Benoït de SAGAZAN, rédacteur en chef du Monde de la Bible, Damien AGUT-LABORDÈRE, chargé de recherches au CNRS et Michel QUESNEL, prêtre et exégète, Ancien Recteur de l’Université Catholique de Lyon. Égypte pharaonique (Damien AGUT-LABORDÈRE) et la Palestine du Ier siècle pour faire le lien avec le christianisme et le judaïsme (Michel QUESNEL).

Damien AGUT-LABORDIÉRE  : Égypte pharaonique

Cadre théorique

Dans l’Égypte pharaonique, il n’y a pas de recherche sur le travail. Il y a deux mots en égyptien pour désigne le travail : Bak et Oupet.

  • Bak : C’est travail en tant que « service » demandé par un supérieur à un serviteur. C’est donc le travail servile. Le hiéroglyphe est un homme accroupi qui tient un panier.
  • Oupet : C’est le travail qui produit, sans signification morale. On touche à une deuxième notion, celle du temps. L’oupet « rattrape les dégâts », revient en arrière. Le travail des hommes essaie de revenir à l’état originel, ce qui était au début. C’est donc un travail noble pour éviter la dégradation du monde, le travail contre le temps. Quand on naît, l’enfant est parfait. On se dégrade tout au long de sa vie. On mange pour tenter de garder cet état originel.

Les sources

La civilisation pharaonique dure quatre millénaires. Le risque est d’essentialiser alors que la civilisation évolue en 4000 ans. De même, il n’y a pas qu’un bloc de penser. Ainsi, une source qui parle du travail, parle d’un temps donné pour un groupe donné. Elle n’est pas à généraliser à tous et sur toute la période.

Dans La satyre des métiers, sont décrits les défauts de tous les métiers, sauf le dernier qui correspond au scribe. La source valorise le métier. Longtemps, on en a conclu que les métiers manuels étaient dévalorisés. Or, cela ne concerne qu’une partie du IIe millénaire,  qu’une petite catégorie sociale, celle des scribes, et c’est une œuvre didactique. Ici, le scribe est considéré comme appartenant au monde artisanal, mais dans la catégorie la plus noble. C’est pour cela qu’il n’y a pas d’école. On place l’enfant, futur scribe, chez un maître.

La sagesse de Brooklyn, du VIe siècle av. J.-C. fait l’éloge du paysan indépendant, et l’éloge de la campagne. On pourrait ainsi tirer des conclusions totalement opposées à La satyre des métiers.

En fait, au Ier millénaire, l’écrit est descendu, car il y a des scribes des villages, qui font l’éloge de leur territoire. Ainsi, le rapport au travail dépend du milieu dans lequel on se trouve.

De la dimension religieuse du travail.

Les dieux égyptiens ont une présence physique par les statuts. Dans un temple égyptien, une statue est un dieu, il est à l’intérieur. On se doit d’apaiser le dieu pour éviter les catastrophes. Il faut donc le nourrir avec de la bonne nourriture car les dieux ont faim. Il y a donc tout un travail au service de la statut, un travail agricole, réalisé par le prêtre et les serviteurs du temple. Ce travail n’est pas particulièrement encensé mais il est nécessaire.

Il n’y a que deux dieux concernant le travail : le dieu Potier, à Éléphantine (chaque ville a son panthéon) avec une tête de bélier et un tour de potier, et un dieu des artisans.

​Michel QUESNEL : La Palestine du Ier siècle

​La perspective du travail dans la Bible

De manière générale, le travail est la tâche normale de l’homme, simple et belle. Dieu lui-même est un travailleur, l’architecte, le cultivateur, le potier, avec une main guidée par une sagesse apportant l’harmonie. L’homme est dans le jardin d’Éden pour travailler. Travailler est un devoir noble. Ne pas travailler est donc être infidèle à ce que désire Dieu. Le paresseux est ainsi mal vu.

Dans le Qohélet / L’Ecclésiaste, chapitre 2, on parle du travail, vu comme une vocation universelle incontournable mais aussi une tâche pénible.

Pour notre période, le Nouveau Testament, Flavius Joseph et l’archéologie décrivent le travail dans ce sens, avec à la fois du solide et de la fragilité.

​Les différents métiers, plusieurs catégories

​Les métiers de l’alimentation

Ce sont les métiers majeurs. Il y a trois catégories : les éleveurs, les semeurs, les pêcheurs. L’élevage est constitué du gros et du petit bétail. Les ovins se situent dans le gros bétail, comme le veau gras. Il permet de fêter des événements. Dieu lui-même se compare à un berger. Dans la Mishna , on ne doit pas enseigner à son fils certains métiers considérés comme des métiers de voleur comme barbier, chamelier… car il y est difficile d’y respecter la pureté.

Concernant les semeurs, il faut savoir qu’au Ier siècle, le rendement moyen est 8 à 10 grains récoltés par grain semé, ce qui est faible. Des groupes de métiers concernent aussi les olives, les plantes pour les vêtements comme le lin utilisé pour les vêtement de luxe, la laine très commune.

Il y a la pêche, notamment dans le lac Tibériade. On prie avant d’aller pêcher pour que la pêche soit meilleure.

​Les artisans

On trouve par exemple les métiers du bâtiment, du fer, des tissus… Les métiers du bâtiment regroupent la pierre (maçon..) et le bois (charpentier). On a le plus de connaissances sur les métiers de la pierre grâce à l’archéologie. Il concerne aussi des aqueducs, des bassins, des tombes, des moulins à grains, pressoir, moulins à olive…

Les métiers du bois élaborent des barques, des charpentes des maisons, des tables pour les maisons des riches…

Pour les métiers du fer, il y a des forgerons pour des porte-lampes pour allumer en hauteur, des lampes…

Les métiers du tissu sont surtout des métiers domestiques. Les femmes tissent chez elles pour le quotidien. Pour les vêtements de riche, il existe en revanche des tisserands spécialisés. Les tanneurs fabriquent des objets divers comme des outres, des sandales… Dans les villes juives, les tanneurs sont à l’Est des villes pour que le vent fasse partir les odeurs.

​Les commerçants

Ils vivent dans leurs boutiques et peuvent donc vendre à toute heure. Les banquiers sont des commerçants, rarement juifs car le prêt est interdit.

​Les métiers du transport

Ils regroupent plusieurs catégories comme caravanier ou aubergiste. Mais les métiers les plus proches avec les animaux sont déconsidérés car les règles de pureté ne sont pas assez respectées.

​Les publicains

Ils ont leur importance car ils consistent à prélever les taxes.

​L’armée

Il n’y a pas de militaire juif à l’époque car la Palestine est sous occupation romaine.

​Les métiers du culte

Il y les prêtres qui sont issus de la famille des Lévy.

​Les travailleurs libres et les esclaves

L’esclavage juif n’est pas très rigide. Normalement, on libère les esclaves tous les sept ans. Mais cela ne concerne pas la période romaine, où le droit est celui de Rome. L’esclave est souvent un prisonnier. Il faut payer un rançon pour être libre. Il doit demander l’autorisation au maître quoiqu’il veuille faire.

​En conclusion

Ainsi, le Nouveau Testament est dans la continuité de la Bible hébraïque. Cependant, on accuse fortement celui qui ne travaille pas. Pour Paul de Tarse, le prêche est un travail, même s’il insiste sur le travail manuel.