1942 est une année de bascule : sur tous les théâtres – Pacifique, Afrique du Nord, Front de l’est – la Seconde Guerre mondiale change de dynamique. Après une domination allemande en Europe et japonaise dans le Pacifique, les alliés reprennent l’initiative par une série de victoires militaires et d’avancées technologiques (projet Manhattan, bombardement stratégique…). C’est particulièrement vrai sur le théâtre marin le plus important de la guerre, le Pacifique, avec les premiers engagements « au-delà de l’horizon », la fin de l’ère des grands bâtiments et la consécration des porte-avions, ou encore le début d’une forme de guerre amphibie.

Intervenants

Cyril AZOUVI est journaliste pour le mensuel Management, et auteur du livre Le jour où l’Amérique a vu la guerre : 1943, le traumatisme de la bataille de Tarawa.

Julien PELTIER, est un historien spécialiste du Japon médiéval (Le Crépuscule des Samouraïs, Sekigahara. La plus grande bataille de samouraïs, Le Sabre et le Typhon), il collabore au magazine Guerres & Histoire et il est aussi infographiste.

Nicolas GRAS-PAYEN, directeur des éditions Passés Composés présente 1942, le livre coécrit par Cyril Azouvi et Julien Peltier qu’il vient de publier avec une préface d’Olivier Wieviorka. Il est construit nous dit-il, autour de trois outils « pour raconter une histoire un peu différente » : des textes synthétiques, une infographie qui apporte des éléments complémentaires, des images qui doivent elles aussi dire encore autre chose. L’originalité de la démarche résulte du dialogue entre ces trois outils.

Un enregistrement sonore de la table ronde est disponible. 

1942 est une année de bascule

1942 est une année de bascule : sur tous les théâtres – Pacifique, Afrique du Nord, Front de l’Est – la Seconde Guerre mondiale change de dynamique. Après une domination allemande en Europe et japonaise dans le Pacifique, les alliés reprennent l’initiative par une série de victoires militaires et d’avancées technologiques (projet Manhattan, bombardements stratégiques…). Mais 1942 laisse aussi une empreinte indélébile sur les sociétés européennes, la Shoah prenant alors sa dimension industrielle tandis que les Résistances partout émergent avec force.

Le livre ne raconte pas l’année 1942 dans tous ses aspects, mais ne développe que les moments de bascule. En accord avec le thème des Rendez-vous de l’Histoire, l’objectif de la conférence est plus limité : il traite de cette bascule  dans l’espace pacifique et méditerranéen, rien ne changeant fondamentalement en 1942 dans la bataille de l’Atlantique. Le livre contient 70 infographies dont certaines sont projetées, ainsi que des images, et commentées par les deux intervenants. Ils ont choisi d’insister sur quelques aspects qui sont très pédagogiquement présentés.

La guerre change de rive

L’Axe est chassé d’Afrique du Nord avec le débarquement de novembre 1942 et les batailles qui s’en suivent. Les combats prochains auront lieu sur les rives européennes, Sicile et Italie. Pour l’amiral Yamamoto, l’opération de Pearl Harbor a eu pour but de gagner du temps, le temps nécessaire à la conquête d’un vaste espace qui sera la « sphère de coprospérité ». Par la suite, les Japonais se sont auto persuadés de leur supériorité morale et militaire et de la décadence américaine. Les Japonais sont chassés du Pacifique oriental, après la victoire américaine de Midway, la guerre passe sur les rives occidentales du Pacifique.

L’infographie met en relation les éléments géographiques et les éléments chiffrés et montre la bascule du rapport de force de la suprématie aéronavale japonaise à l’offensive américaine. Deux mois après Midway a lieu le débarquement à Guadalcanal dans les îles Salomon. C’est le début d’une nouvelle forme de guerre, la guerre amphibie. La bataille dure six mois, c’est le « Verdun du Pacifique ».

Pacifique et Méditerranée sont des enjeux : le Japon manque de matières premières et son impérialisme le met en confrontation avec les intérêts américains. L’Italie a des prétentions impérialistes en Méditerranée qui l’amènent à rencontrer la puissance britannique, l’Allemagne doit venir à l’aide des Italiens et découvre l’intérêt stratégique de la Méditerranée, dont le contrôle permettrait de couper l’approvisionnement soviétique par l’Iran. En Méditerranée les batailles se passent sur les côtes, il n’y a pas de combat aéronaval. Il faut inclure les Balkans dans ce schéma. L’Allemagne se trouve engagée dans la conquête de la Grèce et lance une opération sur la Crête. Malte ne sera jamais conquise et reste une épine dans le pied de l’Axe en Méditerranée.

Porte avions, les rois des mers

Ils sont les outils de la suprématie et vont régner sur les océans à partir de 1942. Les flottes désormais s’affrontent sans se voir, ce sont les « batailles au-delà de l’horizon ». Les premiers porte-avions étaient des navires classiques dont on avait converti la coque. Les Américains inventent une nouvelle génération, avec ascenseur latéral. Midway, c’est la victoire des porte-avions. La marine impériale japonaise est décapitée. Cette suprématie du porte-avions est définitive, il n’y aura plus d’affrontement de cuirassés. Le concept est appliqué à des territoires : Malte est un porte-avions dans l’espace méditerranéen et toute la reconquête de l’espace pacifique est fondée sur la conquête d’îles sur lesquelles sont construites des aérodromes qui permettent de passer à la conquête d’une autre île et de se rapprocher ainsi du Japon.

Les intervenants commentent une photographie qui montre l’inefficacité des bombardiers lourds sur des cibles mouvantes et la supériorité de la tactique du bombardement en piqué qui rendent vulnérables les gros cuirassés que les Japonais s’obstinent à continuer de construire.

1942 est l’année des premiers débarquements ; après des échecs retentissants, la réussite des opérations commandos se fait au prix de lourdes pertes.

L’opération sur Dieppe en 1942 est pensée comme une répétition de ce qui sera un jour le Débarquement. C’est un désastre mais les Alliés en tirent des enseignements précieux. Il faudra étudier avec attention la consistance du sol des plages (sable ? de quel type ? galets ?). De nombreuses missions ponctuelles auront pour objectif de rapporter des échantillons afin de s’assurer de l’adhérence des chenilles des chars. Il ne faudra pas débarquer dans un port urbain mais sur des plages nues. D’où la nécessité de fabriquer et de transporter les éléments d’un port artificiel. A Dieppe, tous les chars anglais sont perdus.

Une opération commando a lieu à Saint-Nazaire le 26 mars 1942 (opération Chariot). Elle fut menée par les Combined Operations de Lord Mountbatten, afin de rendre inutilisables certains équipements du port et en particulier le forme Joubert qui faisait de Saint-Nazaire le seul port de France à pouvoir accueillir le Tirpitz, plus gros cuirassé de la Marine allemande encore en service à ce moment-là. Le commando britannique parvient à déplacer et faire exploser encastrer un vieux destroyer transformé en bombe flottante

Les Américains modernisent le corps des Marines, vieux de 150 ans. Les Marines deviennent les grands spécialistes des débarquements. Ils sont trois divisions en 1942, six à la fin de la guerre. Ils n’interviennent que sur le front pacifique. L’ingéniérie américaine crée un arsenal adapté à ces opérations de débarquements (Landing Craft Tank, barge de débarquement destinée à l’assaut amphibie et au transport de chars de combat sur des têtes de pont, chars amphibie…) Avec l’opération Torch en novembre 1942, c’est l’US Navy qui se lance elle-même dans une opération amphibie.

Joël Drogland