« Si le goût de François Ier pour l’art italien est bien connu et son mécénat essentiellement identifié à la création du foyer italianisant de Fontainebleau, son règne ne s’inscrit pas moins dans une tradition très vivace d’implantation en France d’artistes originaires des Pays- Bas.
Les plus connus d’entre ces artistes du Nord actifs en France sous son règne, Jean Clouet et Corneille de La Haye dit Corneille de Lyon se spécialisèrent dans le portrait. Mais tant à Paris que dans les foyers normands, picards, champenois et bourguignons, s’est largement épanouie, dans l’art du manuscrit enluminé et dans la peinture religieuse principalement, une vague d’influences septentrionales – anversoises, bruxelloises, leydoises, haarlémoises – que les recherches récentes ont peu à peu révélées en ressuscitant des artistes injustement tombés dans l’oubli. Godefroy le Batave, Noël Bellemare, Grégoire Guérard, Bartholomeus Pons, et d’autres encore anonymes et non moins talentueux, qui se sont illustrés dans des techniques aussi diverses que l’enluminure, la peinture, le vitrail, la tapisserie, la sculpture. Le roi acheta par ailleurs abondamment des tapisseries, des pièces d’orfèvrerie et des tableaux flamands.
L’exposition fait ainsi ressurgir tout un pan méconnu de la Renaissance française et se propose d’en explorer la variété, les extravagances et la monumentalité. »

Chronologiquement, cette exposition se concentre exclusivement sur le règne de François 1er, de 1515 à 1547. Plusieurs thématiques découpent l’exposition, centrées sur différents artistes identifiables de la période (un peu plus d’une dizaine) et le mécénat de François 1er. Il me semble que le titre de l’exposition aurait dû être formulé autrement afin de mieux correspondre à son contenu « l’art des Pays-Bas sous François 1er », l’activité de mécène du roi de France n’étant qu’un des aspects de cette riche exposition. Les pièces présentées, (peintures sur bois, dessins, vitraux, sculptures, enluminures) viennent de France (Troyes, Reims, Nancy Auxerre, Paris), d’Europe (Anvers, Francfort, New Aven, Bergame, Vatican …) et des Etats-Unis (Washington) ; on note la présence des portraits d’Henry VIII et d’Eléonore d’Autriche réalisés par Joos van Cleve conservés au château de Windsor et prêtés pour l’occasion par Elizabeth II.
Comme le souligne la présentation officielle, cette exposition exigeante a le mérite de casser le cliché d’un François 1er exclusivement intéressé par l’art italien et de montrer que les arts en France ne se résument pas à Léonard de Vinci. Un autre courant stylistique issu du Nord Le nord est une expression désignant l’ensemble géographique englobant le nord de la France, la Belgique et les Pays-Bas actuels. et collectionné par le Roi, maintient à l’époque son influence en France ce que la recherche, actuellement en pleine effervescence, démontre. Le défi à relever est de taille : à cette époque, rares sont les artistes qui signent leurs œuvres. Le travail de comparaison et de recoupement qui a été opéré ces dernières années permet ainsi de présenter cette exposition.
L’une des premières pièces présentées est le portrait équestre de François 1er, réalisé par Jean Clouet, artiste « non natif de notre Royaume » Expression employée par François 1er lors du décès de l’artiste., probablement originaire de Valencienne, alors ville de l’Empire.


Jean Clouet, Portrait équestre de François Ier, © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)

Cette gouache sur velin s’inspire de la statue équestre de l’Empereur Marc-Aurèle placée à Rome sur la Capitole. Le traitement pictural, riche et puissant, est représentatif de l’art flamand et non italien contrairement à ce que l’on pourrait penser au premier abord.
L’autre œuvre majeure de Clouet, le portrait royal de François 1er qu’il a réalisé est présentée dans une autre partie de l’exposition.


Jean Clouet, François Ier, roi de France, réalisé vers 1530, département des peintures, musée du Louvre © RMN – Grand Palais (Musée du Louvre) Michel Urtado

L’exposition met en valeur d’autres artistes dont la connaissance a progressé ces dernières années. Personnellement, je retiens en premier les œuvres caractéristiques du Maître d’Amiens, très représentatives du maniérisme anversois : Au juste poids véritable balance, une huile sur bois offerte à la cathédrale d’Amiens en 1518 et surtout La mort de la Vierge sont remarquables par la richesse des représentations pour le premier et les visages hallucinés de quelques apôtres et à l’agonie prononcée de Marie pour le second.


Maître d’Amiens La mort de la Vierge, huile sur bois, détail, Anvers, Museum Mayer Van Den Bergh, inv. 189

Une autre partie fait la part belle aux œuvres identifiées de Noël de Bellemare dont la redécouverte depuis une trentaine d’année alimente un « domaine de recherche en pleine évolution ». Ses œuvres, dont de magnifiques vitraux qui ont échappés aux destructions de la Seconde Guerre mondiale, sont exposées à proximités de celles de Godefroy le Batave constituées d’enluminures et de miniatures remarquables. La précision du dessin impressionne le visiteur qui peut malgré tout se sentir un peu frustré. En effet, il est dommage qu’une loupe ou un agrandissement n’ait pas été prévu par les organisateurs afin que le visiteur puisse mieux apprécier la finesse d’exécution du dessin, de très petite taille (environ 4 centimètres de diamètre).

Enfin, je retiens la section de l’exposition consacrée aux portraits réalisés et attribués par Corneille de Lyon, artiste né à La Haye, peintre du Roi et installé dans la cité rhodanienne. Ses petits tableaux sont présentés sur fond noir ce qui a pour effet d’augmenter la vivacité de certains visages expressifs.


Corneille de Lyon Portrait de Pierre Aymeric, 1534, peinture sur bois, Paris, Musée du Louvre, département des peintures, RF 1976-15

Le portrait de Pierre Aymeric, un marchand de Saint-Flour, réalisé en 1534 est le seul certifié de la main de Corneille de Lyon. Les autres lui ont été attribués ou restent anonymes, mais illustrent l’influence élégante que ce Maître a pu avoir auprès d’autres artistes.

L’exposition s’achève astucieusement sur la présentation d’œuvres influencées par l’art italien. En 1528, François 1er décide d’aménager le château de Fontainebleau et fait appel pour cela à des artistes italiens, français mais aussi flamands dont Léonard Thiry et le mystérieux Maître I ♀ V dont quelques gravures à l’eau-forte sont présentées en guise de final.
Enfin, il faut également signaler l’exposition du très beau livre d’heures de François 1er mis à la vente par un collectionneur privé londonien. Le Louvre cherche à l’acquérir dans le cadre de l’opération « Tous mécènes ». Détails sur le site : http://www.tousmecenes.fr

Cécile Dunouhaud

Informations utiles :
– Temps global de visite estimé : environ 2h30
– Tarif : exposition gratuite pour les détenteurs du Pass Education. Prendre un billet aux bornes à l’entrée et le présenter avec le Pass Education.