Conférencier :

Jean-Marie Ruiz Fiche de présentation au [lien suivant->http://www.llseti.univ-smb.fr/web/llseti/298-ruiz-jean-marie.php]

Savoir si le XXIème siècle sera américain se pose tout autant dans le monde qu’aux États-Unis même depuis la fin de la guerre froide, avec en toile de fond la crainte du déclin. Les États-Unis ont ainsi tenté depuis de maintenir leur leadership, de trois manières différentes :

  • Par le soft power
  • Par le hard power en maintenant une domination militaire
  • Par un mélange des deux : jouer à la fois sur la prééminence des États-Unis tout en se gardant de nuire à la capacité d’attraction du pays. C’est ce que tentera Bush père durant la Ière guerre du Golfe et le concept de Nouvel Ordre Mondial (multilatéralisme et démonstration de force au Koweït).
  • C’est ainsi que se pose la question de la promotion de la démocratie, dans le sens où celle-ci agit dans le domaine du soft power.

Qu’est-ce que la démocratie libérale ? Comment la promouvoir ? Pourquoi les États-Unis sont-ils devenus la nation phare de la démocratie ? De quelles façons se sont-ils efforcés de la promouvoir ? Est-elle encore promouvable ? Peuvent-ils toujours la promouvoir ? Voici les diverses questions qui seront ici abordées.

I, Qu’est-ce que la démocratie libérale ?

Elle est caractérisée par l’État de droit auquel se soumet la puissance publique. Les droits individuels, les libertés fondamentales sont ainsi garanties par la Constitution. La démocratie est représentative. La démocratie libérale repose sur une économie de marché, basée sur l’initiative privée et la liberté d’entreprendre. Le cœur de la démocratie libérale est donc la liberté individuelle dans la sphère politique et économique.

II, Comment la promouvoir ?

Les manières d’en faire la promotion sont diverses :

  • Par l’exemple
  • Par la diplomatie
  • Par la « diplomatie publique » et ses multiples relais comme la United States Information Agency, la Broadcasting Boards of Governor ou encore la National Endowmend for Democracy.
  • Par la puissance ou l’intervention armée (guerres d’Afghanistan)

III, Pourquoi les États-Unis sont devenus la nation-phare de la démocratie libérale ?

Progressivement les États-Unis sont devenus la nation-phare de la démocratie libérale.

Avec leur création un nouvel ordre politique advient. C’est le règne des systèmes politiques étendus, laïcs, partageant les pouvoirs et assurant les libertés fondamentales des individus. La démocratie libérale est alors en devenir.

Père Fondateur, Jefferson a joué un rôle clé, notamment en théorisant une manière de concilier républicanisme et l’expansionnisme. Dans son Ordonnance du Nord-Ouest, abordant la manière d’intégrer progressivement les territoires conquis à l’ouest, Jefferson dresse les points clés d’une démocratie libérale et la manière d’intégrer progressivement ces territoires.

L’expansion coloniale du pays donnera naissance à la destinée manifeste et à cette mission de propager la démocratie à l’Amérique du Nord. Mission à laquelle le président Wilson tentera de donner un caractère universaliste par ses 14 points, refusés dans un premier temps par le Congrès, mais repris par les présidents américains après 1945. La puissance américaine est alors pensée comme un agent au service de la démocratie libérale dans le monde. C’est ainsi qu’ils deviendront le grand bouclier de la démocratie libérale durant la guerre froide, afin de contenir l’avancée communiste.

Si l’illusion d’une « fin de l’histoire » (cf Francis Fukuyama) a touché le pays après la victoire sur le communisme, la démocratie libérale a connu, paradoxalement, des remises en cause après la guerre froide. Les guerres de Yougoslavie (1991-2001) furent le premier « retour à l’histoire » pour le pays. De même le choc du 11 septembre suggère que la démocratie libérale n’est pas universellement acceptée. La doctrine Bush qui en découle (unilatéralisme, maintien de l’hégémonie militaire, préemption) redéfinit la politique étrangère du pays et affaiblit la démocratie libérale comme modèle. La crise de 2008 a de plus porté atteinte à l’économie de marché. Le néo-impérialisme, la crise économique, tous deux associés aux États-Unis et à la démocratie libérale, ont d’autant plus affaibli l’impact de ce modèle politique sur le monde.

IV, Les grandes difficultés actuelles de la démocratie libérale

Le constat est de plus en plus partagé aujourd’hui. Les causes de ces difficultés sont multiples

  • Fin de l’hégémonie occidentale dans le domaine économique et diplomatique
  • Déceptions engendrées par la mondialisation et les inégalités induites dans les sociétés occidentales
  • Incapacités des sociétés libérales occidentales à trouver des solutions aux défis actuels (économie, environnement)
  • Perte progressive de confiance dans le modèle politique (hausse de l’abstention)
  • Essor de puissances non-occidentales, plus autoritaires mais plus stables et de plus en plus conscientes de service de modèle.

Les vecteurs du déclin sont aussi multiples :

  • Le danger populiste s’érigeant comme unique défenseur d’un peuple conçu comme monolithique.
  • Déplacement du curseur politique occidental vers l’ultra-droite
  • La démocratie réduite à son plus petit dénominateur commun

Le trumpisme est un bon exemple de ce déclin

Il est d’ores et déjà clair que les illusions post-guerre froide sont fausses. La démocratie libérable est clairement sur la défensive et contestée par des modèles alternatifs. La démocratie libérale demeure-t-elle encore promouvable aujourd’hui ?

V, Des approches diverses et contradictoires pour promouvoir la démocratie libérale :

Stratégie George W Bush : Décrite par Pierre Asner comme du « wilsonisme botté ou comment démocratiser le Moyen Orient par la force des baïonnettes », cette vision est largement marquée par les visions néo-conservatrices (proches historiquement de la gauche américaine, l’apparition de la nouvelle gauche les a rapprochés de la droite, dans une volonté d’imposer par la force la démocratie libérale).

Stratégie Obama : Stratégie faite de nuance, visant à réparer les relations du pays avec le reste du monde. Obama a une véritable volonté de rupture avec son prédécesseur (humilité, désidéologisé la politique extérieure des États-Unis, politique de la main tendu). Obama avait aussi une vision du monde moins ethnocentrée et nationaliste, bien plus réaliste que wilsonienne.
Néanmoins une inflexion pro-démocratie se fait sentir dans sa politique avant les printemps arabe, en 2010. Citions la directive « réforme politique au Moyen Orient et en Afrique du Nord » qui illustre le poids croissant des wilsoniens dans l’administration. Cette directive marque une redéfinition des relations avec les pays arabes dans un sens plus respectueux des droits de l’homme.
La gestion du printemps arabe fut prudente. Soucieux de ne pas intervenir dans les affaires internes des pays, Obama n’a jamais appelé à des changements de régime et traitant les situations politiques au cas par cas.

Stratégie Trump : La promotion de la démocratie devient une variable d’ajustement des politiques intérieures et extérieures. D’autant que le trumpisme est une régression de la démocratie américaine à plusieurs dimensions

  • C’est une forme de populisme (se réclament du peuple pour s’affranchir des contre-pouvoir)
  • Il possède une conception autoritaire du pouvoir : liens étroits avec l’Alt Right, limogeage fréquent
  • Emploi régulier du mensonge avec un président en lutte avec les médias qui diffusent des fake news
  • Dans les faits l’on remarque que la stratégie Trump porte son soutien aux régimes i-libéraux en Europe (Pologne, Hongrie) et aux régimes autoritaires arabes (Égypte, Bahreïn, Arabie Saoudite, Syrie). La posture pro-démocratie est instrumentalisée contre certains pays : anciens « pays voyous » comme la Corée du Nord ou le Venezuela.

Jamais un président américain ne s’était autant affranchi des règles tacites de la démocratie libérale.

Conclusion :

Ainsi l’on perçoit tous les défis de la démocratie libérale à l’heure actuelle. De nombreux obstacles se posent à une politique de promotion cohérente et efficace. D’où un certain nombre de prérequis pour maintenir le rôle de premier plan du pays :

  • Redorer le blason de la démocratie libérale dans les sociétés occidentales et incarner un modèle crédible face aux concurrents directs (Chine en tête)
  • Créer un consensus sur la nécessité des modalités d’une politique active de promotion démocratique

Finalement est-ce que la démocratie libérale peut survivre à la fin de l’hégémonie occidentale ?