Praticien hospitalier en disponibilité, docteur en géographie et agrégé d’anglais, professeur à l’Université de Tours, Philippe Brillet exposait en ce samedi 3 octobre le cas de la Bilharziose, une infection fort grave et fort méconnue.

Pour lui, la question climatique est dominée par celle du réchauffement, elle même dominée par celle des sols, elle-même dominée par celle de l’impact alimentaire, elle-même centrée sur le problème du déficit en eau, négligeant en cela la question des maladies infectieuses.

Si le paludisme domine les analyses et les discours, il est rappelé qu’il génère le même nombre de cas que la bilharziose (230 millions dans le Monde) et qu’il cause un nombre de décès pas si supérieur que cela (400.000 pour le paludisme contre 300.000 pour la bilharziose).

Il s’agit donc d’une maladie parasitaire causée par un ver (le schistosome) mesurant de 6 mm à 20 mm de long. Elle est connue sous trois noms : la bilharziose (du nom du médecin allemand, Théodor Bilharz, qui l’a découvert), la schistomiase ou la schistosomose.

Si elle sévit sous 4 formes (urogénitale, rectale, intestinale et artérioveineuse), le mode de contamination est identique : l’homme se contamine quand des larves traversent une peau humaine immergée. Les vers se développent ensuite dans le corps et peuvent y demeurer 20 ans. La femelle pond des œufs (jusqu’à 3000 par jour), restent majoritairement sur place (même une partie peut être évacuée par les urines) et entraînent une réaction inflammatoire. Les œufs libèrent un miracidium qui recherche, sous 24 heures, un mollusque spécifique pour s’y développer. Ensuite les larves (furcocercaires) en sortent pour gagner un corps humain.

En termes d’écologie, le moment idéal de ce développement (la chaleur) correspond à la plus grande probabilité de rencontrer des personnes actives qui sont sur ces lieux.

La répartition spatiale de la maladie montre une concentration en zone intertropicale avec un maximum en Afrique subsaharienne.

Les enfants sont les premières victimes, les femmes également du fait des corvées d’eau. D’autres professions sont également vulnérables comme les pêcheurs, les riziculteurs, les agriculteurs…via des petits canaux d’irrigation. Les déplacements en barque augmentent également le risque.

La pauvreté explique l’aspect illusoire de la prévention (absence de toilettes… ou alors juste pour des questions de pudeur) puisque les déjections se retrouvent immédiatement dans le milieu. La pauvreté explique l’absence d’accès à un traitement pourtant peu cher (22 euros les 6 comprimés, sachant qu’un seul comprimé suffit à guérir un malade pour un an !).

Le caractère chronique et la durée de vie des vers perturbe aussi la prévention sans compter le réservoir animal (bœufs, porcs, rongeurs…utiles à la communauté).

Pour en venir au réchauffement climatique, il est à noter que l’élévation de la température des eaux augmentera la facilité des œufs à contaminer les bulins (les mollusques) qui, lorsque l’eau sera vraiment trop chaude, pourront temporairement s’enfouir dans la vase. L’augmentation de la température de l’air sera également favorisante tout comme le développement des végétaux (de type nénuphars). Le rétrécissement des surfaces en eaux (lacs, canaux…) augmentera mécaniquement la pression humaine sur elles et donc les risques de contamination. Plus positivement, certains micro-foyers pourraient disparaître du fait d’un assèchement total mais cela restera dérisoire par rapport aux menaces précitées.

La prévision sera celle d’une augmentation des territoires infectés et ce, malgré les efforts entrepris. Quelques petites zones seront toutefois libérées.

Nos portes méditerranéennes sont à surveiller puisque des cas ont été recensés en Corse (rivière Cavu), historiquement dans les années 1970 mais plus récemment en 2014 (une centaine de cas), les baigneurs étant des touristes ayant transité par l’Afrique.

Une intervention du public portait sur la question des symptômes. Le caractère très lentement évolutif de la maladie brouille le diagnostic. La question du sang dans les urines chez des enfants africains de 10 ans des deux sexes empêche d’identifier l’apparition de la puberté chez les filles. Et si elle n’est pas immédiatement mortelle chez les enfants, la maladie freine considérablement leur capacité de travail.