Pop Culture et enseignement est une boîte à outil qui s’ouvre avec ce premier article d’une série que j’espère utile. L’idée centrale est d’explorer les possibilités pédagogiques offertes par l’utilisation de la Culture Pop ou Culture Geek selon les présentations propres à chacun. L’idée de la « boîte à outils » va donc consister en une série d’analyses, de propositions pédagogiques qui seront autant de pistes à explorer pour les esprits curieux. Tout est basé sur mes usages, mes lectures, mes usages en classe. Des pistes de lecture seront disponibles en annexe.

Le cadre principal de cette exploration est la spécialité de HGGSP en Première et Terminale. Cette dernière fait partie de la réforme du lycée et offre un terrain de jeu que je trouve très intéressant. J’emploie à dessein l’expression « terrain de jeu » : il faut se faire plaisir, ce qui n’est pas du tout incompatible avec la rigueur intellectuelle nécessaire à tout enseignement. Ceci posé, ces pistes sont aussi exploitables en Histoire, Géographie ou EMC au collège et au lycée. Encore une fois les esprits curieux sauront construire leurs propres réflexions.

Il s’agit donc à travers ce premier article de préciser les richesses et spécificités de la « Culture Geek » et de construire une grille d’analyse, une méthode permettant d’appréhender les différentes thématiques proposées par les programmes. Dans cette perspective, je fais le choix délibéré de mettre la géopolitique au cœur des réflexions car elle mêle histoire, géographie et sciences politiques. C’est un angle d’attaque qui permet d’éviter les écueils des cours classiques en histoire-géographie ou sciences politiques façon SES, ce qui n’est absolument pas l’idée de cette spécialité. Cerise sur le gâteau, le BO précise que la géopolitique est au cœur des réflexions et que la dimension culturelle est essentielle :

L’enseignement de spécialité d’histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques développe une approche pluridisciplinaire qui, pour analyser et élucider la complexité du monde, mobilise plusieurs points de vue, des concepts et des méthodes variés […] la géopolitique a une place centrale dans ce programme.

[…]

L’enseignement de spécialité d’histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques prépare les élèves à la poursuite d’études dans de nombreux cursus : à l’université (histoire, géographie, science politique, droit…), en classes préparatoires aux grandes écoles, en écoles de journalisme, en instituts d’études politiques, en écoles de commerce et de management… Grâce à cet enseignement, l’élève développe en effet les compétences utiles à la réussite des études dans le supérieur : autonomie, capacité de réflexion et d’analyse, qualité de l’expression écrite ou orale, curiosité intellectuelle

Culture générale et curiosité intellectuelle vont de pair. Bien entendu, il y a les auteurs reconnus, les œuvres classiques. Mais comme rédacteur de Clio-Geek je vais aussi proposer, comme je le fais par ailleurs pour les préparations au concours des IEP en « Question Contemporaine », une approche clairement orientée vers la « Culture Geek » : les écrans au sens large, la BD, les mangas, la science-fiction, la fantasy bref tout ce qui doit permettre aux élèves et futurs étudiants de cultiver leur curiosité.

 

Culture, sous-culture, culture légitime : les bases d’une équation

 

Voici une clé essentielle du problème. De façon récurrente, notamment pour les personnes qui dénigrent la « Culture Geek », le terme de sous-culture est utilisé de façon péjorative. C’est un petit peu comme s’il était possible de définir une culture de qualité dont le reflet négatif serait constitué par  une masse de produits de consommation qui ne mériterait pas vraiment qu’on s’y attarde. On retrouve notamment ce genre de critiques contre les mangas ou leurs déclinaisons animées, comme ce fut le cas à l’époque du « Club Dorothée » dans les années 90. C’est aussi une critique récurrente contre les jeux vidéo ou même, de façon plus globale, les mondes imaginaires, même si aujourd’hui il semble largement admis dans la population et intégré à certaines approches pédagogiques.

Pour définir la « Culture Geek » ou « Culture Populaire » il est possible de cerner deux leviers principaux. Tout d’abord un effet de masse : il s’agit de toucher toujours plus de personnes, de consommateurs. De l’autre côté on retrouve une multiplicité des supports. C’est ce que Henry Jenkins a défini comme la « culture de la convergence ». Cet auteur s’est intéressé aux transformations de la culture à l’âge du numérique et notamment au concept de convergence. À travers ce dernier il montre que les produits culturels actuels formant la « Culture Populaire » empruntent divers moyens pour toucher la population. Il peut s’agir du téléphone portable, de la télévision, des livres, des jeux vidéo, etc…

Peut-on se passer dans le cadre de nos programmes de la mise en perspective de phénomènes culturels touchant la majorité des personnes, par simple opposition à une culture qui serait plus qualitative et élitiste ? Peut-on se passer de l’étude de ces groupes à la tête d’empires culturels, tel Disney, Netflix ou d’autres marques, lorsqu’on peut mesurer l’impact concret de ses œuvres dans la vie réelle ?

Il suffit de voir les références par exemple du président Trump à la série « Game of Thrones » ou de Barack Obama citant « House of Cards ». La réponse qui s’impose à mes yeux est limpide : non. Je pense qu’il est nécessaire d’ouvrir les champs culturels des élèves, de leur donner des clés pour comprendre le monde. Il ne s’agit pas de rejeter une « culture classique », bien au contraire même. Cette dernière irrigue les œuvres de Culture Geek.  Par exemple si je prends le manga de Kentaro Miura, « Berserk », une œuvre de Dark fantasy, on y retrouve une influence très claire d’œuvres beaucoup plus, entre guillemets « légitimes », telle « La Divine comédie » de Dante.

Comment utiliser ces œuvres ?

Pour faire simple on pourrait aborder cette question par le biais de 4 angles d’attaque.

On pourra voir par exemple une approche classique, que l’on retrouve notamment chez les Marxistes, consistant à dire que, un petit peu l’image de la religion, cette culture de masse est faite pour distraire les gens, pour les endormir. Ce serait donc un avatar du capitalisme pour maintenir sa position dominante.

Il est également possible de voir la culture populaire comme un miroir de la société. Il s’agirait donc, en étudiant des séries, des mécanismes de jeu vidéo, des histoires de science-fiction, de percevoir les idées-forces, les mythes des sociétés. Par exemple dans la science-fiction américaine le mythe de la « frontier », de l’exploration, ou dans les œuvres japonaises la fascination pour la modernité, par exemple à travers les œuvres de Mecha tel la série des « Gundam ».

On peut aussi pousser la réflexion encore plus loin à la suite des travaux de Michel Foucault, en empruntant les chemins de l’école « poststructuraliste ». L’idée centrale serait ici que la « Culture Geek »  accompagnerait et soutiendrait les idées du discours politique dominant. Par exemple, toutes les séries ou les films qui défendent l’intervention armée des États-Unis, ci qui est aussi perceptible dans certains jeux vidéo, soutiendrait la politique américaine post 11 septembre. Dans ce cas, il s’agirait de démonter les mécanismes de cette culture populaire et de l’aborder avec un regard très critique.

Je crois que ce qui est encore plus fascinant, en tout cas qui m’intéresse davantage encore, c’est la possibilité de voir comment ces œuvres, ces univers imaginaires, ces histoires ont pu influencer le monde réel. Est-ce que le terrain de l’élection de Barack Obama a pu être préparé d’une façon ou d’une autre par la série 24 heures chrono dans laquelle il y avait un président d’origine afro-américaine ? Est-ce que les jeux vidéo violents alimentent la violence réelle et poussent au passage à l’acte ? La façon dont on va jouer un jeu sur la démocratie peut-elle influencer notre propre pratique du vote ?

Pour utiliser ces grilles d’analyse il est nécessaire de consommer de la culture, sous toutes ses formes. Il voir lire, voir, écouter. Il est nécessaire de réfléchir à la façon dont ces œuvres ont été produites et de questionner l’audience. On peut avoir la meilleure série du monde, le meilleur jeu vidéo du monde ; si personne ne la regarde ou si personne n’y joue, l’impact sera réduit à néant.

 

Mise en application – Films et Séries comme outils pédagogiques pour découvrir la spécialité HGGSP

Il ne faut pas perdre de vue l’objectif central de la HGGSP : appliquer la méthode proposée consistant à croiser les champs de l’histoire, la géographie, la géopolitique et les sciences politiques à un thème d’actualité. Pour ce faire il est déjà possible de profiter des lumières de ce très bon exemple de l’ESCE :

Un document d’accroche plus simple peut être soumis aux élèves : une interview de Dominique Moïsi présentant chez Jean Jacques Bourdin son livre « La géopolitique des séries » :

Dominique Moïsi voit dans les séries un reflet des enjeux géopolitiques à l’instar de « Game of Thrones » qui serait une transposition du Moyen-Orient actuel, ce qui mérite très largement d’être questionné et remis en perspective.

Phase 1 – Poser les bases de la réflexion

=> Pour les élèves : sonder leurs pratiques, leurs représentations du cinéma et des séries télévisées. Lieux de production dominant, codes culturels, Netflix, thèmes, tout ce qui leur passe par la tête. Les mots sont écrits au tableau.

=> Poser une grille d’analyse : se référer à la correction proposée. Il s’agit ici de diviser entre les 4 approches, soit Histoire, Géographie, Géopolitique et Sciences politiques.

 

Phase 2 – Appliquer cette grille à des documents / dossiers

Le document 1 est une chronologie interactive sous son format .pdf, disponible en annexe.

Consigne : pour chacun des documents proposés, remplir une grille d’analyse. Dans un premier temps le document 1 est décortiqué par mes soins afin de montrer un chemin, puis les documents suivants sont étudiés par binômes avec reprise au tableau. Pourquoi ne pas partir des travaux d’élèves ? Parce que nous sommes la première semaine de septembre, qu’il fait chaud, que selon la classe les questions peuvent fuser autant que les silences et peuvent devenir pesant. Je suis donc partisan d’imprimer un rythme, quitte à lâcher la bride s’il le faut.

Doc1

 

Correction possible

Les approches sont par la suite multiples et dépendent en réalité des objectifs et intérêts de chacun. Tous ces documents sont disponibles en annexe et les sources sont précisées. Exemples d’approches (un Geek comprendrait qu’il existe donc plusieurs decks) qui sont à compléter si besoin avec d’autres documents proposés dans le Pearltrees de Clio-news :

  • Carte sur les adaptations de série : très efficace pour montrer comment les séries que les élèves pensent souvent américaines sont en réalité le fruit d’échanges beaucoup plus riches. Si l’on veut aller plus loin, il est même possible de se concentrer sur une seule série connue en français sous le titre de « Homeland ». Une activité de comparaison de générique est proposée dans l’espace Pearltrees des élèves. Le cas est très éclairant pour l’adaptation russe, « Rodina », dont le générique est une perle à exploiter comparativement au générique de « Homeland ».

 

  • Articles sur la puissance chinoise : on mettra en avant le soft power, sa capacité à investir à Hollywood, sa volonté d’imposer de nouveaux codes, la défense du système communiste etc etc. Il est aussi possible d’utiliser l’article sur la censure d’Hollywood pour mesurer le poids croissant d’un marché sur des réalisateurs qui peuvent être enclins à céder aux exigences de rentrées financières plus importantes.

Pour les plus téméraires je ne résiste pas à suggérer de s’aventurer sur les pas jouissivement geek des remakes chinois avec une perle absolue : « Mad Max Fury Road » de G.Miller devenant « Mad Shelia ». Au firmament du copier-coller avec une très belle réflexion sur le droit d’auteur vu de Chine. On peut aussi rebondir sur le nouveau Rambo, qui est chinois, qui sauve l’Afrique contre les méchants occidentaux : tout le monde aura reconnu « Wolf Warrior 2 » croisé dans le doc 1.

 

  • Dossier sur The Wire : changement d’échelle, questionnement en sciences politiques, objet d’études universitaires là aussi c’est un excellent support qui permet de sortir du jeu de puissance et de montrer d’autres acteurs, d’explorer la critique de la société américaine, la question du racisme dans ce qui est aujourd’hui l’Amérique de Trump.

 

  • Carte de l’influence de Nollywood : un peu d’exotisme pour les élèves à compléter avec les vidéos proposées. Approche qui a le mérite de sortir des considérations purement occidentales ou chinoises : le soft power du Nigéria existe et il cartonne ! À mettre en perspective avec la situation toujours instable du pays.

 

  • Article sur la géopolitique et les feuilletons turcs : ici aussi un peu d’exotisme « mais pas que ». Qui savait que la Turquie produit plus de séries et touche, selon les régions du monde, plus de consommateurs que les séries US ? Que Netflix s’est emparé du phénomène ? Que ces séries sont un véritable enjeu géopolitique au point de voir la situation en Syrie peser sur les financements des productions ? Là aussi il y a beaucoup à tirer.

 

Phase 3 – Ouvrir à la culture personnelle

 

L’approche sera ici nécessairement plus magistrale. L’objectif est de montrer aux élèves que la curiosité intellectuelle, les lectures, les recherches diverses et variées peuvent et doivent nourrir toute réflexion pour donner véritablement de la substance à la grille d’analyse définie. Ici seront mobilisées les connaissances acquises par ailleurs et c’est donc bien l’occasion de tisser des liens, à reproduire toute l’année et en Terminale, avec les enseignements du tronc commun et des passions plus personnelles. Voici quelques pistes à compléter selon vos propres approches. Bien entendu ces exemples sont aussi largement exploitables, au collège comme au lycée. Ces œuvres ne sont pas à proprement parlé « geek » et nous sommes dans une approche plus classique de l’étude aux médias via le cinéma. Ce peut d’ailleurs être une porte d’entrée avant de choisir des œuvres appartenant plus spécifiquement à la pop culture.

Le XXe siècle, porté par les révolutions technologique, s’est imposé comme le siècle de l’image et on ne peut pas dire que la tendance soit au reflux. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la place majeure du cinéma en géopolitique. Cette dernière  ne peut laisser de côté l’approche culturelle, les représentations. Si la chronologie proposée dans l’activité précédente a posé quelques jalons du temps long, il faut aller plus loin et faire quelques focus.

 

Le manichéisme est une puissante grille de lecture qu’il faut questionner avec rigueur pour en démonter les fils

 

  • Une présentation de Sergueï Eisentein qui, au nom de la propagande voulue par Staline présente de façon binaire les faits peut  tout à fait porter les élèves à sortir des sentiers battus de leurs représentations. Très souvent le cinéma hollywoodien est présenté, à raison, comme manichéen avec son happy end et ses méchants. Une étude du « Alexandre Nevski » montrerait que cette approche est rigoureusement identique. En 1938 l’autre, l’ennemi, l’Allemand, est un barbare qui ne parviendra pas à triompher de la Russie. Et puis c’est l’occasion de faire passer du Prokofiev !

On pourra aussi élargir la réflexion et questionner la rupture et la continuité. Rupture de la révolution bolchevique, continuité de la mise en valeur d’une Russie éternelle que l’on retrouvera pendant la « Grande guerre patriotique » où Staline n’hésitera pas à convoquer les héros du passé. Voir à ce sujet le nom des grandes opérations de libération type « Bagration » à l’été 44.

 

Étudier des oeuvres témoignant des bouleversements de leur époque
  • => Comme ce sera le cas pour le thème sur la Démocratie, pour étudier un système politique on peut prendre appui sur des œuvres témoins. Je pense ici au « Testament du Docteur Mabuse » de Fritz Lang pour le totalitarisme (film de 1933) tout comme d’ailleurs au « Nosferatu » de Murnau dans lequel la peste prend tout son sens dès lors que l’on remet le film dans son contexte d’une Allemagne économique dévastée des années 20 (le film date de 1922).

 

Confronter le temps long et ses représentations à travers le monde
  • => Au cœur des rapports de puissance et de l’étude des médias, aborder le cinéma de propagande sur le long terme et selon divers espaces culturels et en cherchant à sortir des sentiers battus :

« La Guerre des Empires » (2010) de Nirattisai Kaljareuk sur le nationalisme thaïlandais.

 

« Kolberg » (1945) de Veit Harlan et Wolfgang Liebeneiner, produit en pleine agonie du Reich, pure produit de propagande jusqu’au-boutiste.

 

« Naissance d’une nation » (1915) de David Wark Griffith, immense film pour appréhender la construction des représentations américaines.

Focus : une même période vue à travers des oeuvres différentes
  • => Il peut être aussi possible de prendre une période et de voir comment cette dernière est traitée par le cinéma ou les séries télévisées. On songera à la guerre du Vietnam, à celle d’Algérie, aux conflits actuels ou au second conflit mondial. Je dois dire que ce dernier présente sans doute le plus de possibilités simples à travers des questionnements multiples et d’actualité.

*traitement de la mémoire des camps dans le cinéma entre 1945 et nos jours. Les exemples sont multiples et seront abordés en profondeur en Terminale.

*étude comparée du « Jour  le plus long » et de « Il faut sauver le soldat Ryan » avec une guerre quasi joyeuse et héroïque en pleine guerre froide (1962) sous la direction de Ken Annakin et Andrew Marton et une approche plus crue et réaliste dans le film de Spielberg en 1998. Le film de guerre « made in hollywood » est à lui seul un sujet immense et accessible.

*sans doute moins connu mais tout aussi intéressant : le front de l’Est au cinéma. Mettre en relation par exemple la destruction de Varsovie à travers « Ils ont combattu pour la patrie » de Sergueï Bondartchouk et le « Insurrection » de Jan Komasa traduction française de « Varsovie 1944 ». La vision des faits illustre pleinement les tensions actuelles entre Moscou et Varsovie. Ceci peut aussi fonctionner avec la bataille de Stalingrad vue par le cinéma allemand et russe.

*Pour aborder le temps long du conflit et la question des mémoires, on peut explorer la vision allemande de la guerre et ses impacts. Pourquoi pas partir de « Generation War », la série sortie en 2013.

On y retrouve un regard sur le passé par le pays vaincu, mais aussi une ancienne puissance du cinéma qui s’ouvre de plus en plus à l’international, au point de proposer une suite au « Das Boot » de W.Petersen.

Qu’en faire ? Étudier le retour d’un soft power à l’allemande, du moins le questionner. S’intéresser à la ville de Berlin et à son rayonnement via les studios de Babelsberg. Mettre en relief les critiques vis-à-vis de la domination allemande dans l’UE actuelle, critiques économiques d’une forme d’hégémonie. Ceci pourra être abordé dans la définition de la puissance plus tard dans l’année. On peut aussi comparer les approches françaises et allemandes dans le traitement des mémoires et questionner les enjeux politiques et géopolitiques en explorant la notion de rayonnement. On pourrait aussi prendre une approche similaire avec le Japon qui produit désormais des œuvres assumant le passé et le questionnant sans pour autant que ceci soit nécessairement connu à l’étranger.

Enfin toujours pour ce conflit, on pourrait aussi s’attarder sur la vie quotidienne, sur les personnes simples et voir comment le cinéma s’est emparé de ces acteurs pris dans la tourmente. Les histoires d’amour sont à ce titre fascinantes de puissance mobilisatrice que ce soit d’une façon légère avec le « Guerre et passion » de Peter Hyams (1979), d’une façon plus dramatique avec le « Lucie Aubrac » de Claude Berri (1996), ou d’une façon simplement sublime avec Terrence Malick dans « Une vie cachée » (il sort en décembre prochain) racontant la résistance, par amour, d’un paysan autrichien face au nazisme.

 

La Science-fiction au service de l’analyse de problématiques contemporaines
  • => Dernière piste qui sort un peu plus de sentiers battus : partir d’une problématique actuelle comme le réchauffement climatique et ses conséquences et voir comment le cinéma s’en empare. Il y aurait bien entendu les films catastrophes hollywoodiens type « Le jour d’après » ce qui permettrait de questionner le rôle des acteurs, des ONG, des États, celui des Pays du Sud que l’on voit ouvrir les frontières pour accueillir les réfugiés américains dans le cas du Mexique … Nous pénétrons ici dans la partie Blockbusters chère à la « Culture Geek ».

Mais je pense plus encore à la structure narrative consistant à fabriquer un ennemi pour faire triompher le bien, ce qui reprend donc aussi le thème du manichéisme présenté plus tôt. À chaque période son adversaire : la guerre froide a charrié son lot d’adversaires communistes ou assimilés ; les Martiens de « La guerre des mondes » ou « La chose d’un autre monde » sorti en plein délire maccarthyste en 1951.

On pourrait tout à fait s’intéresser aux méchants dans James Bond pour creuser ce qu’ils nous disent de l’époque des films et des rapports de force. Mais il y a encore mieux : « Godzilla 2 » et « Avengers endgame », tous deux sortis cette année, « Endgame » concluant l’arc narratif ouvert par « Infinity war » lui de 2018, offrent une approche intéressante des problématiques actuelles. Dans les deux cas, le mal, l’ennemi suprême est intelligent, des activistes résolues appuyés par une scientifique de renom et un extraterrestre implacable et totalement réfléchi dans le cas de Thanos. Or que proposent ces deux films ? Et bien face aux délires des humains, à leur capacité à tout détruire à commencer par leur planète, autant en éradiquer une bonne partie. Pour Thanos ce sera grâce à des pierres d’infinité, pour les activistes ce sera en réveillant des monstres que Godzilla, le véritable maître de la planète, devra affronter. Là aussi le temps long et le changement d’échelle peut être percutant : ces thématiques ont été exploitées par le passé, les années 70 offrant une belle réflexion avec un « Soleil Vert » ou la Corée du Sud offrant en 2009 dans « The last day » une version plus confidentielle mais démontrant que ces questionnement ne sont pas l’apanage de l’Occident.

Il faudrait par ailleurs étudier les entrées au box office, pourquoi pas les cartographier pour mesurer l’impact potentiel sur les pays développés ou non. Bref, autant de piste qu’il appartiendra à chacune et chacun de méditer.

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Conclusion

On le voit, les exemples sont légions. Tout au long des articles qui vont suivre je proposerai de sortir un peu des sentiers battus en utilisant à plein la pop culture. Cette séquence sur le cinéma et les séries télévisées est donc une façon de montrer aux élèves qu’il est possible d’appliquer la grille de lecture de cette spécialité à de multiples sujets et que la culture doit être utilisée sous toutes ses formes.

Prochaine aventure de cette boîte à outil : Culture Geek et Démocratie.

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Pistes de lecture

D.Peyron, Culture Geek, FYP éditions, 2013

H.Jenkins, La culture de la convergence, des médias au transmédia, traduit de l’anglais par Christophe Jaquet, Armand Colin, 2014

J.Ditmer, Popular culture Geopolitics, and Identity, Lanham, Rowman and Littlefield, 2010

D.Jackson, Entraitainement and politics : The Influence of Pop culture on Yong adults political Socialization, New York, Peter Lang, 2009

J.Storey, Cultural Theory and Popular Culture, Routledge (8ème édition), 2018

C.Boggs and T. Pollard, The Hollywood War Machine : U.S. Militarism and Popular Culture, Routledge (2nde édition), 2017

Ressources disponibles en ligne :

https://www.culturalpolitics.net/

https://www.erudit.org/fr/revues/ps/2012-v31-n1-ps0364/1013131ar/