César et la guerre

 

La salle des Etats-Généraux du château de Blois accueille Yann Le Bohec pour son « César et la guerre ». 

 

Yann Le Bohec est professeur émérite de l’Université Paris IV-Paris Sorbonne. Il est un spécialiste d’histoire militaire concernant Rome. Cet ouvrage tout récent a pour but de renouveler ce que l’auteur avait déjà dit dans un premier ouvrage de 2001 intitulé César, chef de guerre, réédité dans la collection « Texto » en 2019. 

César compte au nombre des plus grands chefs de guerre de tous les temps et, pour l’Antiquité, il se trouvait au niveau d’Alexandre ou d’Hannibal. Parfaitement formé au commandement par son éducation, il connaissait tout de la tactique, de la stratégie, et des mille activités qui font le grand général : logistique, renseignement, génie, connaissance du terrain… En outre, il savait parfaitement comment vanter ses mérites et comment présenter ses échecs en succès.

Pourquoi un nouvel opus sur César ?

L’historien allemand Karl Christ a travaillé sur le visage de César, en disant que chaque biographe avait son César à lui… Depuis « César, chef de guerre » rien n’avait été écrit de nouveau sur cet immense stratège militaire, comparable à Alexandre et à Hannibal.

Pourtant, de nouveaux éclairages sur la Guerre des Gaules et la Guerre Civile – ses deux plus grandes campagnes – légitimaient une parution nouvelle. 

Quelques repères concernant le personnage :

Une naissance illustre

Caius Julius nait 13 juillet de l’année 100 av JC dans une famille de patriciens illustres mais désargentés. Son père n’ayant pu arriver au Consulat, ne s’est pas enrichi sur le dos des vaincus. 

Il est apparenté à Caius MariusGénéral et consul romain, chef du parti des Populares  et à Vénus, déesse de l’amour, mais aussi celle qui accordait la protection aux chefs de guerre. 

Il a fait de solides études, historiques notamment. Il a ainsi une grande connaissance des exploits militaires d’Alexandre et d’Hannibal. C’est également un sportif exceptionnel, grand nageur et grand chevaucheur, à l’instar de l’élite de l’Empire britannique à un autre siècle…

Une carrière militaire et politique exceptionnelle

À 20 ans, il reçoit une couronne de service civique pour avoir sauvé la vie d’un Romain.

Capturé par des pirates, il se plaint d’une rançon trop faible et revient comme promis pour les faire crucifier.

En 59, à 41 ans, il forme le 1er triumvirat avec Pompée et Crassus pour se partager les fonctions de dirigeants de la République. Il est nommé Proconsul en Gaule à partir de 58. 

Comment César et ses légions ont-ils pu vaincre des guérillas réputées invincibles  ?

Les adversaires des Romains ont adopté plusieurs tactiques différentes, dont des guérillas originales.

Ainsi, les Vénètes, Celtes armoricains, qui, en 57,  refusent de payer tribut. César fait alors assiéger leurs cités. Les « rouliers de la mer »  choisissent la tactique de la « déception ». ils s’enferment dans une ville fortifiée et obligent César à préparer une grosse logistique de siège. Une fois César installé, ils fuient à marée haute – phénomène que les Romains ignorent – vers une autre ville fortifiée. 

Mais César sait s’adapter. Pendant l’hiver, il fait venir de nouveaux bateaux auprès des peuples gaulois alliés (Poitou-Saintonge), puis oblige ses ennemis à une bataille navaleCésar aurait observé les combats menés par son fils adoptif Décimus Julius Brutus soit du tumulus de Tumiac soit du cairn du Petit-Mont… décisive.

Quand aux Eburons (nord de la Belgique actuelle), leur roi, Ambiorix, mécontent de la prise des quartiers d’hiver des légions de César près de son royaume, leur avait tendu un piège en massacrant 7500 Romains. César se venge en se livrant à un « génocide » sur les Eburons. Ils ne sont plus jamais cités ensuite dans les chroniques.  

Sur Vercingétorix, nous disposons tout au plus d’une soixantaine de lignes sur le personnage, alors que des dizaines de livres lui ont été consacrés. À Alésia, César a dressé un rempart de type poutres-pierre, qui a été entouré de deux lignes de défense, sans compter les camps romains derrière.  Une bataille au nord-ouest a bien été déclenchée par Vercingétorix contre un des camps. Mais n’ayant pu percer les défenses romaines, affamé, il a fini par se rendre.

En fait, César gagne car il choisit toujours de combattre l’ennemi le plus fort face à lui. Pendant la Guerre civile, son premier objectif est bien la conquête de l’Italie contre Pompée. En 48, Pompée est en déroute après la bataille de Pharsale. En Espagne, la guerre se termine par le siège de Mundala BnF possède une enluminure du 16e siècle illustrant la bataille de Munda. en 49 avant JC.

Sur le plan opérationnel, comment  l’armée de César combat-elle ? 

La Guerre des Gaules, a été écrite année après année. On peut néanmoins en retracer quelques constantes à la fois liées à l’organisation militaire en légion et au génie militaire propre de César. 

En rase campagne, les deux  premières lignes doivent combattre alternativement selon la fatigue, tandis que la 3e ligne les empêche de reculer. 

La poliorcétique était maitrisée par César et ses officiers. Il semble que le grand architecte Vitruve ait fait partie de son armée. 

La place de la logistique

Une armée qui se déplace, c’est beaucoup de logistique. Yann Le Bohec a inventé le terme de « contre-logistique » pour qualifier comment César prend l’avantage à ce niveau. Il s’agit pour lui de demander des compensations importantes en matériel aux peuples vaincus et aux alliés. Pour les Romains et César en particulier, il n’y a pas d’alliés qui leur soient comparables sur le plan militaire comme civilisationnel.

César peut aussi faire preuve de mansuétude, essentiellement pour des raisons tactiques. Les prisonniers de guerre sont réduits en esclavage. À Alesia, cela représente entre 50 et 100 000 personnes. La moitié est cependant partie libre, notamment les Arvernes et les Eduens que César considéraient comme des grands peuples. 

Une importance particulière aux signes divins

La question est souvent posée : « César était-il athée ? »

Non, il était épicurien, donc croyant aux Dieux. Car il attachait énormément de sens aux signes, comme toute la tradition romaine du combat l’atteste. Il s’en servait également comme un avantage tactique.

Quand il franchit le Rhin pour combattre en Germanie, il invoque la supériorité de Vénus, sa protectrice sur le dieu germain du Rhin. Quand il traverse la Manche pour faire des incursions chez les Bretons, c’est en évoquant l’amitié et les alliancesCf. L’Iliade et l’Odyssée… entre Neptune et Vénus.

Ces incursions dans des contrées « exotiques », à l’instar d’Alexandre, son modèle, non connues de Rome, augmentait également son prestige auprès du Sénat et de la population romaine…

Question du public 

Q1 La guerre des Gaules, c’est une source fiable ?

L’historien romain Dion Cassius (v. 155 – ap. 235) cite comme source celle d’un ennemi de César. D’où son intérêt : nous avons ainsi deux sons de cloches. 

Il est de toute façon attesté que César a fait sa pub et est un grand menteur. Raconter ses hauts faits ne peut que le servir politiquement. Il n’empêche que le récit des années en Gaule, sorte de compte-rendu chronologique à l’intention du Sénat romain, fourmille d’informations sur la guerre de César. 

Q2 : Quelles pertes durant la guerre des Gaules ? 

Nous n’avons pas de statistiques. Ce que nous pouvons dire : l’estimation couramment retenue est de 3 millions de Gaulois sur la Gaule (France + Belgique). 1 M seraient morts, ou vendus comme esclaves. 

César aurait fait la guerre avec une dizaine de légions (50 000 soldats) dont 5 ont disparu (soit 25 000 légionnaires). 

Q3 : Quel rôle joue la cavalerie ? 

Comme toujours dans la légion, un usage classique d’appoint sur les ailes. 

Q4 : Quelles forces en présence lors de la bataille d’Alésia ? 

Côté romain : 50 000 légionnaires et 50 000 auxiliaires gaulois et helvètes.

Côté gaulois, 60 000 guerriers dans Alésia, et 200 000 pour l’armée de secours. 

Q5 : Quelle est l’ambition de César ?

Avoir le pouvoir dans la Curie, alors qu’il avait chevauché dans un vaste monde. Avec l’enrichissement et les victoires, il pouvait y prétendre. 

La guerre civile en 49 avant J.-C. : Etude d’histoire militaire

Par Yann Le Bohec – Sorbonne Université

 

Pour retrouver tous les compte-rendus des Rendez-Vous de l’Histoire de Blois 2021 :

https://www.clionautes.org/clio-festivals/rvh/blois-2021