Il reste encore une semaine pour que les curieux et les amateurs découvrent l’exposition Apocalypse hier et demain organisée par la Bibliothèque nationale de France et qui réunit près de 300 pièces exceptionnelles.

L’Apocalypse est, rappelons-le, un texte biblique rédigé selon la tradition par saint Jean l’Évangéliste à la fin du 1er siècle après Jésus-Christ, et qui clôt le Nouveau Testament. Le texte introductif de l’exposition nous précise que le terme est d’ordinaire associé à un imaginaire de la catastrophe synonyme de fin du monde. Mais c’est oublier qu’il signifie, aussi, littéralement, en grec « révélation » ou « dévoilement », ce dernier prenant la forme de l’annonce de l’arrivée du royaume de Dieu symbolisé par la Jérusalem céleste. Et pourtant, cette exposition débute par un extrait d’œuvres contemporaines dont les trois dernières minutes du film de Lars Von Trier Melancholia accompagnées de Max Ernst, Henri Michaux, ou encore de quelques œuvres de l’artiste turc Yüksel Arslan (1933-2017).

 

Un texte apocalyptique qui inspire les artistes …

Après ce préambule, la première partie de l’exposition nous propose tout d’abord la présentation de ce texte riche et complexe en images, de la vision préparatoire et des sept sceaux, le texte de l’Apocalypse s’ouvrant avec la révélation que Dieu transmet à l’auteur par l’intermédiaire d’un ange sous la forme d’un livre. La première vision représente Jésus au milieu de sept chandeliers d’or la bouche transpercée d’une épée. Le récit de plusieurs visions spectaculaires qui se succèdent débute : Dieu sur son trône entouré par 24 vieillards, les quatre vivants et le livre aux sept sceaux, dont l’ouverture provoque successivement l’arrivée des quatre cavaliers de l’Apocalypse, des martyrs, un tremblement de terre, puis une succession de calamités, tandis que l’ouverture du septième sceau initie le nouveau cycle, celui des trompettes.

C’est l’occasion pour la BNF de nous proposer un nombre assez conséquent d’ouvrages médiévaux richement illustrés et présentant ces diverses scènes : l’un des plus beaux est certainement le Beatus de Saint Sever, manuscrit réalisé dans l’abbaye de Saint Sever à la demande de l’abbé Grégoire de Montaner dans le troisième quart du XIᵉ siècle, et qui nous propose l’une des plus belles représentations de l’ouverture des quatre premiers sceaux et de l’arrivée des quatre cavaliers de l’Apocalypse sur une double page saisissante par ses couleurs et son organisation. L’exposition se distingue également en présentant exceptionnellement la version de l’Apocalypse selon Albrecht Dürer, ce dernier ayant réalisé dans sa jeunesse de sa propre initiative, 15 xylographies (gravures sur bois) illustrant le récit de saint Jean. Le sens et la richesse des détails et la précision du trait ne manquent pas d’impressionner le spectateur. D’autres artistes, certes moins connus, trouvent parfaitement leur place, comme Jacques Callot (1592 – 1635) et sa série intitulée Les grandes misères de la guerre, réalisée dans le contexte de la guerre de Trente Ans, qui démontre par la violence des scènes représentées combien les contemporains ont pu avoir le sentiment de vivre la fin des temps.

Les grandes misères de la guerre – La pendaison, de Jacques Callot (1592-1635) – 1633 – BnF, département des Estampes et de la photographie, RESERVE BOITE ECU-ED-25 (18)

Détail de l’une des 15 xylographies de format folio exécutées par Albrecht Dürer entre 1496 et 1498.

Photo : Cécile Dunouhaud

… à toutes les époques

La seconde grande partie de l’exposition est intitulée « Le temps des catastrophes ». Consacrée à l’époque moderne, alors que la société s’est laïcisée et modernisée, elle interroge la présence de l’Apocalypse dans l’ombre de plusieurs artistes qui sont restés, comme leurs prédécesseurs, fascinés par ce texte mais aussi inspirés par leur époque. Des Romantiques du XIXᵉ siècle comme Odilon Redon ou Gustave Moreau aux observateurs de la révolution industrielle qui pointent du doigt les excès de cette période, l’Apocalypse sait se frayer un chemin tout en renouvelant les représentations avec, par exemple, une présence sensible de la grande prostituée de Babylone présente par exemple, dans le Metropolis de Fritz Lang.

Les drames et les catastrophes contemporaines qui se sont succédé ont permis de faire perdurer ce lien entre les artistes (cinéastes et auteurs de bandes dessinées compris comme E.P. Jacobs le père de Blake et Mortimer) et le texte de saint Jean, avec en tête la Première Guerre mondiale et la Shoah. De nombreuses œuvres sont présentes dont celles d’artistes renommés que l’on prend plaisir à redécouvrir sous cet angle : Kandinsky avec, entre autres, une œuvre intitulée Jüngster Tag (le Jour du Jugement dernier) réalisée en 1912, Otto Dix et Celja Stojka (1933-2013) présente avec trois œuvres puissantes consacrées à Auschwitz où elle fut déportée avec sa famille alors qu’elle n’était qu’une enfant. Des artistes plus récents qui ont prêté leurs œuvres le temps de cette exposition, comme Abdelkader Benchamma, Angelika Markul  et Ali Cherri, qui présente un Arbre de vie réalisé en 2024, ce dernier étant un symbole du cycle du vivant mentionné dans l’Apocalypse et plus précisément dans la lettre à l’Église d’Éphèse qui décrit la Jérusalem céleste.

Mais, rappelons que le terme signifie également « dévoilement » ou « révélation ». L’exposition se termine avec une œuvre étonnante que je vous laisserai le soin de découvrir, mais qui ramène l’auteur vers l’Ancien Testament et la vie de manière extrêmement symbolique.

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Fritz Lang « Metropolis », 1927 : la Grande Babylone et la Bête, capture d’écran
Commissariat général

Jeanne Brun, directrice adjointe du Musée national d’Art moderne – Centre Pompidou en charge des collections

avec la collaboration de Pauline Créteur, chargée de recherche auprès de la directrice adjointe du Musée national d’Art moderne – Centre Pompidou

Commissariat

François Angelier, journaliste et essayiste

Charlotte Denoël, cheffe du service des Manuscrits médiévaux, département des Manuscrits, BnF

Lucie Mailland, cheffe du service Philosophie, religion, département Philosophie Histoire Sciences de l’homme, BnF

Cette exposition est réalisée avec la participation exceptionnelle du Centre Pompidou

En partenariat avec Télérama, Connaissance des Arts, ARTE, Le Monde, France Culture, La Cinémathèque

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🖼️ Exposition Apocalypse hier et aujourd’hui, BNF, Paris

📅 4 février – 8 juin 2025

⏳ Durée recommandée de la visite : 2 heures

Les autres détails pratiques sont disponibles ICI