Jeanne d’Arc une héroïne au service des mangas, seconde partie. À la suite d’un premier article qui nous a mené à la rencontre de Jeanne et de ses avatars nippons (pour rappel la première se trouve ici), je vous propose de revenir sur les différentes manières employées par les mangakas pour intégrer Jeanne d’Arc dans leur fiction. Après lectures il m’est apparu qu’elle peut être rangée dans des catégories prédéfinies en fonction de l’usage déterminé par les auteurs. Pour cette typologie qui tente d’être académique, je suis donc allée du plus pédagogique au plus loufoque et/ou anecdotique tout en tentant de ne pas trop vous spoiler si vous souhaitez lire le manga en question … 😀

 

D’Arc apprenante

Il nous faut d’abord revenir sur un genre peu voire pas du tout diffusé en France (ou alors à l’insu de notre plein gré) : le manga pédagogique. Prenant pour thèmes principaux l’histoire et les « vies illustres », les sciences, et la littérature classique, il est, en principe destiné aux enfants et s’inscrit comme son nom l’indique dans une démarche pédagogique apparu dans les années 60. Natsume Fusanosuke, considéré actuellement comme l’un des critiques majeurs du manga, utilise d’ailleurs l’expression : « apprendre la vie à travers le manga ». En effet, durant les années 60, le manga commence une double mutation :  1) – il se diversifie et cherche à atteindre tous les âges et tous les publics, 2)  -il cherche à devenir pédagogique en devenant et en étant considéré comme un outil potentiellement didactique au service de la pédagogie et non une fin artistique en soi, tandis qu’en parallèle les fictions historiques deviennent un genre à part entière. Le développement et le succès qui s’en suivent sont liés à la diversité grandissante du public recherché et s’explique aussi par sa capacité à susciter l’intérêt du lecteur et à faciliter la compréhension de sujets difficiles. Natsume Fusanosuke analyse cette mutation comme le résultat des attentes de la génération du baby-boom (dont il fait partie), et estime que sa génération (il est né en 1950) a tiré ses connaissances de la vie et du monde du manga, davantage que de la littérature ou du cinéma.

Pour se représenter en France ce que le manga a pu représenter en termes d’approche parlante et stimulante d’une histoire culturelle complexe pour un jeune japonais des années 70, il faut citer encore une fois l’oeuvre incontournable d‘Ideka Riyoko Versailles no bara (Lady Oscar en France) shōjo publié à partir de 1972 grâce à laquelle les Japonais ont étudié en première approche la Révolution française [1]. Les mangas gagnent alors en légitimité et en popularité grâce à la recherche documentaire qui les accompagne, Versailles no bara s’appuyant par exemple sur la biographie de Marie-Antoinette écrite par Stefan Zweig et publiée en 1932 [2]. Mais revenons à Jeanne parce que … C’est le sujet ! …

Jeanne d’Arc s’inscrit dans ce premier courant. Nous la retrouvons naturellement dans les collections pédagogiques dirigées par des universitaires et, la plupart du temps, elle est l’une des rares femme de l’histoire européenne et mondiale présente en couverture.

L’auteur cherche en quelques volumes, à raconter l’histoire de Jeanne d’Arc à proprement parler. Les mangas plus romancés sont également nombreux. Nous citerons ici l’exemple de la Jeanne d’Arc de Chihiro Tamaki est sorti récemment en France aux éditions Salvator, éditions spécialisées dans les titres spirituels et religieux. Préalablement paru au Japon en 2011 chez l’éditeur Shôgakukan, il a été supervisé par Masakatsu Adachi, chercheur spécialisé en histoire de France et par ailleurs auteur d’un roman consacré au bourreau Sanson. Le synopsis de l’éditeur explicite ce souci de coller à la réalité historique : Voici l’épopée de Jeanne d’Arc, de son enfance à Domrémy jusqu’à sa mort, à 19 ans, sur le bûcher de Rouen. Fidèlement restitué dans son contexte historique, il fait entrer le lecteur au cœur des combats militaires et politiques de la Guerre de Cent ans et découvrir la foi, le charisme et la détermination d’une jeune fille exceptionnelle.

Le récit reste en général fidèle à la trame historique mais demeure adapté au public. L’objectif n’est pas de restituer la psychologie de Jeanne qui, à certains égards peut paraître très contemporains et digne parfois d’une lycéenne japonaise actuelle, mais de retracer les grandes lignes de son épopée et de la rendre accessible à son lectorat.

Les zones d’ombres et les angles morts de la vie de Jeanne sont parfois largement exploités dans les one shot à prétention (légitimes) historiques qui cherchent à romancer davantage son histoire, c’est peut-être aussi ce qui donne le « piment » et permet d’établir une différence d’un auteur à l’autre. Dans ce registre nous pouvons ainsi classer le one shot Dance macabre de Seiyou Ankoku Shoushi consacré aux derniers jours de Jeanne et à l’hypothèse de son viol.

A mi-chemin entre une Jeanne réaliste et fantaisiste nous pourrons citer le cas particulier de Mahou Shoujo Taruto Magika : the legend of Jeanne d’Arc, écrit et illustré par le duo Magica Quartet composé de Masugitsune et Kawazuku et publié chez Honbusha à partir de 2013 et déjà évoqué dans la première partie. Malgré son aspect très fantaisiste qui fait de Jeanne d’Arc une Magical Girl dans la plus pure tradition du genre, les auteurs se sont attachés à s’appuyer sur une réalité historique solide présente à travers la présence des cadres chronologique et géographique. L’appui principal est celui de la carte du Royaume de France résumant la situation géopolitique de ce dernier avant l’arrivée de Jeanne. Même si certaines frontières peuvent paraître un peu contestables pour un historien, sa justesse reste remarquable. Ici, ce n’est pas l’histoire qui est au service de la fantaisie mais l’inverse : la fantaisie permet d’inculquer des notions d’histoire complexe à un jeune public peu au fait de l’histoire médiévale française et européenne et plutôt tourné sur son archipel.

Cette volonté de réalisme historique qui sert de point d’appui à l’intrigue est également présente à travers la présentation furtive mais très précise de sa famille et surtout de sa mère Isabelle Devouthon surnommée « Romée », surnom dont elle a probablement hérité après un pèlerinage à Rome, comme le mentionne la case qui lui est dédiée.

La question des capacités littéraires de Jeanne est aussi abordée avec l’épisode de sa signature. Ici, Jeanne est amenée à signer, exercice auquel elle s’exécute difficilement, avec une fantaisie assumée par les auteurs qui ainsi peuvent introduire son surnom de Tart, son nom de famille, d’Arc étant mal interprété par Tink. À noter que les rares documents connus signés par Jeanne et conservés [3] n’ont d’ailleurs jamais porté son nom de famille.

Ce réalisme n’est pas forcément présent cependant dans tous les mangas. Ainsi, la version en deux volumes de Ryo Kurashina et d’Akio Shiba propose une carte anachronique en début avec les frontières actuelles de la France, (sans doute pour simplifier la compréhension du lecteur) pour ensuite être rectifiée au cours du récit afin de présenter la situation géopolitique de la moitié nord de la France à la veille de son intervention.

Enfin, je passerai sous silence quelques mangas qui se livrent à une soupe à l’histoire en mélangeant allègrement les références des époques médiévales et de la Renaissance comme Yurishīzu Jan’nu Daruku to Renkin no Kishi  (en français : Ulysse : Jeanne d’Arc et le chevalier alchimiste) pour parvenir au genre fantasy …

 

Jeanne fantasy

A l’inverse, Jeanne est un prétexte pour introduire des personnages fantaisistes aux pensées plus ou moins … voire pas du tout complexes. Les mangas avec une Jeanne d’Arc prétexte ou « Jeanne fantasy » sont légion et ici, nous avons affaire à une véritable foire à l’imagination sur le fond et la forme mais qui cependant peut s’avérer intéressante si l’on s’intéresse aux traits qui ont été conservés malgré l’extrême légèreté du traitement du personnage. La Jeanne historique s’efface et se met au service de l’imagination du mangaka. Ne pouvant faire le tour des titres et pour éviter l’effet catalogue, j’en retiens trois ici pour la démonstration représentative des « délires créatifs » des mangakas.

Dans le seinen de Kumiko Suekane Afterschool charisma publié entre 2009 et 2014 au Japon, Jeanne est intégrée à une école de clones de personnages historiques où elle détonne par son caractère sombre. De sa référence historique elle garde les cheveux courts, une certaine idée de sa vie et de son armure, mais guère plus. Les anachronismes les plus assumés sont de mise : entre Adolf H. aux grands yeux de cocker soucieux de son amie et Napoléon B. le BG qui ne reste pas insensible à son charme, nous sommes servis !

Consciente d’être le clone d’une héroïne au destin tragique, ses questionnements l’agite jusqu’au jour où elle rencontre la précédente Jeanne qui semble avoir pris son destin en main et cherche à la sauver[4].

Dans un genre plus fantaisie Fate / Apocrypha propose une Jeanne un cran au-dessus (mais en dessous de certaines versions en jeux vidéo …). Comment résumer Fate / Apocrypha ? Pour faire (très très) simple, retenons qu’il s’agit d’un univers parallèle à celui de Fate /stay night qui n’est pas un manga au départ. Dans cet univers retenons que deux factions luttent dans le cadre de la guerre du Graal : La Faction Noire et la Faction Rouge pour l’obtention du Graal. Ce dernier a la capacité d’invoquer Ruler, un Servant qui agira en tant que médiateur de la Guerre du Saint Graal tout en restant neutre aux combats entre les Servant des deux factions (c’est bon j’ai perdu personne ?). Qu’est-ce qu’un Servant ? Ce dernier est la réincarnation d’un ancien Esprit Héroïque, un mythe populaire par excellence et … justement il s’agit de Jeanne d’Arc. Ses caractéristiques fixes témoignent de la caricature dont Jeanne fait l’objet puisqu’ici son versant « fantaisie » aime prier et brandir son arme (mais pas étudier), son drapeau, tandis que Gilles de Rais est son ennemi. Nous passerons sur le merchandising massif qui accompagne Fate/Apocrypha et le personnage de Jeanne en particulier, qui en dit long sur l’hypersexualisation de l’héroïne pratiqué par les marchands de figurines et de t-shirt en tout genre au Japon.

Dans quelques cas elle est simplement un prête-nom et la Jeanne historique s’efface quasi totalement. C’est le cas dans Kamikaze kaitō Jeanne, shōjo signé par Arina Tanemura, prépublié à partir de février 1998 dans le magazine Ribon au Japon et proposé en France par Glénat depuis juillet 2014. Cette version s’inscrit dans la tradition de la Magical Girl n’affichant aucune prétention historique (look, buts, fond de l’histoire… nada …) mais lorgne plutôt du côté de trois influences majeures dans l’histoire et le genre du shōjo :

Cat’s Eye avec le fameux tryptique « lancer de carte en préavis de vol /armée de voitures de police impuissante qui la course la nuit / amour avec un flic qui la recherche »,

Sailor Moon pour le stylisme, la double identité et le pouvoir (issu) de la Lune

Card Captor Sakura pour une partie de l’intrigue et des ressorts magiques.

 

Ici Maron respecte la tradition de la jeune lycéenne le jour et la réincarnation de Jeanne d’Arc la nuit. Grâce à l’aide de l’ange Fin, elle se transformer pour combattre les démons ! Maron ne vole pas pour le plaisir (comme les sœurs Kisugi), mais pour rendre leur pureté aux œuvres d’arts instrumentalisées par des créatures maléfiques afin de pervertir les humains. Le thème de la réincarnation de Jeanne est présente dans un certain nombre de mangas la mettant en avant, que ce soit dans Chrome Breaker de Chaco Abeno ou encore Fate/Apocrypha.

 

Dark d’Arc

Enfin, dans quelques mangas, Jeanne bascule du côté obscur mais ils sont rares. Je n’ai retenu que celui de Jeanne réalisé dans le seinen Drifters. Le synopsis est le suivant : Toyohisa Shimazu, jeune samuraï participant à la bataille de Sekigahara se retrouve soudain plongé dans un autre monde. Rapidement il découvre que plusieurs autres guerriers renommés ont dérivé dans cette dimension. Une guerre sans merci dont il ignore encore les tenants et les aboutissants l’attend d’entrée de jeu, sous la bannière du célèbre Oda Nobunaga !

Deux camps s’affrontent : celui du Bien, les « Drifters », et celui du Mal incarné par les « Rebuts ». Ce manga mélange d’ailleurs assez aisément les personnages historiques puisque nous retrouvons pêle-mêle Hannibal, Scipion l’Africain, Raspoutine et quelques personnages de l’histoire japonaise qui bien entendu se retrouvent de manière privilégiée dans le camp du Bien, celui des « Drifters ». Chez les « Drifters » nous retrouvons Oda Nobunaga [1534-1552], Daimyo ayant oeuvré pour la réunification du Japon pendant  l’ère Sengoku. Ici, Jeanne d’Arc (qui fait quasiment office de miroir maléfique et féminin à Nobunaga) fait partie du club des « Rebuts » aux côtés de la Princesse calculatrice (et maîtresse des glaces) Anastasia Romanov. Elle combat dans cet au-delà guerrier pour un Empire créé 60 ans plus tôt par un certain … Adolf Hitler (tiens ? encore lui ?) ayant atterri dans cette dimension et dont les elfes ne savent déterminer s’il était un « Rebut » ou non … mais ceci est une autre histoire. Elle est secondée par Gilles de Rais, ici transformé en brute monumentale quasi indestructible et qui la sert aveuglément. L’intention de l’auteur est assez clair : Jeanne incarne à elle seule l’allégorie de l’impérialisme européen agressif, position renforcée par son alliance avec une Romanov ce qui n’est pas sans renvoyer aux différends du Japon avec la Russie et l’Occident à la fin du XIXeme siècle. Le traitement graphique de Jeanne lui attribue un corps androgyne en contrepoint des autres personnages féminins (le héros lui demandant au passage même s’il s’agit d’un homme ou d’une femme), des cheveux courts et un pouvoir mystique lié au feu.

Que reste-t-il de la Jeanne d’Arc historique dans ce personnage ?

Autant le dire pas grand-chose. Ici elle campe une guerrière, coriace,sanguinaire et impulsive contrairement à Anastasia, un caractère en contradiction avec les témoignages d’époque qui rapporte une Jeanne plutôt pacifique (sauf à l’égard des ribaudes) et soucieuse de ne pas verser le sang. L’auteur n’hésite pas dans les chapitres 22 et 23 à la charger d’une violence extrême doublée de paroles racistes anachroniques à l’égard du héros Shimazu. Le seul moment de grâce perceptible reste celui où ce dernier la jette dans un puits. Jeanne reprend contact avec l’eau ce qui la projette au moment où elle fut brûlée à Rouen. Elle finit par se présenter au héros en tant qu’héroïne qui s’est battue pour la France et qui en est morte, brûlée sur un bûcher. Cet élément n’est présent que pour expliquer sa maîtrise du feu son rejet et sa haine envers une humanité ingrate. En retour, Shimazu lui avoue son ignorance et même son désintérêt total et définitif pour son histoire. Mais ici, peu importe la réalité historique qui ici se résume à trois éléments non structurants du récit : l’identité de Jeanne, son combat, sa mort sur un bûcher et l’existence de Gilles de Rais. Seul compte ici le sentiment que Jeanne a pu développer au moment de sa mort historique et qui expliquerait sa présence parmi les « Rebuts » à abattre. Bien entendu , le graphisme ne privilégie quasi aucune réalité historique quant au traitement de son physique (sauf les cheveux courts) et en particulier de son armure qui répond au contraire aux critères répondant en partie au genre steampunk en usage actuellement dans les mangas. Jeanne d’Arc qui apparaît cependant comme une cavalière émérite use et joue davantage du couteau et de la flamme que de l’épée et de l’étendard. Bien entendu l’éthique du samouraï est sauve : le héros refuse de la tuer.

Jeanne « guest star »

Enfin, parfois Jeanne d’Arc apparaît en arrière-plan d’une histoire plus complexe et, sans être le personnage principal, sa trajectoire historique vient nourrir une réflexion plus globale de l’auteur. Ainsi par exemple, nous pouvons citer l’apparition de Jeanne d’Arc dans Foods Wars, manga s’inscrivant dans le genre gastronomique écrit par Yūto Tsukuda et dessiné par Shun Saeki, (avec la participation de Yuki Morisaki, qui parvient à combiner l’impensable : mannequin et chef pour les plats). Mais je préfère retenir l’apparition de Jeanne dans l’oeuvre de Gō Nagai dans Devil Man paru au Japon au début des années 70.

Nous sommes en 1972 et Gō Nagai n’a pas encore créé Grezinger (connu sous le nom de Goldorak, en France) ni Cutey Honey. A une époque où le Japon est encore marqué par le traumatisme de la guerre, Gō Nagai qui est né le 6 septembre 1945, est alors un jeune auteur prometteur, nourri dans son enfance par ces récits traumatisants de la guerre. Antimilitariste, opposant à l’arme nucléaire et à l’impérialisme américain, il est également pris par les mouvements d’émancipations et de révoltes estudiantines et ouvrières qui caractérisent la fin des années 60 au Japon. C’est dans ce contexte qu’il publie Devilman entre 1972 et 1973 dans Weekly Shōnen Magazine. La trame globale de Devilman est la suivante : Akira Fudô, jeune garçon peureux ne parvient pas à défendre son amie agressée par des voyous. Il est secouru par Ryô, son ami d’enfance. Ce dernier venu le chercher lui fait alors une terrible révélation : les démons existent et sont sur le point de se réveiller. Le seul moyen de les combattre pour Akira est d’en devenir un à son tour. Jeanne apparaît dans le tome 3 de la série. Pendant qu’Akira se familiarise avec les pouvoirs d’Amon en tant que Devilman, son ami Ryô, lui, a acquis un autre pouvoir : celui de voyager à travers le temps, afin de combattre les démons qui se sont immiscés dans certains bouleversements majeurs de l’Histoire humaine. Durant cinq chapitres indépendants et fatalistes, Gō Nagai revisite à sa manière certains événements historiques avec en tête Jeanne d’Arc [5]. L’histoire met donc en avant une Jeanne attrapée sur le champ de bataille par des démons qui la jugent et l’accusent de sorcellerie pour justifier sa mise à mort. Jeanne tente de répondre. Elle se défend avec des arguments prenant pour thème la liberté l’indépendance et le féminisme que des manifestants japonais de gauche de l’époque ne peuvent pas renier mais elle ne doit sa survie qu’à Devilman qui finit bien sûr, par la délivrer.

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Ainsi Jeanne d’Arc apparaît dans la plupart des genres du manga comme une héroïne incontournable. Ici je ne vous ai proposé que quelques titres parmi ceux disponibles. A-t-elle inspiré des personnages féminins ? Difficile de l’affirmer … Pour cela il faudrait interroger et faire avouer les mangakas sur leurs processus de création. Mais nous pouvons avec notre distance et notre imagination assumées, supposer que le fantôme de la Pucelle hante de manière inconsciente certains profils féminins sur papier. A ce titre, Casca l’héroïne de Berserk, manga de Kentaro Miura classé dans le genre dark fantasy publié à partir de 1989, cumule des points communs. Née à la frontière entre deux territoires en guerre, cheveux courts et menant bataille épée à la main, les similitudes basiques sont là. Pour autant, l’auteur ne revendique officiellement aucune inspiration provenant de Domrémy mais, inconsciemment, le lecteur occidental peut être amené à y songer …

Sur ce, (et comme je n’ai pas d’idée pour conclure de manière sérieuse et académique), j’espère que cet aperçu de la manière dont cette icône du roman national française est déconstruite et relativisée par le manga vous aura permis de sourire et de voir autrement une partie de la BD japonaise.

A très vite pour une autre série 😉

Cécile DUNOUHAUD

Bibliographie indicative :

-Colette BEAUNE Jeanne d’Arc, vérités et légendes, Paris Editions Perrin, 2020 (3ème édition), 253 pages.

-Marie-Véronique CLIN Idées reçues sur Jeanne d’Arc, Paris, Editions le Cavalier bleu, avril 2020, 123 pages

– Pascal-Raphaël AMBROGI, Dominique LE TOURNEAU Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d’Arc, Paris, Desclée De Brouwer, 2017

-Naoko MORITA « Bande dessinée et pédagogie : pour une esthétique du « manga d’information » au Japon » pp. 93-104, extrait de : Naoko Morita, La pédagogie par l’image en France et au Japon, Presses Universitaires de Rennes, 2009, 154 pages. Lien : https://books.openedition.org/pur/35212?lang=fr

 

 

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[1] Bien entendu, il n’est pas question ici d’aborder le fond de Lady Oscar qui peut faire légitimement sursauter des historiens  allergiques à la fantaisie des mangas. Mais son importance a été reconnue à tel point que son auteure Ideka Riyoko est jusqu’à ce jour la seule mangaka décorée de la Légion d’Honneur. Lady Oscar est reconnu pour avoir jeté un pont culturel entre la France et le Japon

[2] Les mangas affichant une volonté historique ou soucieux de véracité accompagnent leur volume d’un petit dossier documentaire éclairant le (jeune) lecteur sur certains aspects techniques peu ou pas abordés dans l’intrigue. Par exemple Reine d’Egypte de Chie Inudoh intègre dans le tome 3 quelques pages centrées le British Museum et quelques reliques exposées de l’Egypte des pharaons.

[3] Lors de son procès, Jeanne déclara ne savoir « ni A ni B ». Au total, 19 de ses lettres ont été conservées dont 3 signées de sa main.

[4] Je n’en dis pas plus !

[5] Les chapitres suivants reviennent notamment sur les origines de l’antisémitisme d’Hitler, les prémisses de la Révolution Française, et le conflit opposant Little Big Horn les Sioux et les Cheyennes à l’armée américaine.