Le JEUDI 7 OCTOBRE 2021 avait lieu une conférence proposée par l’INSEE à BLOIS: GOOGLE AMAZON, FACEBOOK… LES GAFA EN SAVENT-ILS PLUS QUE L’INSEE SUR LES FRANÇAIS ? Oui et il faut sérieusement s’en inquiéter ! Le débat était animé par Christian CHAVAGNEUX journaliste et éditorialiste d’Alternatives-Économiques (1), avec Nathalie SONNAC (Professeure des Sciences de l’information et de la communication à l’Université de Paris II et Membre du CSA pendant 6 ans) et Jean-Luc TAVERNIER (Le Directeur Général de l’INSEE). La conférence a été riche et dense devant une salle comble.

La force de frappe du savoir : En préambule, Christian CHAVAGNEUX évoquait ce pouvoir  « qui découvre, accumule, stocke et communique des données jugées économiquement et socialement importantes».

Comment les GAFA nous font tourner la tête !

Nathalie SONNAC, a ensuite fait un panorama complet sur l’écrasante domination des GAFA (Acronyme pour Google, Amazon, Facebook et Apple) : 88% des Français, âgés de 12 ans et plus, déclarent être connectés à l’internet et se connectent tous les jours. 63% l’utilisent pour suivre l’actualité, soit plus d’une heure et demi de consommation journalière !

Douze plateformes internationales font tourner plus d’un milliard d’utilisateurs et deux d’entres elles, dépassent les deux milliards : Facebook et Google. La société de Zuckerberg fondée en 2004 est la plus grande base de données de l’humanité avec 3 milliards d’inscrits ! Ces acteurs privés ont des pouvoirs quasiment régaliens grâce aux systèmes de paiements et de revente en ligne. Ils jouent aussi un rôle de police avec une capacité partielle de modération des contenus. Leur modèle économique hégémonique repose sur des réseaux croisés entre les internautes et les espaces publicitaires. Grâce à la gratuité, le serveur devient particulièrement attractif. Il permet la collecte massive et l’exploitation des données (BIG-DATA) par le biais des algorithmes et de l’intelligence artificielle.

« like » !

Ces données ont une énorme valeur : L’internaute déclare son profil, son âge, ses préférences et partage ses favoris. L’ensemble des informations, même résiduelles, sont revendues à des entreprises. Il s’agit d’un immense marché de prédation des données de plusieurs milliards de dollars. Ce business passe par la revente et propose des services en adéquation via la publicité. Google aspire/siphonne complètement le marché de la publicité en ligne au détriment du secteur de l’information et de la communication. D’où des questions d’éthique : la collecte se fait à notre insu.

Les enjeux : accumuler des dollars

Les GAFA ont une puissance politique supérieure à certains États. Ces FTN (firmes trans-nationales) peuvent faire vaciller nos démocraties. Par exemple, lors du scandale Cambridge-Analytica où des électeurs ont été influencés peu de temps avant l’élection de Trump. Ou avec l’affaire de la suppression du compte Twitter du président américain. Quand douze plateformes hégémoniques possèdent d’autres plateformes, quand des géants possèdent des géants, l’efficacité redoutable fait peur ! Ainsi Google possède YouTube. Facebook possède WhatsApp et Instagram.

70% des jeunes de 20 à 35 ans, font leur consommation d’actualité sur les réseaux !

Comment réguler ces géants ?

Cinq moyens ont été évoqués. En France, la loi du 22 décembre 2018 lutte contre les fausses nouvelles (fake-news)(3) après les Wikileaks et les macron-leaks. Le CSA, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (4) oblige les géants à coopérer avec les États. La RGPD : La Réglementation Générale de la Protection des Données, est un garde fou. Dans l’UE, La directive du DSA (Digital Service Act) vise à responsabiliser le contenu des plateformes. Aux USA, la juriste Lina Khan, nommée par le nouveau président Biden, s’attaque au monopole de Facebook. Mais en même temps Amazon possède une place hégémonique dans la culture avec Kindle (pour le livre), Prime-vidéo (pour les films), Alexa (les objets connectés), MGM (les studios cinématographiques).

Pour lutter contre les GAFA, L’INSEE n’aurait besoin que de 12 MILLIONS d’€/ an !

2: Quels sont les défis pour l’INSEE ? D’après son directeur Général Jean-Luc TAVERNIER, Google en sait plus sur chaque Français que l’INSEE. Google peut produire de la statistique publique, l’accès est certes immédiat, il n’y a pas de coût d’acquisition, le géant ne demande rien aux personnes et donne l’illusion d’une homogénéité entre les pays.

Google peut-il prendre la place de l’INSEE ? Même si google a de quoi inquiéter, il n’y pas de couverture complète de la population (illectronisme), Google ne tient pas compte de la représentativité de l’ensemble de la population. Le panel est instable. Il n’y a pas d’échantillon redressé, aucune contextualisation et beaucoup d’imprécisions dans les résultats. Traiter une information reste un travail de statisticien (5).

L’institut fait des analyses beaucoup plus fouillées avec des protocoles d’enquête auprès des ménages sur des phénomènes sociaux. Il existe encore une forte demande de la société civile, des chercheurs et des élus, par exemple sur des sujets comme les conditions de vie, de logement, de la mobilité sociale. Il peut y avoir concurrence sur l’outil statistique de l’indicateur conjoncturel. La donnée google est rapide mais superficielle. Le google-trend (l’analyse des tendances) ne fonctionne pas correctement sur le champ lexical par exemple sur le thème du bien-être. Google apporte peu de valeur ajoutée. Lors du confinement, google-mobility (?) a pu faire un bruit mais s’est avéré peu fiable sur la profondeur des analyses. L’INSEE reçoit gracieusement des statistiques d’entreprises et de transactions de cartes bancaires. L’institut plutôt que d’accepter la dégradation de l’information, arbitre entre robusticité de l’information et rapidité. L’INSEE ne met pas dans le domaine public des données dont l’institut n’est pas sûr. L’organisme public fait davantage preuve de discernement, pour une information de meilleure qualité mais reconnaît avoir perdu la bataille de la communication contre les GAFA. La diffusion est un enjeu majeur. Autrefois les médias conventionnels assuraient un bon relai. Aujourd’hui l‘institut s’intéresse au public jeune et veut proposer des sources plus fiables avec son portail (5), sa bibliothèque (6) et son blog (7). Ses informations sont en sécurité sur des serveurs malgré le risque de piratage, malgré la cybercriminalité. Les données individuelles sont anonymisées. L’institut doit rendre compte de ce qu’elle fait.

En définitive, l’INSEE, malgré ses faibles moyens joue la carte de la qualité contre la quantité. L’édifiante conférence aux « Rendez-vous de l’Histoire » de Blois est une invitation à mieux faire connaître ses outils.

 

(1) https://www.alternatives-economiques.fr/

(2) Nathalie SONNAC « La presse magazine en France : essai d’analyse économique »Thèse de doctorat en Sciences économiques Sous la direction de Annie Louise Cot. (1996).Pour voir une dizaine des thèses instructives dirigées/suivies par Nathalie SONNAC https://www.theses.fr/034471618#auteurSoutenue

Nathalie Sonnac au CSA: https://www.csa.fr/Informer/Toutes-les-actualites/Actualites/Nicolas-Curien-et-Nathalie-Sonnac-nommes-membres-du-CSA

(3) LOI n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information (1) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037847559/

(4) https://www.csa.fr/

(5)Portail et catalogue de l’INSEE https://bibliotheque.insee.fr

(6) La Bibliothèque numérique de la statistique publique https://www.bnsp.insee.fr

(7) Le blog de l’INSEE : blog.insee.fr