Catherine Pégard est présidente depuis 2011 du château de Versailles, ou plus exactement de l’Établissement public de château, du musée et du domaine de Versailles. En tant qu’ancienne rédactrice en chef du journal Le Point et conseillère de Nicolas Sarkozy en 2007, elle dispose d’une expérience professionnelle très large qui ne peut qu’intéresser des lycéens de spécialité HGGSP, dont la plupart se destine aux métiers des médias, aux sciences politiques et aussi aux carrières du patrimoine. C’est dans ce cadre que le lycée de La Vallée de Chevreuse (Gif-sur-Yvette, 91) a eu l’honneur de recevoir Catherine Pégard pour une heure d’entretien avec les élèves, le 14 mars 2023.

Le projet pédagogique du « Salon géopolitique du LVC »

Cette conférence s’inscrit dans un projet pédagogique dit « Le Salon géopolitique du LVC » (LVC=Lycée de la Vallée de Chevreuse) qui permet à des lycéens en HGGSP de rencontrer des acteurs majeurs de notre temps en lien avec les programmes de la spécialité. Les lycéens doivent en début d’année sélectionner les personnalités possibles. Puis ils doivent réfléchir à la façon la plus adaptée de contacter ladite personnalité.

Par exemple, dans le cas de Mme Pégard, en plus de la lettre d’invitation envoyée par le professeur, en l’occurrence moi-même, les élèves ont préparé une invitation qui reprenait les usages de la cour de France. Une fois l’invitation acceptée, un petit groupe d’élèves dont les projets d’orientation correspondaient aux champs d’expertise de l’invitée (patrimoine, journalisme, sciences politiques) s’est occupé de préparer des questions. Lors de la conférence, ces mêmes élèves ont dirigé l’intégralité de l’échange, depuis l’accueil du public jusqu’à la gestion du diaporama.

Un autre groupe d’élèves, qui avec l’HGGSP étudiait le cinéma, a pris en charge la captation de la conférence ; tandis que d’autres élèves ont rédigé un compte-rendu écrit et pris des photographies. En somme, pour une conférence, ce sont une dizaine d’élèves qui se trouvent au travail, sachant que nous prévoyons un volume de trois conférences par an qui permet d’impliquer l’ensemble de la classe.

La conférence filmée (accès réservé aux adhérents)

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Le compte-rendu de la conférence

Ce compte-rendu a été rédigé par Lola Duchêne et Loïs Nguyen. Les élèves qui ont interviewé Mme Pégard étaient : Camille Besnard, Lili Carretero, Cléa Déchalotte, Héloïse Miralles et Natalie Materna.

Le parcours professionnel de Catherine Pégard

Sur le plan professionnel, à quoi rêviez-vous quand vous aviez notre âge ?

À votre âge, je savais déjà très bien ce que je voulais faire, depuis l’âge de 10 ans je voulais être journaliste. Mon institutrice m’offrait des rédactions supplémentaires à faire, en guise de récompense et mes parents me disaient que c’était le plus beau cadeau du monde. J’ai été journaliste pendant 30 ans et j’ai commencé à peu près à votre âge à faire des stages dans la presse. Pendant les vacances, j’allais travailler dans le journal local du Havre, cela a été très formateur et ça m’a aidé pour mon métier futur.

En arrivant à Versailles en 2011, comment avez-vous réussi à surmonter, sur le plan professionnel et personnel, la transition qui vous faisait passer du monde politique au monde culturel ?

La grande transition a été de quitter le journalisme pour aller travailler au cabinet du président de la république. Je suis partie travailler de l’autre côté du miroir, avec les politiques en arrêtant de les observer. Le président m’a proposé de prendre la présidence du château de Versailles : pour moi, c’était un grand saut dans l’inconnu, car avant je travaillais dans petites équipes. Lorsque j’ai voulu être journaliste, au début de ma carrière mon rêve était de travailler dans le domaine de la culture ce que je réalise actuellement.

Le regard de Catherine Pégard sur le château

En arrivant au château, quel était votre diagnostic sur les besoins du site ?

Quand je suis arrivée en 2011 au château, je n’y connaissais pas grand-chose, ce qui m’a d’ailleurs été reproché. Je dois même vous avouer que je n’avais pas beaucoup travaillé avant d’arriver au château. J’ai donc attendu d’y être pour m’immerger complètement. J’ai essayé de comprendre d’abord où j’étais, avant d’avoir des idées toutes faites sur ce que je devais faire.

Il y a presque 1000 personnes qui travaillent au château, c’est presque 100 métiers différents. Mon premier travail a été d’aller les voir dans leur service et d’essayer de savoir toutes les tâches auxquelles ils étaient confrontés et auxquelles j’allais moi-même être confrontées. À partir de là, je me suis fait mon idée de ce que devait être mon travail et ma mission.

J’avais une mission très large : ma première mission était d’ouvrir le château de Versailles à tous les publics. Moi je pensais que la force du château de Versailles était le château de Versailles. Ce qui comptait, c’était de l’ouvrir sur le monde : ouvrir le lieu pour qu’il soit en bon état et pour être ouvert, il faut donc l’entretenir. Ce château c’est un chantier permanent parce que tous les jours, il y a quelque chose à faire d’urgent pour le restaurer. Il faut donc le rendre attrayant pour que le public vienne. Il faut que tous ceux qui viennent à Versailles aient envie de revenir. D’ailleurs nous fêtons le 400ème anniversaire de Versailles cette année.

Quel est votre endroit préféré dans le château et dans le jardin ?

Mon idée change à peu près tous les jours car je découvre tous les jours quelque chose de différent. En effet il y a plus de 2300 pièces et il m’arrive encore aujourd’hui de découvrir des endroits que je ne soupçonnais pas. Il y a aussi des lieux qui permettent de retracer ou imaginer la vie qui était celle de ceux qui ont fait Versailles. C’est une émotion particulière de se trouver là où se tenait la royauté.

Le château est confronté comme tout site patrimonial à de nombreux défis. Quels sont les principaux que devra surmonter le château dans les dix années à venir ?

On ne peut pas anticiper beaucoup l’actualité. Est-ce qu’on aurait pu dire qu’en 2019, le château de Versailles allait fermer ses portes en 2020 à cause du covid ? Il faut essayer de toujours maintenir ce grand patrimoine, faire en sorte qu’il ne s’abîme pas davantage, et qu’il embellisse pour les générations à venir. On s’inscrit dans une longue histoire avec des étapes et nous sommes à l’une de ces étapes. Il faut faire des choses qui ne vont pas entamer l’avenir pour nos successeurs et donc récupérer des forces pour ce château.

Il faut maintenant regarder l’avenir et l’avenir immédiat ce sont les jeux olympiques. Il faut qu’on continue à donner l’envie aux autres d’aller à Versailles, et au fond il faudrait vous demander à vous, jeunes lycéens de ce que devra être Versailles plutôt qu’à moi. On pourrait ajouter de la musique, faire plus de soirée électro par exemple.

Paradoxalement, il ne faut pas regarder dernière nous mais devant nous !

Le château de Versailles, un écrin politique et diplomatique

Le château a des liens très étroits avec nos institutions républicaines. Est-ce une opportunité ou un risque pour le château ?

Cette vie diplomatique et politique est inscrite directement dans l’histoire du château. Louis XIV l’a voulu comme cela : c’était un lieu de pouvoir politique avec un rayonnement à la fois culturel, politique et diplomatique sur l’Europe. Les rois voulaient assurément rayonner sur le monde qui les entoure même s’il y a eu des hauts et des bas. Versailles a toujours accompagné la vie de la France.

Par exemple, François Hollande a organisé la visite du président chinois Xi Jinping, et depuis que le président Emmanuel Macron est au pouvoir il a conscience que c’est un outil très important de rayonnement diplomatique. Pour les grands chefs d’États et pour les grands patrons étrangers, venir à Versailles c’est être honoré par la France et c’est voir quelque chose qu’on ne voit pas ailleurs. L’année dernière, j’étais assise à côté d’un chef d’entreprise américain très important, qui est allé partout dans le monde et qui m’a dit que le dîner à Versailles était une merveille. Versailles dans l’esprit de nos visiteurs est le lieu où il faut être reçu. La diplomatie culturelle est donc une façon de parler autrement de son pays.

Quelle serait la situation la plus mémorable que vous aimeriez partager ?

Il y en a toujours mais on a tendance à rapidement les oublier. Quand Vladimir Poutine est venu, la veille au soir on s’est aperçu qu’on n’avait plus de livre d’or au château de Versailles : il a fallu aller en acheter un en vitesse ! Mais il y a plein de petites choses qui arrivent au dernier moment qu’on ne peut pas prévoir. Il faut avoir l’œil à tout, et il n’y a pas de petit ou de grand problème. Il faut être disponible pour tous ceux qui y viennent autant pour les lycéens que les grands chefs d’État par exemple.

Quel conseil donneriez-vous à des lycéens comme nous, pour notre poursuite d’étude et notre future carrière professionnelle ?

Je suis mal placée pour y répondre, en effet ma vie fait que je n’ai pas suivi le cursus normal. J’ai continué mes études le plus longtemps possible même si je les ai arrêtées pour devenir journaliste. Moi, j’ai eu beaucoup de chance car je suis d’une autre génération que vous, on avait moins de difficulté à trouver du travail et le poids de nos études était un peu moins lourd.

Je dirais qu’il ne faut surtout pas perdre de vue, que peu importe les études que l’on fait, il faut qu’elles nous plaisent. Il faut avoir un but et se demander quel est le chemin pour y parvenir, même si cela est compliqué. J’ai eu la chance d’avoir tous les jours l’envie d’aller à mon travail et cela depuis dix ans. Cela ne s’apprend pas dans les livres mais dans l’envie qu’on a de faire ce que l’on fait.