctionne très bien. Cependant subsistent encore  des « couacs » au niveau horizontal.

Conclusion : la géographie le lien entre les autres disciplines

On constate que la gestion des risques ne fait pas appel seulement au domaine de la géographie mais à d’autres disciplines également. De ce fait, la géographie est peut être l’agent de liaison entre les autres disciplines afin de permettre cette approche de gestion intégrée des risques. En effet, c’est une discipline qui sait prendre en compte toutes les échelles spatiales mais aussi temporelles. Ainsi, la géographie permet d’avoir un regard sur ce qui s’est passé hier ou il y a 10 000 ans. Cela permet de modéliser les changements climatiques qui s’opèrent.

Par conséquent, Elie Chevillot-Miot termine par une référence à son directeur de thèse Denis Mercier. Ce dernier a coordonné un ouvrage au bulletin de l’Association des géographes français. Il a su mettre en avant, au travers des différentes recherches publiées que la géographie peut sauver des vies. l’objectif de la première étude de cas était de montrer cette vision de Denis Mercier de la géographie au service des personnes.

Outils et pistes au collège au lycée :

 Boite à risques

Le ministère de la transition écologique a développé ce jeu qui est une manière ludique de travailler sur les notions de risque, de vulnérabilité, d’adaptation et de résilience. Il en existe deux, sur le feu de forêt et sur le risque d’inondation. Ce sont des énigmes à résoudre et conduisent à des réflexions :

  • comment fait-on face à ce type de risque ?
  • comment peut-on mettre en place en termes de prévention, de kit d’urgence ?

Des jeux gratuits, toutefois, il y a peu d’exemplaires disponibles, toutefois, il y a tous les éléments nécessaires à disposition, téléchargeable pour la construire soi-même.

La Fresque du climat

Un jeu tout public, avec la possibilité d’être formé et à son tour être formateur à « La fresque du climat ». Cela se développe dans les entreprises notamment.  Une version junior simplifiées permet de questionner le réchauffement climatique : quelles sont les causes et quelles sont les conséquences ?

Ouragame

Cet atelier porte sur toute la phase post ouragan :

  • comment on reconstruit un territoire insulaire après le passage d’un ouragan ?

Un jeu développé par les étudiants de Montpellier dans le cadre d’un projet de recherche T-REX à la suite des ouragans Irma, José et Maria en 2017 dans les Antilles françaises. C’est un jeu à destination de collège et lycée, c’est une manière de traiter la phase post catastrophe en questionnant sur la façon de faire face, de reconstruire, doit-on reconstruire comme avant, ou est-ce qu’on reconstruit en mieux en s’adaptant ?