Dominique Blanc se forme au cours Florent. En 1981, Patrice Chéreau lui offre un rôle dans Peer Gynt d’Ibsen, début d’une collaboration au cinéma où elle jouera dans La Reine Margot et Ceux qui m’aiment prendront le train (elle obtient le César de la meilleure actrice dans un second rôle), mais aussi au théâtre notamment dans Phèdre de Racine et La Douleur de Marguerite Duras (Molière de la meilleure comédienne en 2010). Elle joue également au théâtre sous la direction de Luc Bondy (Terre étrangère), Jean-Pierre Vincent (Le Mariage de Figaro, Woyzeck), Antoine Vitez (Le Misanthrope, Anacaona), Deborah Warner (Une maison de poupée d’Ibsen, Molière de la meilleure comédienne pour son rôle de Nora Helmer), Marc Paquien, Bruno Bayen et Christine Letailleur (Les Liaisons dangereuses de Laclos, Molière de la meilleure comédienne en 2016 pour son rôle de Madame de Merteuil). En parallèle elle mène une carrière au cinéma aux côtés de réalisateurs tels que Claude Chabrol, Régis Wargnier (Indochine, César de la meilleure actrice dans un second rôle), Claude Sautet, Louis Malle (Milou en mai, César de la meilleure actrice dans un second rôle), Michel Piccoli, James Ivory, Lucas Belvaux, Rock Stephanik (Stand by, César de la meilleure actrice en 2001), Pierre Trividic et Pierre Mario Bernard (L’Autre, prix d’interprétation féminine du Festival de Venise en 2008). Elle se produit également à l’opéra dans Perséphone de Stravinski par Peter Sellars et dans La Flûte enchantée de Mozart dirigée par Marc Minkowski. Depuis 2016, elle est pensionnaire à la Comédie-Française. Elle incarne Agrippine dans Britannicus de Racine pour Stéphane Braunschweig, Maria Vassilievna Voinitzkaia dans Vania (d’après Oncle Vania) de Tchekhov pour Julie Deliquet, la Marquise dans Le Petit-Maître corrigé de Marivaux pour Clément Hervieu-Léger, retrouve Deborah Warner pour Le Testament de Marie de Colm Tóibín à l’Odéon-Théâtre de l’Europe et elle est B dans Poussière de et mis en scène par Lars Norén.

Maître de conférences en histoire médiévale à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud de 1994 à 1999 puis à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne à partir de 1999, Patrick Boucheron est, depuis 2015, président du conseil scientifique de l’École française de Rome. Et professeur au Collège de France sur la chaire « Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle ». Membre du comité de rédaction de la revue L’Histoire depuis 1999, du conseil scientifique des Rendez-vous de l’Histoire de Blois et du conseil scientifique du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem, Marseille) depuis 2013, Patrick Boucheron a été nommé en 2017 président du comité scientifique chargé de la refonte de la galerie permanente du Musée national d’histoire de l’immigration. Participant régulier du Banquet du Livre de Lagrasse depuis 2008, ainsi que de différentes manifestations publiques, festivals littéraires, représentations théâtrales, il défend la voix d’un discours engagé et savant au cœur des usages publics de l’histoire. De là, par exemple, des propositions radiophoniques (Un été avec Machiavel, France Inter/Les équateurs, 2017) ou télévisuelles (Quand l’histoire fait dates, série de dix documentaires produits par les Films d’Ici pour Arte, 2018) ; de là également son investissement dans le monde éditorial – il fut notamment directeur des Publications de la Sorbonne de 2010 à 2015 et est depuis 2012 directeur de la collection « L’univers historique » aux éditions du Seuil.

C’est au travers de ces deux voix d’exception que nous plongeons dans l‘Italie épistolaire du XIIIe au XVIe siècle.

Dominique Blanc se prête avec une aisance et une diction parfaite à la lecture de lettres de Dante d’abord (deux lettres sur les treize -ou plutôt quatorze puisque une a été retrouvée il y a deux ans nous indique Patrick Boucheron- sont lues par la comédienne). L’historien converse avec l’actrice sur l’origine de ce nom mystérieux de « Dante » : celui qui donne ? A  savoir celui qui donne une langue avec la Comédie qu’on ne dira divine qu’au XVe siècle ? Celui qui dure et endure ? Patrick Boucheron aborde avec un humour caustique l’écrivain qui se venge dans ses écrits et envoie ses ennemis en Enfer.

Dominique Blanc entame une lettre de Pétrarque, longue invitation au voyage et à la villégiature contre la monotonie de l’existence. Pétrarque devient l’homme de toutes les villes à travers cette Italie qui fait rêver la comédienne. L’historien explique que Pétrarque écrivait « à tout le monde, y compris à Cicéron » ! Cette lettre du 13 mai 1349 est écrite quelques mois après la mort de Laure. Cette ballade est en réalité à lire comme l’ombre projetée de son chagrin.

Les écrits de Machiavel prennent la suite et nous découvrons les chemins de l’exil. Privé de ce qu’il aime le plus, à savoir le métier de l’Etat, il se livre à des remèdes : sortir, discuter, jouer. La vie devient supportable car il s’adonne à la lecture des Anciens et des Modernes : « plongé dans cette pouillerie, j’enlève la moisissure de mon cerveau ». Pour cette lecture, il est nécessaire de se parer de beaux habits, d’aller dans une cour d’apparat si l’on veut que les Anciens nous répondent. C’est un éloge de la transmission des morts qui par leurs écrits restent vivants que fait Machiavel dans cette lettre.

La performance se poursuit par deux lettres de Michel Ange. Dans la première, l’artiste défend une position minoritaire à son époque en érigeant la sculpture comme phare de la peinture. Michel Ange se veut un athlète de la matière ; il affronte la dureté du marbre. Patrick Boucheron explique que six jours avant sa mort, à 81 ans, il travaille à La Pieta de Milan. Dans sa perception, la sculpture est un art idéal, l’idée se trouvant dans la matière. Dans le second épître, écrit au Titien, il met en beauté les villes italiennes.

Patrick Boucheron a évincé de la sélection Catherine de Sienne dont une lettre devait être lue pour aborder Artemisia Gentileschi, artiste peintre italienne de l’école caravagesque. Elle entretient une correspondance avec son mécène napolitain. Elle s’affirme en tant qu’artiste féminine qui veut être payée pour des esquisses qu’on lui réclame. C’est avec une note de légèreté que la performance se clôture.

Dominique Blanc et Patrick Boucheron, qui s’accordent parfaitement lors de cette prestation, offre au public un moment de pure beauté.