Deux conférencier pour un exposé très clair sur le système bancaire en Afrique.

Jean-Pierre Chaussinand est consultant formateur à l’international, il accompagne les entreprises, établissements financiers dans le cadre de leur développement à l’international. Il est professeur associé au GEM.

Koly Keita est conseiller en management, co-fondateur de Geneva Development Capital une plateforme qui développe et accélère avec des équipes entrepreneuriales de nouvelles activités dans les secteurs de la finance, de l’économie numérique et des infrastructures.


L’Afrique, un pôle majeur de la mondialisation du XXIème siècle

Avec un taux de croissance moyen de 5%, une inflation maîtrisée dans de nombreux pays et des taux d’endettement < 50% l’Afrique fait preuve depuis une dizaine d’années d’une résilience structurelle. Les ressources naturelles ne représentent que 26% de la croissance du PIB et la consommation de la population augmente. Au plan démographique c’est un continent peuplé de près d’1 milliard d’habitants aujourd’hui mais d’ici 2040 les estimations sont de 2 milliards d’habitants soit près de 20% de la population mondiale. D’autre part il existe de puissantes diasporas dont les transferts de fonds sont supérieurs à l’aide publique au développement et aux investissements directs étrangers [footnote]En 2014 près de 120 millions d'Africains ont reçu officiellement 60 milliards $ envoyés par 30 millions d'africains de la diaspora. Ce montant est supérieur à l'aide publique au développement (56 milliards $ en 2014) et aux investissements directs étrangers (50 milliards $ )[/footnote]. Au plan géostratégique l’Afrique peut jouer un grand rôle : Un vaste couvert forestier qui en fait le deuxième poumon vert après l’Amazonie, de vastes ressources naturelles (1/3 des réserves minières mondiales), 60% des terres arables, 10% des réserves de pétrole et donc un espace stratégique pour les investisseurs (1 million de Chinois travaillent en Afrique, 50% des francophones vivent en Afrique, des bases militaires françaises, américaines, chinoises) . L’Afrique a d’autres atouts : elle a accueilli 53 millions de touristes en 2012. Des prévisions optimistes envisagent 85 millions en 2030 et 134 millions en 2050. C’est aussi, pour reprendre une expression du conférencier un "laboratoire des économies du futur" avec par exemple le premier aéroport pour drone au Rwanda, les paiements mobiles comme M Pesa au Kenya. Des pistes aussi en matière d’énergies renouvelables et décentralisées, d’économie circulaire comme le recyclage des déchets plastiques pour la construction de route. Toutefois c’est un continent à risque en raison de la corruption estimée à 148 milliards $ par an, du chômage massif des jeunes et du terrorisme.

Évolution du secteur bancaire de 1960 à 2000

En 2014, les banques en Afrique comptaient 1 500 milliards $ d’actifs principalement en Afrique du Nord et en Afrique australe.

L’exposé portera sur deux zones : l’Afrique de l’Ouest UEMOA et l’Afrique centrale CEMAC Afrique de l’Ouest UEMOA : 36 milliards € d’actifs – Afrique centrale CEMAC : plus de 19 milliards € (03-2015)

On peut retenir trois périodes :

  • Depuis les Indépendances jusqu’aux années 1980 on a assisté à des vagues de nationalisations, le retrait de certaines banques coloniales et une situation où l’industrie bancaire était dominée par les banques étrangères et appartenant à l’État.
  • Depuis années 80 c’est une inversion dans un contexte de libéralisation avec cession des banques publiques et privées en difficulté et création de banques à vocation régionale comme Ecobank au Togo, classée 1ère banque d’Afrique de l’Ouest –classement Jeune Afrique 2015
  • Depuis le milieu des années 2000 le secteur bancaire africain est dominé par des banques européennes.BNP Paribas, Société Générale, Barclays, Standard Chartered…..

2005-2015 : Montée en puissance de groupes bancaires africains

On voit dans les dix dernières années émerger des groupes régionaux, devenus de véritables groupes bancaires panafricains.
Ces banques « africaines » peuvent être classées en 2 catégories :
• des banques à capitaux africains qui se développent avec une forte stratégie panafricaine : Standard Bank (Afrique du Sud), Attijariwafa Bank (Maroc), UBA (Nigéria) , BMCE Bank (Maroc) , Ecobank (Togo) …;.
• des banques qui opèrent sur leur marché intérieur et régional. Kenya Commercial Bank (Kenya, zone EAC), Afriland First Bank (Cameroun), Coris Bank (Burkina Faso), Banque de développement du Mali….

Si elles ouvrent de nombreuses agences et dépassent désormais le réseau des banques européennes,le taux de bancarisation reste faible.

Stratégie d’un acteur bancaire européen en Afrique de l’Ouest et Centrale : Société Générale

Après quelques chiffres sur le groupe Société Générale, le conférencier montre l’ancienneté de la présence de cette banque en Afrique (au Maroc depuis 1913, depuis 50 ans en Côte-d’Ivoire, au Sénégal ou au Cameroun)

Après les indépendances africaines la Société Générale a transformé ses agences en un réseau de filiales. Aujourd’hui elle continue d’ouvrir des filiales : Burkina Faso, Guinée Équatoriale par exemple ou en 2014 au Togo .

En 2015, son réseau couvre 18 pays d’Afrique, 1 000 agences, plus de 3 millions de clients dont 150 000 entreprises. Il est au 3e rang en Afrique et va investir 4 milliards d’euros de ressources supplémentaires (2014-2016).

Les axes de ce développement sont : la formation et la promotion du personnel africain, la mutualisation de moyens opérationnels à l’échelle sous-régionale : informatique, monétique, audit, marketing, finances), l’ouverture entre 50 et 70 agences par an et la création de nouvelles filiales

Trois directions :

  • l’accompagnement de la démocratisation des services bancaires, banque low cost comme la banque en scooter Manko au Sénégal [http://www.challenges.fr/finance-et-marche/20150420.CHA5107/manko-la-banque-en-scooter.html->http://www.challenges.fr/finance-et-marche/20150420.CHA5107/manko-la-banque-en-scooter.html]
  • une offre de solutions de financement innovant aux PME et aussi aux grandes entreprises, la Société générale cible les investisseurs chinois en Afrique
  • l’accompagnement des gouvernements africains sur le marché de la dette internationale (eurobond)

Stratégie d’un acteur bancaire africain en Afrique de l’Ouest et Centrale : Attijariwafa Bank

Avec 7,4 millions de clients et 16 716 collaborateurs, Attijariwafa bank est basée au Maroc et opère dans 23 pays en Afrique, en Europe, sur de grandes places financières : Dubaï, Riyadh, Londres, Shanghaï et Tripoli.

Le conférencier détaille les fusions ( Banque Sénégalo-Tunisienne en 2006, CBAO en 2007…)
La première stratégie de la banque vise à accompagner les entreprises marocaines dans leurs implantations en Afrique.

CBAO Groupe Attijariwafa bank est désormais positionné sur le service aux « Petites et Moyennes Entreprises » et aux « Très Petites Entreprises», le segment « Grandes Entreprises », (Entreprises publiques et Entreprises d’Etat) et envisage un développement vers les pays anglophones au Nigéria, en Ethiopie, en Egypte.

La banque développe le « payement mobile » à l’aide du téléphone cellulaire, sa filiale Wafacash a postulé pour des licences en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale. La banque a aussi pour stratégie de capter les transferts de fonds des diasporas.

Cette expansion rapide n’est pas sans risque : risques macro-économiques, risques de solvabilité des emprunteurs.

En conclusion

Les perspectives d’évolution du secteur bancaire en Afrique Subsaharienne pour la décennie 2015-2025

  • – L’émergence d’un modèle panafricain de banque, fondé sur le principe  » agir local et penser global »
  • – La diversification basée sur l’innovation technologique : de nouveaux métiers, la concurrence ou la coopération avec les opérateurs télécoms
  • -La recherche de la taille optimale dans la banque de détail et dans la banque de financement pour bancariser les PME, et attirer classe moyenne.
  • – La mise en place d’outils d’évaluation des risques et l’amélioration de la gestion des créances douteuses.