Cette conférence a réuni à la médiathèque de Narbonne trois intervenants qui ont successivement pris la parole pour présenter un site archéologique méconnu de Béziers, l’amphithéâtre romain, ainsi que la restitution en « réalité augmentée » réalisée à partir des vestiges visibles sur le site.
C’est d’abord Olivier Ginouvez, archéologue à l’INRAP qui nous présente un historique du site et l’état des connaissances actuelles, résultat des fouilles réalisées entre 1990 et 1998. Il rappelle que le site de Béziers était occupé dès la proto-histoire avant la fondation en -36 d’une colonie romaine pour les vétérans de la VII° légion. La «colonia urbs julia baeterrae», sur la voie domitienne, dominait l’Orb et devait couvrir un territoire de 35 hectares. C’est à la périphérie sud de la ville que se trouve l’amphithéâtre dont quelques vestiges sont aujourd’hui visibles dans le quartier Saint Jacques. L ‘existence de ces arènes antiques est connue depuis des siècles mais les fouilles des années 90 ont permis d’améliorer la datation, de préciser le plan du monument et d’observer le devenir du site au Moyen-âge.
La construction remonte au début du IIème siècle mais dès la seconde moitié du IIIème le lieu est abandonné. Ce sont les couches de déchets de mortiers laissés lors de la récupération des pierre qui l’atteste. A l’époque médiévale, entre le XIIIème et le XVème siècle un atelier de poterie occupe le site; un four à céramique y a été découvert ainsi qu’une porte creusée dans le mur de l’ancien ambulacre antique donnant sur des pièces troglodytiques réalisées par les potiers. Olivier Ginouvez nous rappelle ensuite les dimensions du bâtiment, de petite taille si on le compare à ceux de Nîmes ou Arles: 310 mètres de périmètre extérieur, un grand axe de 108 mètres, un petit de 88 mètres et une cavea de 23 mètres. Quant à l’arène elle occupait un espace de 62 mètres sur 43. Sa capacité était d’environ 13 000 personnes. L’amphithéâtre biterrois était adossé à la pente naturelle du lieu, creusée pour l’occasion. Cette caractéristique explique pourquoi la partie édifiée contre cette pente a été conservée comme mur de soutènement au dessus duquel des habitations ont été construites au Moyen-âge.
C ‘est ensuite Jean Claude Golvin, spécialiste en architecture antique, auteur d’une thèse sur les amphithéâtres, mais aussi archéologue et spécialiste de la restitution par l’image de sites antiques, qui prend le relais. Son propos est de décrire le processus de restitution d’un bâtiment en rappelant le principe selon lequel « ce qui nous manque doit être trouvé ailleurs ». Il s’appuie donc sur les résultats des fouilles et sur les amphithéâtres bien conservés comme Nîmes et le Colisée pour proposer une restitution de celui de Béziers. Il rappelle tout d’abord qu’il s’agit d’un bâtiment en structure creuse, appartenant donc à une famille d’amphithéâtre connue, reposant sur des murs rayonnants puis que, pour comprendre les caractéristiques du bâtiment, l’important est de partir du tracé, base de toute construction. Jean Claude Golvin explique ensuite que les amphithéâtres romains n’avaient pas de forme totalement elliptique car leur plan était tracé à partir de quatre centres et donc quatre arcs de cercles raccordés les uns aux autres. Pour le reste l’architecture était celle des théâtres. La forme elliptique correspondait à la volonté des Romains de ne pas créer d’angles pouvant servir de refuges aux animaux lors des combats, mais aussi d’assurer une visibilité de qualité à tous les spectateurs. Mais Il faut revenir à l’origine des amphithéâtres pour en comprendre la forme spécifique. En effet les premiers spectacles étaient donnés sur la place du forum, de forme rectangulaire. Avec le temps les constructions temporaires en bois ont été déplacées à la périphérie puis les bâtiments en pierre ont repris la forme rectangulaire mais en arrondissant les angles. L’architecte nous présente ensuite comment, à partir des vestiges de l’ambulacre biterrois, on en déduit le reste grâce aux autres amphithéâtres, évoquant une cavea avec une pente de 30° et au sommet, un arrêt direct sur un mur, sans galerie. Aucune trace de la façade n’ayant été trouvée à Béziers il faut s’inspirer des exemples d’Arles et de Nîmes pour en imaginer l’aspect. Enfin un mystère demeure, celui du sous-sol dont on ne peut faire aucune restitution en l’absence de fouilles.

Le travail réalisé par Jean Claude Golvin et d’autres scientifiques a ensuite permis une restitution de l’amphithéâtre de Béziers par ordinateur dans le cadre d’un projet financé par l’ancienne région Languedoc-Roussillon. La présentation en est faite par le président de l’association « les amis du bréviaire d’amour » de Béziers, Laurent Vassalo. Il rappelle l’objectif de valorisation d’un patrimoine jusque là peu visible. Le résultat est la mise au point d’une tablette numérique proposant la restitution en réalité augmentée des arènes antiques. Cette innovation technologique permet à une personne de venir sur le site et, localisée par G.P.S, de visualiser la restitution de l’amphithéâtre. L’animation est accompagnée de commentaires explicatifs. Louis Vassalo termine son intervention en insistant sur le caractère évolutif du projet mais aussi sur les possibles restitutions envisageables d’autres vestiges du patrimoine.
La conférence a donc permis au public de découvrir un lieu patrimonial au cœur de Béziers et de comprendre comment une technologie innovante, s’appuyant sur des travaux scientifiques rigoureux, contribuent à lui donner une nouvelle vie.