Sophie Brunel a la charge de la conférence inaugurale et propose sa réflexion sur Nourrir le monde hier, aujourd’hui, demain: pour une agriculture durable

Après une évocation très rapide de l’histoire de l’agriculture depuis le néolithique, ce sont les questions d’accès à l’alimentation qui retienne l’attention de la conférencière qui insiste sur le décollage de la révolution agricole du XVIIIe siècle et le constat que les difficultés frumentaires sont dès lors d’origine politique. En géographe elle abandonne rapidement les aspects historiques pour développer les évolutions depuis la dernière guerre : mécanisation, emploi de la chimie, évolution du foncier et montée des coopératives et du syndicalisme paysan, le propos reste purement descriptif. Pour la France la question est comment concilier rémunération du paysan et accessibilité des denrées alimentaires pour les urbains? A l’échelle mondiale elle nous propose avec l’exemple du maïs une ode à la modernité, à la révolution agricole, au miracle de l’irrigation sans analyse ni nuances.

La seconde partie de son intervention porte sur les limites atteintes aujourd’hui: le défi alimentaire qui persiste en Inde ( 250 millions de mal nourris dans un pays qui exporte des céréales, pollution des sols, problèmes d’eau), ce constat sans mise en lien avec les affirmations de la première partie servent à introduire la définition de sécurité alimentaire fournie par la FAO en 2012: “La sécurité alimentaire est assurée quand toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels” mais elle oublie la mention finale: “et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine” À ce propos on peut se reporter à l’ouvrage de Pierre Jacquet, Rajendra K. Pachauri, Laurence Tubiana (dir): REGARDS sur la Terre 2012 – Développement, alimentation, environnement : changer l’agriculture ? Voir le compte-rendu http://clio-cr.clionautes.org/ecrire/?exec=articles&id_article=4018.

Aujourd’hui un homme sur huit est mal nourri et particulièrement parmi les paysans des pays du Sud alors que pour nombre d’états (Proche Orient, Maghreb) la dépendance alimentaire est grande pour nourrir les urbains et les classes moyennes, constat qui l’amène à expliquer le choix des paysans pauvres de cultiver des stupéfiants pour obtenir de l’argent.
Pour Sylvie Brunel un des éléments majeurs de la crise est lié aux fluctuations des prix agricoles renforcées par la baisse des stocks mondiaux en particulier de céréales. Dans un contexte d’incertitude climatique les producteurs s”adaptent à la demande solvable, cette réflexion ouvre sur les bienfaits d’une alimentation où la consommation de produits laitiers et carnés augmente dans les pays émergents, sur l’apparition de conflits d’usage avec le développement des biocarburants, terme préféré semble-t-il à agrocarburants, qui pour la conférencière correspondrait à l’utilisation ancienne de terre pour nourrir les animaux de trait. Si elle prône une analyse au cas par cas qui reste à faire, on ne peut que regretter l’absence totale de place accordée à la question de la fertilité et de la conservation (érosion et perte d’humus) des sols.

Le défi à relever est colossal: en Afrique il faudrait donc organiser et moderniser les filières de production tout en tenant compte de l’impact environnemental malgré le manque de moyens financiers ce qui amène Sylvie Brunel à dénoncer au Sud le gaspillage de moyens dans la création d’espaces protégés aux dépens des populations locales comme, au Nord, la gestion des prédateurs (loups, ours) et les législations trop contraignantes, les peurs alimentaires… On est un peu surpris de retrouver ici dans la bouche d’une universitaire le discours de la FNSEA sans aucun argumentaire.

Si elle soutient la nécessité pour les pays du Sud d’avoir des politiques de soutien à leur agriculture, elle voit aussi dans l’emploi des pesticides et des OGM la solution tout en concédant en fin de conférence la nécessité de produire plus avec moins et mieux, d’une agriculture écologiquement intensive telle que la définit Marcel Griffon Pour des agricultures écologiquement intensives, éditions L’Aube, Collection : Monde en cours,2010 avec pour objectif la sécurité alimentaire.