Documentaire sur la vie quotidienne à Pompéi avant l’éruption du Vésuve de 79.


L’objectif du documentaire n’est pas de réaliser un énième récit de la catastrophe du 24 août 79, malgré tout rappelée au début et capable d’intéresser un public scolaire, mais de redonner vie aux victimes de l’éruption du Vésuve et présenter la vie quotidienne de cette ville provinciale de la baie de Naples au I° siècle. L’ambition est donc grande. Le titre du documentaire prend ainsi tout son sens. C’est à une véritable enquête que nous sommes conviés, pour laquelle des moyens impressionnants sont mobilisés, aussi bien humains que technologiques. En effet , autour de l’historienne Mary Beard , que l’on retrouve tout au long du film, on croise les membres d’une équipe internationale de chercheurs ; constituée d’archéologues, d’ archéo-anthropologues, d’architectes spécialisés, de restaurateurs, d’un professeur d’anatomie et même d’une herboriste. Tous ces hommes et femmes sont en fait partie prenante d’un vaste projet appelé « Grand projet Pompéi » doté de 150 millions de budget consacrés à la restauration des façades, des colonnades et autres mosaïques. Ils interviennent afin de commenter et analyser les découvertes réalisées grâce à des technologies qui révolutionnent le travail de l’archéologue, autre intérêt essentiel du documentaire. Ainsi un scanner 3D est utilisé pour analyser l’intérieur des célèbres moulages des victimes et la modélisation en 3D de nombreux bâtiments de Pompéi permet une représentation de la ville totalement inédite.
Cette mobilisation de moyens hors-norme permet de renouveler notre image de l’archéologie mais aussi notre connaissance de la ville ensevelie.

Le film est découpé en séquences qui constituent un va-et-vient permanent entre les recherches sur les victimes et celles concernant leur cadre de vie. L’enquête des scientifiques concernant les moulages est passionnante et parfois émouvante. Ceux-ci datent du XIXème et ont été réalisés par G. Fiorelli à la suite des premières fouilles approfondies réalisées à Pompéi à partir de 1860. L’archéologie Kevin Dicus nous rappelle d’abord qu’ils ont sans doute été « une réponse à la curiosité morbide des premiers touristes.» L’aspect de certains d’entre eux les a rendus célèbres et donné naissance à de nombreuses légendes. L’utilisation du scanner doit donc permettre d’affiner la connaissance de ces moulages et séparer le vrai du faux : « les femmes enceintes », « la famille », « le mendiant », « le maure » et « le couple enlacé » nous apparaissent soudain en coupes numériques puis en une représentation 3D à 360° ! L’intérieur de ces moulages devient visible et certaines légendes s’effondrent. Les « femmes enceintes » ne le sont pas et aucun squelette n’apparaît. Par contre, des tiges de fer le remplacent, ce qui nous rappelle que les archéologues du XIXème ont parfois sacrifié les squelettes afin de renforcer les moulages. En ce qui concerne les moulages de « la famille » constitués d’un couple et de deux enfants, leur position empêche un passage par le scanner, ce qui nécessite l’utilisation d’un appareil de radiologie portable. Un dentiste médico-légal et un archéo-anthropologue estiment ensuite l’âge de ces personnes à environ 20 ans pour les adultes et 5 et 3 ans pour les enfants. Ces recherches utilisant les technologies les plus avancées permettent de remettre en question l’idée répandue selon laquelle les habitants n’ayant pu échapper à la catastrophe étaient souvent les plus âgés. Rien ne permet plus de l’affirmer au vu des travaux réalisés ; au contraire , l’ensemble des moulages passés au scanner révèle des habitants plutôt jeunes.
De nombreuses séquences sont consacrées aux bâtiments publics et privés resitués dans la ville à l’aide d’une vue aérienne modélisée. L’architecture et les décorations intérieures sont particulièrement mis en valeur grâce aux animations 3D. Mais le souci du réalisateur est toujours de donner du sens à ces images afin de mieux comprendre la vie quotidienne, les hiérarchies sociales propres à la société romaine et la vie économique locale. Les séquences sont de qualité et facilement utilisables en classe, dans le cadre de l’étude de la citoyenneté romaine ou de l’urbanisme. Des lieux comme l’amphithéâtre sont ainsi abordés sous l’angle de leurs fonctions sociale et économique. Le sort des gladiateurs y est par ailleurs étudié à travers le regard éclairé d’un anatomiste manipulant crânes et tibias et en tirant des informations étonnantes sur leurs conditions de vie. La «maison de Venus à la coquille », villa d’une famille patricienne, est magnifiquement modélisée. On insiste sur sa fonction de représentation sociale, politique et d’accueil pour de riches étrangers et lieu de festivités pour la clientèle locale. A l’autre bout de l’échelle sociale on visite les sous sols de l’immense villa Championnet, 3000m² et 60 pièces, lieu de vie des esclaves rarement représenté.

La vie économique locale est décryptée par l’étude de lieux aussi divers qu’un vignoble à la périphérie de la ville ou une blanchisserie au centre, où les notables venaient faire nettoyer leurs toges. Mais des bassins nous révèlent qu’on y travaillait aussi la laine vierge mélangée à de l’argile, soufre, soude et urine fermentée, cette dernière étant récupérée grâce à des seaux placés dans la rue à la disposition des passants…
La condition féminine dans la société romaine est abordée à travers plusieurs bâtiments, Le célèbre lupanar de Pompéi aux fresques explicites, rappelle le sort peu enviable de nombreuses femmes. La modélisation numérique nous fait découvrir une section des thermes réservée aux habitantes de la ville mais beaucoup moins luxueuse que celle réservée aux hommes. Mais le plus étonnant est la présentation d’une villa de 8000m² au sud de Pompéi près de l’amphithéâtre: l’animation 3D nous révèle la présence d’une entreprise comprenant un « centre de détente », avec atrium, vestiaire, tepidarium et caldarium, réservé aux clients les plus riches de Pompéi, une échoppe de nourriture à emporter donnant sur la rue, ainsi qu’une auberge pour une clientèle plus aisée. Et l’on apprend qu’une certaine Julia Felix en était la propriétaire, symbolisant parfaitement ces Romaines, libres de faire des affaires mais sans droit de vote.
Les relations sociales sont aussi étudiées à travers les habitudes alimentaires de ses habitants grâce aux restes de nourritures conservées, amandes, olives, noix, figues, ou encore carapace de tortue, sans oublier des intestins de poissons pourris et saumurés, éléments essentiels du très célèbre garum. Le film fait enfin un détour du côté des parfums dont l’origine des fragrances, locales pour les plus pauvres et orientales pour les plus riches, était un net marqueur social.
On le voit, « Pompéi, la vie avant la mort » est donc un documentaire riche, complet et très convaincant par ses représentations visuelles de la ville campanienne, son évocation de la vie quotidienne, des rapports sociaux et économiques. Il met aussi en avant le visage d’une archéologie enrichie de technologies de plus en plus avancées faisant appel à des collaborations entre scientifiques venant d’horizons différents.