Les Clionautes au festival de géopolitique de Grenoble – mars 2015 – septième édition
Céline Bayou La Doc Française.

Si le traité frontalier entre la Russie et la Lettonie a été signée en 2007, celui-ci n’a pas vraiment réglé tous les problèmes qui sont en suspens depuis le traité de Riga de 1920. La situation à la frontière entre ces deux territoires, ce petit état balte, ancienne république soviétique, membre de l’alliance atlantique, et donc protégé par l’article cinq, et participant de l’union européenne, est évidemment dans une situation totalement différente depuis les événements que l’on connaît en Ukraine orientale. Comme en Ukraine une population russophone est implantée sur ce territoire, elle est susceptible d’exprimer des revendications en faveur d’une autonomie par rapport à l’État central, voire manifesté une volonté de rejoindre la Russie.
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=474

Depuis 2014, cette inquiétude des pays baltes par rapport à l’évolution de la Russie est parfaitement compréhensible se traduit par un réinvestissement de la frontière.
Pour Céline Bayou, sur l’ensemble des frontières de la Russie, au moins du côté occidental, on entend des bruits de bottes. Cela se traduit par des manœuvres militaires et des déploiements d’avion et de navires russes qui se situent toujours à la limite des eaux territoriales ou de l’espace aérien de leurs voisins.
A la frontière avec la Lettonie, il ne se passe rien ou pas grand-chose pour l’instant.
Certes il y a bien eu en Estonie un « espion » arrêté mais jusqu’à présent, concernant les pays baltes, la question d’une éventuelle agressivité de la Russie relève surtout de discours extérieurs aux acteurs qui sont les premiers concernés, c’est-à-dire les pays baltes. Les Britanniques ont lancé des pistes. Et Anders Rasmussen ex-secrétaire général de l’OTAN a déclaré qu’après tout, Poutine n’avait pas de raison de s’arrêter à l’Ukraine. La question qui est vraiment posée est bien celle de l’article cinq du traité de l’alliance atlantique. L’OTAN va-t-elle réagir à une agression contre l’un de ses membres ? Peut-on envisager aujourd’hui, et la formule est connue, de « Mourir pour Riga ? », Comme pour Vilnius ou Tallinn ? Car après tout, ces capitales des trois états baltes sont bien couvertes par le traité de l’Atlantique Nord
pour Céline Bayou, les pays baltes constituent bien un test pour la Vladimir Poutine. Dans ce pays on trouve, un tiers de russophones, mais il convient tout de même de préciser que ces derniers ne constituent pas pour autant, en raison de leur origine, nécessairement, une cinquième colonne pour la Russie.
Pour autant, les inquiétudes du gouvernement Letton sont compréhensibles. L’histoire a été marquée par deux occupations soviétiques, celle de 1940 et la réoccupations de 1945. Depuis 2008 avec l’intervention russe en Géorgie, et surtout depuis l’ouverture de la crise ukrainienne, ces inquiétudes se manifestent avec beaucoup plus de force. On retrouve dans l’annexion de 40 et 45 des similitudes avec la Crimée. Une population qui « spontanément » fait appel aux pays voisin, qui organise un référendum de rattachement, et qui finalement rejoint la mère patrie, le scénario est désormais bien rodé.

Qu’envisager en cas de danger ? Beaucoup d’exercices militaires sont organisés, d’autant que le discours de Vladimir Poutine en 2001, dans laquelle il rappelait que l’adhésion des pays baltes à l’OTAN ne garantissait ni leur sécurité, ni même celle de l’alliance, et souvent rappelé désormais. De part et d’autre on assiste à un renforcement de l’activité militaire, surtout depuis que le président Obama a rappelé que les pays baltes bénéficient bien de la garantie de cet article cinq. Il y avait au départ 150 soldats de l’armée américaine par pays balte. Il y en a depuis le lundi 9 mars plus de 1000 dans chacun des trois états. La déclaration du président Obama s’est voulue rassurante en septembre 2014.
Le scénario qui est aujourd’hui avancé, c’est celui que l’on vit en Ukraine actuellement. C’est cette guerre hybride qui s’appuie sur le vecteur des minorités russophones, d’autant plus que les pays baltes ont pu faire des choix pour le moins discutable. Entre 12 et 14 % des russophones de Lettonie ne sont pas considérés comme citoyens, car ils sont arrivés sur le territoire pendant la période soviétique, de 1945 à 1991. Ces personnes disposent d’un passeport de non citoyens, ne disposent pas du droit de vote et sont l’objet d’une discrimination à l’emploi.
S’il n’y a pas à la frontière russo-lettone de véritables tensions militaires, il existe déjà, et depuis longtemps, une guerre des médias. Celle-ci est rendue d’autant plus facile qu’il n’existe pas de chaîne publique lettone en langue russe, la langue d’un tiers de la population. De plus, la population, d’après Céline Bayou ne considère pas forcément que la liberté d’expression est une priorité. Il s’agit d’abord de maintenir une certaine croissance économique, et celle-ci est d’ailleurs largement tributaire de la Russie car l’économie du pays dépend, sur les 220 km de frontière commune, très largement du transit avec la Russie.

De plus, cette frontière est plutôt mal délimitée, et elle est même considérée dans un état déplorable, dans une zone plutôt pauvre, faiblement développée du territoire. La délimitation matérielle représente un coût non négligeable que la petite armée lettone a du mal à assumer. Alors, il convient certainement de renforcer cette frontière, et les Lettons comptent davantage sur les États-Unis pour les aider à cela, même ce pays balte constitue également une frontière extérieure de l’espace Schengen.

De plus, des questions sont en suspens,

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Europe/EurScient6.htm

Sur 1000 km² un territoire district d’Abrené, a été attribué à la Lettonie en 1920, puis en 1945 à la Russie. Il est reconnu comme étant letton par la constitution de 1922, qui fait suite au traité de Riga de 1920. En 1991, ce territoire n’a pas été réclamé. En 2007, le traité frontalier a été signé avec la Russie. Les estoniens ont d’ailleurs le même type de problème sur leurs frontières avec la Russie.
Le problème de plus en plus sensibles se trouve dans ce district de l’Atgalé.

http://tinyurl.com/qxtbsh7

Dans ces territoires où la majorité de la population et russophones, la population est assez mélangée avec des catholiques dans un pays en majorité luthérien, des russophones présents en Lettonie avant la période soviétique, et des citoyens lettons qui peuvent être russophones ou simplement bilingues. Cette région est à l’angle mort du territoire national, en raison de son faible développement économique, et si actuellement on y trouve des tensions ethniques, avant 2014 la situation était plutôt calme. En 2012 ce district de L’Atgalé a voté pour que le Russe devienne la 2e langue officielle de Lettonie. Mais il a été le seul du pays. Depuis 2014 un mouvements en faveur d’une Une république populaire de l’Atgalé avec quelques activistes très minoritaires milite en faveur de la sécession et a même créé son propre drapeau. Un mouvement en faveur de l’autonomie est également animé par par Vladimir Linderman, un activiste pro-russe. La question se pose d’une autonomie de ce territoire au nom du droit des peuples à l’autodétermination telle qu’il est prévu dans le droit européen.
En conclusion, Céline bayou montre qu’actuellement les forces politiques semblent se répartir sur une base ethnique en qualifiant ce pays « d’ethnocratie ».
L’ethnicité passe par la langue. Le territoire n’est pas intériorisé. Au delà de la langue, c’est l’adhésion des valeurs communes qui devraient permettre à ce territoire de trouver son unité mais les fractures de l’histoire restent encore très largement ouvertes. La Lettonie est tout de même un pays dans lequel des Défilés en l’honneur de la Légion lettone SS Lettons ont lieu, le 16 mars. Si cette légion SS lettone n’a pas été considérée comme une organisation criminelle lors du procès de Nuremberg, c’est parce qu’elle n’était pas totalement composée de volontaires. Mais il n’empêche, sur la question de la participation de certaines troupes lettones à la Shoah, les mémoires sont encore à vif, et les tensions aujourd’hui avec la Russie ne risquent pas d’apaiser la situation.

  • Population (2013) 2 028 200 habitants
  • Taux de croissance annuel -0.570 %
  • Superficie 64 589 km2

Céline Bayou, Éric Le Bourhis, « Lettonie. Un regard pragmatique sur la Russie », Grande Europe n° 23, août 2010 – La Documentation française

http://www.lejdd.fr/International/Europe/Apres-l-Ukraine-la-Lettonie-dans-le-viseur-de-la-Russie-722732