C’est sur le départ de cette première édition des Clionautes sur la route que nous faisons le détour sur les terre de l’abbaye de Valmagne. Située dans l’ouest de l’Hérault, sur la commune de Villeveyrac, non loin de Sète (20km) et de Montpellier (30km), Valmagne constitue une magnifique visite pour qui cherche à découvrir ou redécouvrir une abbaye cistercienne, en grande partie préservée dans son organisation et son architecture, ayant fait l’objet d’une réhabilitation étonnante au cours du XIXème siècle. 

I, Une implantation antique sur le site

Le domaine viticole de Valmagne s’étend jusqu’aux portes de l’abbaye

Comme la visite du domaine de Flaugergues avait pu nous l’indiquer quelques jours auparavant (dont un compte rendu sera mis en ligne d’ici peu), la plupart des grands domaines viticoles du Languedoc sont les héritiers des implantations romaines qui, dès le Ier siècle en Narbonnaise, ont massivement développé la culture de la vigne. Apprises et récupérées par les gallo-romains (en témoigne les écrits de Pline à ce sujet), ces techniques ont survécu à l’écroulement de l’Empire pour être adoptées par les fondations ecclésiastiques. Le cas de Valmagne ne déroge pas à cette règle.

Le terrain sur lequel est bâti l’abbaye est depuis la période antique exploité pour la vigne. L’ancien domaine viticole sera repris en main par la communauté cistercienne au XIIème siècle. 

 

II, Une « fondation » cistercienne à l’histoire mouvementée 

Abbaye de Bonneveaux (peinture de 1750). Vendue comme carrière de pierre au XIXème, il n’en reste rien.
Narthex de l’église abbatiale

L’abbaye est fondée sous le règne de Raimond Ier Trencavel, vicomte de Béziers en 1138. Originairement occupée par une communauté bénédictine venue du monastère d’Ardorel dans le diocèse d’Albi, l’abbaye prend véritablement son envol lors de son rattachement à l’ordre de Citeaux, en devenant abbaye fille de Bonnevaux (Isère).

Sous l’ordre cistercien, l’abbaye connaît son âge d’or. Afin d’intégrer les éléments classiques de l’architecture cistercienne, un cloître ainsi qu’une église de style roman sont lancés en chantier.  Sainte-Marie de Valmagne devient rapidement l’une des plus grandes abbayes du comté de Toulouse puis du royaume de France. À peine un siècle plus tard l’abbaye met en chantier une église conséquente (83 mètres  de longueur pour 25 mètres de hauteur) et un cloître en style gothique rayonnant, à la mode du temps et témoignant du prestige et de la grandeur de l’abbaye.

L’abbaye compte alors plus de 300 moines. 

Fontaine du cloitre
Vue sur le cloitre gothique
Pierre de Bonzi par Jean de Troy

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La période d’apogée de l’abbaye prend fin avec les guerres de religion. La région est alors en proie à de graves conflits et l’abbaye est frappée de plein fouet. De plus en plus endettée elle est placée sous l’autorité d’abbés commendataires., chargés de veiller au redressement financier des communautés religieuses En 1575 l’abbé commendataire Vincent Concomblet de saint Séverin prend fait et cause pour la Réforme. En conséquence de quoi celui-ci fait le siège de sa propre abbaye à l’aide d’une armée de paysans locaux. Les moines sont  alors massacrés. L’abbaye encaisse de profonds dégâts, notamment dans le cloître et au niveau de son statuaire et de ses vitraux totalement détruits et jamais restaurés depuis lors.

Laissée à l’abandon pendant près de quarante ans, l’abbaye est reprise en main par une nouvelle communauté religieuse au début du XVIIème siècle. Au cours des deux siècles  qui  suivirent, les abbés commendataires successifs n’auront de cesse d’essayer de redresser le lieu financièrement et sur le plan architectural. Sous l’impulsion du cardinal Bonzi Valmagne devient palais épiscopal et se dote de nouveaux jardins. Néanmoins l’effort entrepris butte sur les difficultés financières persistantes et prend fin avec la Révolution Française. Vendue comme bien national en 1791 l’abbaye cesse toute activité religieuse. 

 

III, Un domaine sauvé par le vin

 L’abbaye de Valmagne tira en partie sa richesse et son opulence du domaine viticole exploité depuis les débuts. En effet les moines cisterciens venus de Cîteaux apporteront avec eux les techniques d’exploitation qui feront la renommée des grands domaines  bourguignon (notamment  du Clot Vougeot). La production viticole du domaine perdurera tout au long du Moyen Age et du début de la Renaissance pour prendre fin avec le massacre de 1575. L’exploitation reprendra avec le retour de la communauté religieuse au début du XVIIème siècle mais ne connaitra pas un renouveau véritable que lors de son  passage sous exploitation laïc. Abandonnée au début de la Révolution, l’abbaye est réquisitionnée comme bien national et vendue à un certain Monsieur Granier-Joyeuse, viticulteur de Villeveyrac. Celui-ci emploiera alors l’église abbatiale comme chai. Dans les chapelles latérales sont installés d’immenses foudres utilisés pour la vinification des vins du domaine. L’église prend alors le surnom mérité de  « cathédrale du vin ».

 

Henri-Amédée Mercure de Turenne par David

À la mort de Monsieur Granier Joyeuse le domaine est remis en vente et acquis par la famille des comte de Turenne en 1838, qui souhaite préserver l’exploitation viticole du lieu. Depuis lors l’abbaye de Valmagne demeure la propriété de la famille de Turenne qui en exploite encore les vignes. Les vins de la propriété, très prisés avant guerre (la production étant exportée jusqu’aux Amériques) est disponible à la vente dans l’abbaye même et sur leur site internet. N’ayant pas eu l’occasion de déguster la production nous nous garderons bien d’émettre un quelconque avis oenologique.

 

Nous noterons néanmoins le grand plaisir que nous aurons eu à découvrir l’endroit qui ne manque clairement pas de charme et qui nous offre une histoire riche et pour le moins étonnante ! 

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