Titulaire d’un doctorat sur le rôle des technologies de l’information et la communication dans les conflits asymétriques, Mme Iole de Angelis a présenté les différentes approches mises en œuvre au niveau européen, face aux grandes puissances solidement installées dans l’exploitation de l’espace à des fins militaires.

La présentation de l’intervenante a été particulièrement réussie, en raison de sa précision et de sa clarté qui a permis au public de bien mesurer les enjeux, non seulement technologiques, mais également, peut-être même surtout géopolitiques, de la maîtrise de l’espace dans le domaine de la sécurité et de la défense.

Il convient de rappeler ce qu’est l’espace extra–terrestre, plus exactement extra-atmosphérique, en rappelant que les différents satellites évoluent sur des orbites différentes. De l’orbite basse entre 200 et 800 kilomètres d’altitude, à l’orbite géostationnaire, à 36 000 km, en passant par l’orbite moyenne entre 1000 et 20 000 kilomètres d’altitude.

Chacune de ces orbites obéit à des finalités différentes, et sur chaque lancement de satellites, il peut y avoir une fonction sécuritaire, mais également une application militaire. La télédétection, avec les orbites basses s’inscrit parfaitement dans cette logique, tout comme la navigation, avec les orbites moyennes.

On abordera également l’orbite spécifique utilisée par les satellites soviétiques, puis russes, appelée Molnia. Sa trajectoire particulière s’explique par l’absence sur le territoire russe de position de lancement proche de l’Équateur.

L’espace extraterrestre répond à des objectifs extrêmement variables, comme les communications de données et d’images, et les satellites peuvent répondre à différents objectifs, la prévention des crises, comme les risques naturels ou technologiques, mais également leur gestion. Dans ce domaine la dimension en termes de sécurité et de défense est évidemment à prendre en compte.

La question posée est évidemment celle, pour la construction européenne, de l’autonomie stratégique dans ce domaine.

Tous les domaines d’intervention relèvent à la fois du civil et du militaire, avec les satellites météo ou de navigation, d’observation et d’écoute, d’alerte et même d’océanographie.

Iole de Angelis a très clairement choisi d’aborder cette question sous l’angle militaire, en précisant les trois dimensions de la réflexion à avoir sur l’espace extraterrestre :

  • La militarisation
  • L’arsenalisation.
  • La guerre spatiale.

L’espace s’inscrit bien comme un espace de bataille à part entière, pouvant d’ailleurs interagir sur les autres, de même que des troupes au sol, des aéronefs, des navires de surface ou des sous-marins dépendent largement des technologies spatiales pour mener à bien leurs missions.

La menace spatiale, et par voie de conséquence la guerre, à propos de l’espace, plutôt que seulement dans l’espace, s’inscrit sur différents terrains.

Le segment au sol, les installations de lancement, les satellites qui peuvent être pris pour cible, et peut-être plus encore, la menace sur les liaisons et les systèmes de gestion des informations.

L’intervention sur les hommes Huwar, pour humanwar pouvant être complétée par la techwar, l’action contre les capacités, le software, les systèmes et les infrastructures.

La menace contre le segment sol se décline en actions de guerre ou de terrorisme contre les installations qui permettent le contrôle des satellites et la réception des informations qu’ils fournissent. Différents scénarios ont pu être envisagés, expérimentés pour intervenir directement contre les satellites eux-mêmes.  Dans les années 70,1 dispositif américain avait été imaginé pour projeter de la peinture sur les objectifs des satellites soviétiques, afin de les aveugler. Difficile de ne pas penser à certaines actions de ce type contre les radars détecteurs d’excès de vitesse !

Un lanceur qui n’a pas encore quitté l’espace atmosphérique peut être également vulnérable, certains dispositifs ont également été testés pour cela.

La menace qui suppose le plus de moyens, mais peut-être la plus difficile à combattre pèse sur les liaisons et sur les systèmes de gestion de l’information. À cet égard, il est possible de s’interroger sur les conséquences de la numérisation de l’espace de bataille, et de la dépendance des dispositifs à l’égard des technologies installées dans l’espace.

 

Les systèmes peuvent évidemment, comme dans la logique du glaive du bouclier s’inscrire avec différents moyens. La redondance, le durcissement, les mesures de protection électromagnétiques, font partie des dispositifs utilisés.

Les différents types d’armes employées relèvent à la fois du hard kill et du soft kill, comme les armes à énergie dirigée, les armes nucléaires, et les dispositifs de guerre électronique.

Comment l’Europe est-elle aujourd’hui positionnée ?

Le programme Copernicus est un programme civil d’observation de la Terre dont la mission est de recueillir des données sur la terre grasse des satellites et des capteurs sur terre, dans le cielR. Ce dispositif est géré par la commission européenne, l’infrastructure satellitaire par l’agence spatiale européenne, les capteurs sont mis au point par l’agence européenne pour l’environnement et les états membres. Cela existe également dans le domaine de la météorologie avec EUMETSAT.

Pour ce qui relève de la navigation par satellite, Galileo termine actuellement son déploiement, et les obligations sont de même nature que le GPS. Ce dernier avait une finalité militaire, avant de devenir une référence en matière d’application civile grand public.

Si dans le domaine civil l’Europe a réalisé des avancées considérables, elle ne semble pas avoir de programme de guerre spatiale ni de politique commune dans ce domaine. Toutefois, une politique capacitaire sur les applications militaires de l’espace se développe, mais dans le cadre des états membres.

L’agence européenne de défense, la structure de coopération permanente dite Pesco a développé un certain nombre de projets, permettant d’envisager différents dispositifs, comme le maintien de liaisons entre gouvernements, y compris en situation extrême, ou encore le « rechargement » des satellites, leur permettant d’évoluer. L’agence européenne de défense semble être amenée à devenir le coordinateur intergouvernemental pour la planification capacitaire.

Pour ce qui concerne l’agence spatiale européenne, en raison de l’article un de son traité, elle ne semble pas en mesure d’intervenir sur les questions de sécurité de défense. La question qui se pose sera d’envisager une évolution, mais sur des questions sensibles et notamment les systèmes de transmission devenues essentielles dans les armées, il y a de fortes chances que les priorités stratégiques soient prises en compte au niveau des états nations, davantage qu’à l’échelle européenne.