Islamisme, l’école sous influence 

Iannis Roder nous présente en rappel le dernier livre de Jean-Pierre Obin intitulé Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école, paru en septembre 2020. C’est à partir de cet ouvrage que ce dernier nous propose cette intervention en visioconférence, ce samedi soir.

Delphine Girard introduit plus précisément cette seconde conférence proposée par Vigilance collèges lycées, un réseau d’enseignants laïques qui a vu le jour il y a six mois après l’assassinat de Samuel Paty et qui, dans le sillage de son corollaire Vigilance Universités, se donne pour mission de lutter contre les pressions communautaires ou religieuses dans l’enseignement secondaire et d’y promouvoir la laïcité comme le meilleur vecteur d’émancipation et de construction en tant que libres-penseurs des individus, c’est-à-dire de citoyens. En somme, il s’agit d’un réseau qui se donne pour vocation de défendre l’école républicaine comme le lieu par excellence de la transmission et de la libre circulation des savoirs, y compris ceux qui seraient de nature à déplaire ou à contrevenir aux principes religieux. Les enseignants laïques connaissent tous à ce titre Jean-Pierre Obin et son engagement laïque depuis 20 ans. Il fait aujourd’hui partie du conseil scientifique de Vigilance collèges lycées.


Photo : François Bouchon

Jean-Pierre Obin est ancien Inspecteur Général de l’éducation nationale, auteur du fameux rapport qui porte son nom mais officiellement titré : « Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires » qui, déjà en 2004, alertait sur les dangers d’une expansion inquiétante d’un activisme identitaire et obscurantiste à l’école. À l’époque, ce rapport avait été ignoré et politiquement enterré jusqu’aux attentats de 2015. En septembre de l’année dernière, un mois avant l’assassinat de Samuel Paty, Jean-Pierre Obin a fait paraître un livre : Comment a-t-on laissé l’islamisme pénétrer l’école ?[1] , ouvrage qui fait d’autant plus réagir qu’il émane d’une personnalité de gauche, issue plus précisément d’une gauche universaliste qui dit ne plus se reconnaître dans nombre de ses instances historiques comme la FCPE qui, à la sortie du livre, a porté plainte contre lui pour diffamation et qui a été déboutée en février 2021.

Iannis Roder, co-animateur de la conférence, est professeur agrégé d’histoire, Directeur de l’Observatoire de l’éducation de la Fondation Jean-Jaurès. Il est également responsable des formations du Mémorial de la Shoah et fait, lui aussi, partie du conseil scientifique du comité Vigilance collèges lycées.

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Jean-Pierre Obin souhaite débuter son exposé de présentation avec ce qui est pour lui la grande question à laquelle sont confrontés aujourd’hui l’école publique et, au-delà, la France et une partie du monde, et en particulier les pays arabes ou musulmans qui est celle, non pas de la laïcité mais celle de l’islamisme, bien que les liens entre les deux doivent être interrogés.

Pour cela, il déroulera son argumentaire en trois temps. Le premier reviendra sur la définition de l’islamisme, puis un second présentera un état des lieux de la pénétration de ce dernier dans l’école de la République et plus largement dans la cité française, pour enfin aborder dans un troisième temps la question des responsabilités politiques et institutionnelles qui ont permis et qui permettent toujours son expansion dans l’école.

Comment définir l’islamisme ?

Comme beaucoup d’auteurs et en particulier de chercheurs spécialistes du Proche-Orient, Jean-Pierre Obin donne une définition très précise de ce qu’il appelle « islamisme ». Il pense particulièrement à Bernard Rougier, qui est sans doute celui qui donne l’une des définitions les plus précises mais aussi à Gilles Képel, Hugo Micheron, et toute une série d’intellectuels issus du monde arabe : Kamel Daoud, Boulaem Sansal, Abdelwahab Meddeb qui connaissent l’islamisme pour l’avoir vécu dans leur chair. On pense surtout ici aux Algériens pendant les années noires de la guerre civile provoquée par les islamistes.

L’islamisme n’est pas une religion. Mais quel lien peut-on  faire entre l’islam et l’islamisme ? Deux thèses se sont développées à l’opposé l’une de l’autre, la première qui affirme : « circulez, y’a rien à voir, ça n’a rien à voir, ces gens-là ne connaissent pas la religion » tandis que la seconde postule qu’« islam et islamisme, c’est la même chose », soit un amalgame. Ces idées sont défendues actuellement par l’extrême-gauche et l’extrême-droite en France. Une petite rétrospective historique est donc nécessaire pour comprendre le phénomène.

Laïcité contestée à l’école : Que faire ?

L’islamisme est né au XVIIIe siècle et, à l’époque, il signifie la religion musulmane. On avait forgé ce mot « islamisme », sur le même mode que les termes de « christianisme » « bouddhisme » « protestantisme » etc. Puis ce sens-là est tombé en désuétude au début du XXe siècle à partir du moment où la langue française a intégré le mot arabe pour désigner la religion musulmane, c’est-à-dire le mot « islam ». Il a fallu attendre les années 70 et les travaux de Bruno Étienne[2] qui ont redonné un nouveau sens au terme « islamisme » en utilisant le suffixe -isme dans le sens où il désigne les groupes politiques (comme pour les termes de communisme, socialisme…) mais avec ici une signification particulière. L’islamisme est une idéologie politique et un projet politique qui forment aujourd’hui un projet révolutionnaire  visant à instaurer un nouveau totalitarisme dans les pays où il parvient au pouvoir. Il a eu une double date de naissance, reliée aux deux grands courants de l’islamisme d’aujourd’hui, nés à deux moments différents, mais qui tendent aujourd’hui, d’après les chercheurs, à se rejoindre dans un syncrétisme particulier en France appelée le salafo-frérisme :

-Le salafisme en premier : sa date de naissance remonte au XVIIIe siècle et correspond au moment où un prédicateur d’Arabie, Mohammed Ibn Abd al-Wahhab passe une alliance (depuis jamais démentie avec le pouvoir politique) avec le fondateur de la dynastie des Saoud, l’émir Mohammed Ibn Saoud, soit un pacte entre le sabre et le croissant. Cette conception particulièrement puritaine de l’islam devient la conception officielle de la monarchie saoudienne et des religieux salafistes (wahabbites). Elle a pris une importance considérable, alors qu’au départ elle n’était qu’un épiphénomène dans le monde musulman. Avec la manne des pétrodollars, le financement sur la planète entière de la formation d’imams, de la construction de mosquées qui propagent cette conception particulièrement intégriste et puritaine de l’islam, le salafisme connaît un regain et une expansion considérable sur la planète. Sa branche armée s’est développée (al Qaïda, Daesh), ainsi que sa stratégie avec le stratège Abou Moussab al-Souri qui a défini notamment les conditions du djihad dans les pays occidentaux, en se servant des diasporas musulmanes comme d’une masse de manœuvre.

-les Frères musulmans (le frérisme) d’autre part. Dans les années 20, en Égypte, Hassan al-Bannah (grand-père de Tariq Ramadan) fonde la confrérie des Frères musulmans qui elle aussi, s’est étendue sur une grande partie de la planète à la faveur d’un certain nombre de conflits et qui a été combattue par le régime de Nasser dans les années 50. Ils développent également une branche qui préconise l’emploi de la violence pour parvenir à ses fins.

La pénétration de l’islamisme en France va se faire à partir de la fin des années 70, mais surtout au début des années 90 avec l’arrivée en France d’un certain nombre de prédicateurs, à la faveur de la guerre civile algérienne et surtout de l’amnistie qui va suivre. C’est ainsi que beaucoup d’anciens combattants djihadistes algériens débarquent dans des quartiers français. Ils sont alors surnommés les « blédards » et ils vont propager cette vision très particulière de l’islam qui vise, par ses préconisations, une nouvelle orthodoxie et par ses nouvelles normes à séparer très précisément la population musulmane de l’influence occidentale et, en particulier, des sociétés des pays d’immigration. Les deux mesures emblématiques de cette séparation, bien connues, sont :

– le voile : il s’agit par le voile de marquer que les femmes musulmanes ne vont pas et ne se laissent pas circonvenir par des influences occidentales et se réservent pour des musulmans,

– la nourriture : par la viande halal, on marque le fait que l’on ne peut pas partager la nourriture avec des non-musulmans.

Par conséquent, en instaurant symboliquement la séparation du lit et de la table, on vise à une société qui est repliée sur elle-même, endogamique et qui préserve la pureté des siens.

Par conséquent, l’islamisme n’est pas une religion mais une idéologie et un projet politique révolutionnaire. Il s’agit de parvenir au pouvoir, d’affaiblir l’ennemi dans les pays où l’islam est minoritaire pour mieux parvenir au pouvoir dans les pays où l’islam est majoritaire. L’idée a été popularisée par Khomeiny dans les années qui ont suivi son accession au pouvoir en Iran. Il y a donc ainsi, selon son idée, d’un côté le Petit Satan (le Shah d’Iran) et de l’autre, et c’est le plus important, le Grand Satan c’est-à-dire les États-Unis et l’Occident, auteurs et promoteurs des idées qui permettaient au Petit Satan de gouverner. Partout, au Moyen-Orient, il s’agit donc de faire tomber les régimes en place, mais plus largement de combattre l’influence occidentale. C’était aussi justement le projet d’Hassan al-Bannah en 1927 lorsqu’il fonde les Frères musulmans à une époque où le grand parti qui est opposé au régime dictatorial et colonialiste en place, le Wafd, est un parti nationaliste pétri des valeurs de démocratie, de liberté, égalité et qui veut, à la faveur de son arrivée au pouvoir en Égypte, les mettre en œuvre. Il s’agit donc là pour les Frères musulmans de lutter contre la pénétration de l’influence occidentale qui s’effectue par le biais de partis autochtones comme le Wafd. Ils luttent ainsi contre les Lumières occidentales, mais pas directement contre elles mais contre leur influence à travers des mouvements progressistes dans les pays arabo-musulmans.

Par conséquent, les islamistes ont pour projet la conquête du pouvoir et ils utilisent la religion pour parvenir à leurs fins. Cette utilisation passe par une réinterprétation théologique des textes fondateurs dans le monde sunnite : le Coran et la Sunna en tête. Bernard Rougier, grand spécialiste de l’islam, explique comment cette actualisation des textes fondateurs s’opère et comment ils sont réinterprétés dans un contexte complètement différent de celui d’origine, celui du VIIIème siècle. Un exemple assez savoureux peut être donné, lié à la question concernant le maquillage des femmes. Sur quels textes sacrés s’appuyer pour interdire le maquillage des femmes ? La réponse que donnent les autorités religieuses islamistes lorsqu’on les consulte s’appuie sur la sourate 83 du Coran[3] consacrée à la fraude des marchands qui maquillent leurs marchandises, afin de les faire apparaître plus digne d’intérêt et ainsi de monter leur prix : pour eux, il s’agit de dénoncer cette fraude à la séduction que constituerait, par extension, le maquillage tandis qu’en prime, la femme est assimilée à une marchandise. Les spécialistes montrent comment tous les textes ont été utilisés et interprétés pour donner en tout domaine des réponses à ceux qui les consultent.

De plus, Jean-Pierre Obin mentionne que, partout où les islamistes sont arrivés au pouvoir, que ce soit en Iran ou en Afghanistan par exemple, ils ont mis en place un régime que l’on peut qualifier de totalitaire,  si l’on s’en réfère aux études d’Hannah Arendt sur le totalitarisme. Or, pour cette dernière, le totalitarisme arrive et se maintient au pouvoir avec deux grands moyens principaux et conjoints : la terreur et la propagande.

On peut rappeler un chiffre tout à fait éclairant, celui calculé par une étude de la Fondation pour l’innovation politique[4] en 2019 : celui des morts commis par des attentats islamistes dans le monde en 40  ans. On ne compte pas ici les victimes des guerres ni des régimes en place. On comptabilise donc 167 000 morts dont 91,2 % sont des musulmans, ces derniers étant aujourd’hui les premières victimes, et de très loin, de l’islamisme. La propagande est celle que l’on voit partout dans le monde, et qui est disponible notamment dans les librairies islamiques que Bernard Rougier a aussi étudiées : 80 % de la littérature que l’on trouve dans ces librairies, sont des textes islamistes, salafistes ou fréristes.

La propagande consiste donc en la prédication d’une religiosité rigoriste et revendicative dans laquelle il s’agit, à travers les normes que l’on fixe ou les réponses que l’on donne aux questions, toujours de séparer la population qui n’est pas musulmane des autres parties de la société.

En même temps, les islamistes et surtout les Fréristes sont suffisamment habiles pour lier des alliances de circonstances avec des groupes qui ne partagent absolument pas leur projet politique et leur idéologie, mais avec lesquels ils peuvent se retrouver tactiquement dans un certain nombre de combats. Par exemple, en France ils se retrouvent dans le combat contre la précarité, l’islamophobie (notion ambigüe), l’absence de mixité dans les quartiers, et en général, contre les discriminations de toutes sortes. Un certain nombre de groupes de gauche (mais pas seulement), peuvent se retrouver dans des combats communs avec les islamistes, alors que pour la plupart, ces groupes sont très largement athées (ou du moins leurs militants le sont dans leur très grande majorité) et ne partagent pas du tout leur vision de la société, en particulier celles concernant des questions fondamentales telles que la liberté et l’égalité.

En revanche, un récent sondage montre que sur la laïcité, ils sont parvenus à faire partager, dans la jeunesse en particulier, une conception de la laïcité purement négative, coercitive, punitive et liberticide. Il y a ici une alliance qu’il faut examiner sérieusement, et qui est à la fois objective et paradoxale entre des jeunes français, lycéens de toutes convictions (qui, au nom de la liberté, la critiquent) et les pires ennemis de la liberté par ailleurs, qui, une fois arrivés au pouvoir, suppriment toute liberté et emprisonnent leurs alliés d’hier avec qui ils avaient mené un combat commun contre un ennemi ciblé. Par exemple, dans le cas de l’Iran, les premiers hôtes des prisons islamistes ont été les militants de gauche qui s’étaient alliés avec Khomeiny.

L’arrivée de l’islamisme dans les écoles françaises

Après avoir donné une définition de l’islamisme, en seconde partie, Jean-Pierre Obin souhaite aborder la question de l’arrivée de l’islamisme dans les écoles françaises, avec comme point de départ le rappel de l’affaire du voile de Creil en 1989, liée à l’influence de prédicateurs islamistes qui avaient convaincu ces trois collégiennes de porter le voile. Il a fallu que le gouvernement français, dans une rare démission politique qui depuis ne s’est pas démentie, fasse appel au Commandeur des croyants marocains, le roi du Maroc, pour discrètement convaincre les parents des collégiennes que ces dernières quittent leur voile. Pour la première fois, un pouvoir national et laïque démissionnait et avait  recours à un pouvoir étranger et religieux. Ce mauvais exemple a été malheureusement une sorte de paradigme qui a ensuite beaucoup influencé les politiques françaises.

L’état des lieux est connu, et Jean-Pierre Obin ne va pas trop insister, et nous en indique quelques grandes lignes. Si, en 2004, nous n’avions aucun chiffre sur ces questions, aujourd’hui nous disposons de très nombreuses études sur la pénétration de l’islamisme dans la société. Le premier qui a tiré la sonnette d’alarme fut en 2016 un rapport d’Hakim El Karoui[5] pour l’institut Montaigne. Depuis, nous avons des indications plus précises, objectives voire même peut-être plus sérieuses et davantage documentées. Nous pouvons citer ici une étude coordonnée par Sébastien Roché intitulée « Les adolescents et la loi : un état des lieux pour comprendre les relations entre jeunes et institutions publiques » où le volet consacré à la religion et à la laïcité repose sur une enquête menée auprès de 11 000 collégiens de toutes convictions. On retrouve les réponses suivantes aux trois items posés à ces derniers :

– « la femme est faite avant tout pour faire des enfants et les élever » : ceux qui se déclarent d’accord avec cette affirmation sont à 16 % des adolescents sans religion, 30 % d’entre eux se déclarent catholiques et 41 % musulmans,

– « une loi heurte tes principes religieux que fais-tu ? » = « Je suis mes principes religieux avant tout » pour 34 % des catholiques et pour 68% des musulmans.

– « Les espèces vivantes sont le résultat d’une évolution » : cette affirmation est acceptée par les sans religion à 66 %, par 30% de ceux qui se déclarent catholiques et 6 % des musulmans. Aujourd’hui, 94 % des collégiens musulmans pensent que le professeur dit un mensonge.

Dans l’ouvrage d’Anne Muxel et d’Olivier Galland consacré à la radicalisation des lycéens[6] paru en 2018 là encore, on constate que la radicalisation des lycéens musulmans est quatre fois plus importante comparée aux autres lycéens. Certes, ils ne représentent que 12 % des lycéens à l’école qui ont une conception absolutiste de la religion et qui sont prêts à utiliser la violence pour parvenir à leurs fins, soit environ 150 000 lycéens prêts à en découdre pour imposer une vision absolutiste de la religion, mais le chiffre laisse songeur.

Nous disposons également aussi de sondages pour Charlie Hebdo, pour le Comité Laïcité République et la Fondation Jean Jaurès. Quelques résultats ici peuvent être brièvement rappelés : concernant la question posée par l’IFOP : « l’islam est-il incompatible avec les valeurs de la société française ? », on constate en général que plus on est situé à droite plus on répond oui à cette question. Dans le même temps, on constate que si 29 % des musulmans répondent positivement à la question, la proportion passe à 45 % chez les moins de 25 ans. Sur la question concernant les convictions religieuses qui passeraient avant les valeurs de la République, les musulmans répondent favorablement à 40 %, mais les moins de 25 ans sont 74 % à faire primer la religion.

Un sondage plus récent réalisé par l’IFOP pour la LICRA sur la laïcité et les lycéens permet de voir que sur la question de la laïcité, la bataille semble perdue puisqu’aujourd’hui la conception punitive, coercitive et liberticide de la laïcité a la faveur de 80 à 90 % des lycéens musulmans. C’est quasiment un consensus. Une large partie des autres lycéens, entre 50 et 60% suivent cette conception, également au nom de la liberté. Au nom de cette dernière, ils défendent le droit pour les professeurs et les fonctionnaires en général de s’habiller comme ils le souhaitent, et d’exprimer publiquement leur religion et que l’on n’a pas le droit de les priver de cette liberté.

Comment en est-on arrivé là ?

Jean-Pierre Obin en arrive à la troisième partie de son propos : comment en est-on arrivé là ? Quelles sont les responsabilités politiques et institutionnelles ? Tout d’abord, il pense qu’il y a trois grandes raisons permettant de répondre à la première interrogation : la cécité doublée du déni, la lâcheté et la complaisance idéologique. Ces trois traits se retrouvent à la fois dans le monde politique et institutionnel pour légitimer des alliances, ou du moins une certaine complaisance avec les islamistes.

Il faut rappeler qu’une partie de la droite n’a jamais été laïque que du bout des lèvres, et une grande partie d’entre elle est encore influencée par l’Église. Nous pouvons prendre par exemple le cas du vote de la loi de 2004 contre les signes religieux à l’école où la très grande partie des députés qui se sont abstenus ou qui ont voté contre la loi, étaient des députés de droite, c’est-à-dire ceux qui étaient les plus influençables par la Conférence des Évêques qui s’était déterminée de son côté contre cette loi. Les nouvelles professions d’amitié, voire de déclarations d’amour d’une partie de la droite ou de l’extrême-droite pour la laïcité, sont des éléments purement tactiques et ne donnent pas le véritable état de la droite aujourd’hui sur cette question qui est largement biaisée. Le débat sur la loi actuellement au Parlement a montré les limites des partis de droite pour appuyer un certain nombre de mesures favorables à la laïcité, et dans l’école en particulier.

Pour la gauche, c’est un peu plus compliqué. Il y a trois grands courants de gauche qui ont abandonné en fait la laïcité pour afficher des convictions qui peuvent apparaître proches ou complaisantes avec l’islamisme :

  • La gauche d’ascendance marxiste, (dans le sillage par exemple de Franz Fanon) qui a remplacé les « Damnés de la Terre », le prolétariat occidental, pour asseoir son idéologie sur les masses du Tiers-Monde et les peuples opprimés qui luttaient à l’époque contre le colonialisme. Aujourd’hui, c’est une idéologie victimaire qui s’est développée sur cette base : les grandes victimes du système, de la laïcité, de l’impérialisme occidental et du capitalisme sont les immigrés. Un homme comme Edwy Plenel qui a été rédacteur de la revue d’extrême-gauche Rouge dans les années 70, et qui a longtemps fait l’éloge du prolétariat, a écrit un ouvrage intitulé Pour les musulmans où ces derniers seraient désormais les derniers Damnés de la Terre, les nouvelles victimes de l’Occident et du capitalisme. Dans ce combat-là, il faut rappeler qu’Israël a été désigné également comme complice direct de ces derniers, soit la forme d’un nouvel antisémitisme visant les juifs derrière le terme générique d’Israël.
  • La gauche libérale, très largement multiculturelle et pluraliste : elle fait de l’identité culturelle quelque chose d’essentiel et d’indépassable et l’objet de combats multiples pour l’émancipation de ces identités qui seraient toujours contraintes par le pouvoir en place et la société française. Nous avons ici une idéologie identitaire qui s’est développée et qui est bien représentée, par exemple par Europe Écologie Les Verts avec une personnalité comme Esther Benbassa[7] .
  • Le troisième courant est d’ascendance chrétienne : le courant « droit-de-l’hommiste », sans frontièriste. il est sur des positions purement morales et moralisatrices puisqu’il s’agit avant tout de défendre le droit d’immigrer librement, de bénéficier de toutes les aides que la France apporte à ses nationaux sans limite et sans contrainte au nom de l’hospitalité, selon une morale perçue comme supérieure à toutes les contraintes politiques.

Les islamistes trouvent des alliés dans ces trois courants pour des raisons parfois différentes. Mais en tout cas, ils sont ce que l’on peut appeler « les idiots utiles de l’islamisme », dans le sens où ce sont des alliés tactiques dont les islamistes vont se débarrasser évidemment une fois arrivés au pouvoir car ils défendent des valeurs qui sont totalement incompatibles avec les leurs.

Dans le système éducatif, ces courants sont représentés, que ce soit en salle des professeurs, dans les bureaux du ministère ou dans les rectorats. Nous avons là des complaisances, des petites lâchetés qui se sont exprimées en particulier envers  les professeurs qui en sont les victimes. C’est ce qu’exprime le fameux hashtag « pas de vague » qui s’est développé en dehors de toute influence syndicale et parfois même contre les syndicats, par des personnels qui ne se sentaient pas soutenus par la hiérarchie en général, et pas uniquement dans des situations liées à la radicalisation.

Jean-Pierre Obin prend comme exemple la réponse à une question d’un sondage de l’IFOP réalisé pour la fondation Jean-Jaurès. A la question :  « avez-vous signalé des contestations de votre enseignement et si oui à qui ? », 44 % des enseignants déclarent qu’ils ont signalé à leurs collègues, 36 % à un chef d’établissement ou un adjoint, 5 % à un syndicat, 5 % au référent laïcité du Rectorat. Plus la hiérarchie est élevée moins on signale, et ceci pour une raison simple : à la question « avez-vous reçu un soutien total de la part de ce à qui vous avaient signalé ces incidents ? », 73 % déclarent avoir reçu un soutien total de leurs collègues, 54 % seulement ont reçu un soutien total de leur hiérarchie proche (chef d’établissement), 21 % seulement ont reçu un soutien total du rectorat. Plus la hiérarchie est élevée, plus le soutien est difficile à obtenir.

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En conclusion, Jean-Pierre Obin rappelle que l’islamisme est une idéologie politique qui utilise la religion au service d’un projet révolutionnaire : son but est d’imposer par la terreur et la propagande une nouvelle forme de totalitarisme et, en Occident, dans les pays où l’islam est minoritaire, il s’agit d’utiliser comme base de manœuvre les diasporas musulmanes pour affaiblir, diviser et propager des ferments de guerre civile. Son ennemi principal est la modernité occidentale et ses valeurs avec, en tête de liste, la liberté et l’égalité, la tolérance, l’humanisme et la mixité sociale entre les sexes. Bien au-delà des valeurs de la République, les valeurs des Lumières sont explicitement visées.

C’est un phénomène mondial qui s’inscrit dans une longue durée. La France n’a qu’une position périphérique dans ce combat, mais néanmoins symboliquement important en tant que pays des Lumières et de la Révolution française. Un texte islamiste explique d’ailleurs d’une manière très cynique qu’il vaut mieux faire un attentat à Paris qu’à Rio de Janeiro car il n’a pas la même charge symbolique. L’école française, en tant que dépositaire et diffuseur de ces valeurs auprès des jeunes dont ceux de culture musulmane, est un lieu d’abomination et donc une cible privilégiée. Il y a donc dans ce combat mondial et de longue haleine contre l’islamisme, deux moyens principaux pour combattre ce dernier : une unité nationale la plus large possible autour des valeurs de la République et, au niveau international des alliances avec les forces démocratiques qui, partout, luttent contre l’islamisme et principalement aujourd’hui dans les pays arabo- musulmans. Ce sont elles, ces masses et ces élites progressistes des pays musulmans qui sont aujourd’hui les principales victimes de l’islamisme. On ne peut imaginer vaincre l’islamisme en France ni à court ni à moyen terme sans cela. Cette victoire ne peut être que mondiale car cette idéologie ne s’arrête pas aux frontières de la France, un peu comme un certain nuage nucléaire…

Dans ce combat, la laïcité n’est qu’une arme parmi d’autres mais elle reste franco-française. Elle n’a pas de signification dans bon nombre de pays, elle est une spécificité française qui s’explique par l’histoire de France et la lutte entre l’État français et Rome. Dans les pays protestants où l’État s’est débarrassé de Rome, la laïcité n’a que peu de signification. Elle a peu de signification également dans les pays musulmans, sauf en Turquie où Moustapha Kemal l’a imposé à une société qui n’y était pas préparée.

La laïcité a toujours été en France depuis la fin du XIXe siècle, une pomme de discorde, un combat permanent contre la droite. Les ennemis de la laïcité ont changé et ont pris de nouveaux habits mais ils ont toujours été présents, notamment dans les grandes manifestations contre l’école laïque. En revanche, des valeurs de la République telle que la liberté, l’égalité et la fraternité sont des valeurs qui restent profondément adoptées par les Français mais aussi dans le monde. C’est toujours au nom des deux premières que les gens manifestent dans le monde, voire même se soulèvent comme le montrent les exemples de la Birmanie ou du printemps arabe en 2011.

Par conséquent, si l’on veut combattre l’islamisme avec détermination, il faut mettre en avant les valeurs de liberté et d’égalité pour confondre leurs alliances avec des mouvements politiques qui sont profondément différents et démontrer qu’il est liberticide, anti-égalitaire et qu’il promeut  une fraternité qui n’est qu’une fraternité de communauté.


Échanges avec le public 

Delphine Girard reprend la parole, après cet exposé édifiant qu’elle estime également un peu pessimiste et dur, pour la céder à quelques spectateurs.

Huguette Chomsky Magnis, enseignante retraitée, prend la parole. Elle remercie Jean-Pierre Obin d’avoir souligné la nécessité de soutenir les forces démocratiques dans le monde arabo musulman. Elle croit que, même si en 1979, beaucoup d’éléments obscurantistes se sont exprimés en Iran, aujourd’hui beaucoup d’espoirs viennent également de ce même pays, avec l’exemple des femmes iraniennes qui défendent leurs droits tout simplement à ne pas porter le voile islamique, alors que dans les banlieues  et les villes françaises,  on voit des femmes qui sont habillées comme la police des mœurs de Téhéran en rêve. Elle remarque que dans les pays européens qui ne sont pas laïques comme l’Angleterre, où il y a toujours eu des cours d’enseignement religieux à l’école publique, l’islamisme est rentré comme dans du beurre. Elle prend pour exemple le cas de ce professeur qui vient d’être menacé, suspendu par l’administration de son établissement et lâché par les syndicats, alors qu’il est justement un professeur de cet enseignement religieux. Certes, une pétition demande sa réintégration mais il faut savoir que cette pétition explique qu’il est innocent et qu’il voulait simplement montrer à quel point les caricatures de Mahomet sont racistes et homophobes. Une tribune vient de paraître en Belgique qui, paradoxalement, demande à ce que la laïcité soit inscrite dans la constitution belge mais qui, en même temps, attaque la laïcité à la française qu’elle taxe d’intolérance.

Une seconde remarque est faite par un second spectateur : jusqu’à présent, nous n’avons pas réussi à présenter et à développer une définition de la laïcité claire, simple et consensuelle dans l’éducation nationale. Par conséquent, en tant qu’enseignant aujourd’hui, quand on regarde les sites des INSPE et des académies par exemple, on voit plusieurs conceptions tout à fait contraires se développer librement. Sur le plan géopolitique, il estime qu’on aurait tort de se polariser excessivement sur la laïcité. Il remarque aussi que Samuel Paty n’est pas mort pour avoir enseigné la laïcité mais pour avoir enseigné la liberté d’expression, tandis que les attentats et l’idéologie islamistes visent tout autant des  pays qui n’ont pas la laïcité au cœur de leur conception comme la France. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Autriche en souffrent aussi. Ce sont des cibles pour les islamistes, tout autant que la République française. Quand on lit les textes islamistes, la laïcité occupe une partie de ce qu’ils reprochent à la République. Par conséquent, il vaut mieux peut-être sans doute mettre en valeur des valeurs partagées sans difficultés avec les autres pays.

Question : les programmes scolaires sont-ils actuellement un rempart suffisant contre l’islamisme ?

Jean-Pierre Obin : Si nous prenons les mathématiques, la science physique et les SVT, oui certainement. Pour ce qui est des humanités, la philosophie et la littérature… Il n’y a pas de censure de la part du ministère. En revanche, il n’est pas certain que l’éducation morale et civique ait intégré ce défi là. Pour concevoir les programmes, il faudrait certainement les revoir à l’aune des derniers développements et des dernières connaissances disponibles. Les programmes ne se sont pas laissés circonvenir par l’islamisme, mais en revanche, les phénomènes d’autocensure sont assez généralisés puisque l’on sait qu’un enseignant sur deux s’est déjà autocensuré, de crainte de certains incidents avec certains élèves.

Une collègue qui a enseigné les mathématiques dans un collège situé dans le nord de Nîmes, dans l’académie de Créteil, puis au lycée professionnel Louis Armand à Paris dans le 15e arrondissement, fait remarquer que, dans les établissements qu’elle a traversés, il n’y avait aucune mixité sociale. Elle a pu constater une énorme pression sociale exercée sur des élèves qui souhaitaient par exemple aller au cinéma avec leur petite copine. Or, c’est impossible pour eux. Le sociologue Didier Lapeyronie a longuement écrit là-dessus et dans l’urbanisme actuel, elle ne voit pas comment un adolescent peut s’opposer à la pression de son environnement. Elle rappelle qu’à la grande mosquée de Nîmes, Tariq Ramadan était venu faire une conférence disant explicitement à son auditoire qu’il n’était pas nécessaire que leurs enfants étudient bien en classe car de toute façon la société française ne voulait  pas d’eux.

Jean-Pierre Obin : cette pression sociale est précisément l’argument qui a convaincu la commission Stasi de changer complètement son fusil d’épaule en 2003, puisque la totalité de ses membres était au départ contre une initiative législative et que, à l’exception de Jean Baubérot, ils ont fini par changer d’avis, suite à l’audition des chefs d’établissement, des professeurs et des lycéennes qui sont venus leur expliquer les pressions sociales qui pouvaient s’exercer et pas seulement sur les filles mais aussi sur les garçons d’origine musulmane ou simplement pour toute adolescent qui porte un patronyme d’origine maghrébine. L’autarcie culturelle est ennemie de l’intégration dans la société française et l’une de ces recommandations, en 2004 et en 2020, est de développer la mixité sociale et il propose d’ailleurs comment procéder dans le cadre de l’éducation nationale. Les travaux ont démontré qu’il n’y a pas de corrélation entre l’origine sociale des élèves et la radicalisation. En revanche, il y en a une entre l’autarcie culturelle, c’est-à-dire l’absence de mixité, la radicalisation et la propagande islamiste.

François témoigne pour l’Inspé de Rennes. En ce moment est proposée en prêt dans les établissements scolaires une exposition de femmes voilées, sous couvert de traiter des questions liées aux migrations et aux inégalités. Cette exposition, validée par l’institution, présente des femmes heureuses de porter le voile, sans autre alternative. Pour en revenir sur la question internationale, il signale la présence de Louise, professeur de philosophie au Québec et combattante de longue date en faveur de la laïcité au Québec, qui fait débat depuis plusieurs années et surtout depuis 2019.

L’exemple du Québec

Louise évoque la situation dans les écoles québécoises. Les problèmes sont les mêmes qu’en France. Une loi sur la laïcité, dite « loi 21 » a été votée en juin 2019 par l’Assemblée nationale du Québec : elle  interdit le port de signes religieux pour certains employés de l’État, comme les policiers, les juges, les avocats mais aussi pour les enseignants.  C’est ce point-là qui fait litige (y compris pour de gros syndicats locaux) car les Québécois n’ont pas d’héritage similaire à celui de la loi de 1905 qui interdit en France aux employés de l’État le port de signes religieux. En 2013, une première tentative n’avait pas fonctionné, c’était trop ambitieux. Comment cela est-il vu par les jeunes ?

Elle est très inquiète car elle constate qu’il y a beaucoup de ressemblances avec la situation française, alors qu’il y a moins d’immigration musulmane au Québec qu’en France, pour des raisons historiques et géographiques. L’offensive passe là aussi par la question du voile islamique et le fait que les enseignantes ne puissent pas le porter durant leurs heures de travail. Un autre élément de la loi précise que les services publics doivent être exercés à visage découvert, donc c’est-à-dire pas de niqab pour les employées de l’État. Le problème pour les jeunes, comme pour une bonne partie de la gauche qui se dit progressiste, est que la laïcité est vue comme liberticide et allant à l’encontre de l’égalité entre les hommes et les femmes, en ciblant davantage les femmes musulmanes. Or, les Québécois appuient dans leur majorité cette loi qui est contestée devant les tribunaux.

Mais le Québec est une province canadienne et un parlement provincial ne peut voter une loi qui irait à l’encontre de la constitution canadienne qui protège entre autres la liberté de religion. Il y a eu un premier procès en Cour supérieure mais d’ici quelques années, la question passera devant la Cour suprême qui est le tribunal ultime et qui peut confirmer une loi votée par un parlement élu. Et si elle en arrive à ça, elle pense que cela va devenir un terrain fertile pour la question liant laïcité et indépendance du Québec. En effet, les Québécois font de la laïcité une question identitaire mais pas au sens entendu par l’extrême droite, dans la mesure où la situation politique est différente de la France. Louise observe les mêmes phénomènes qu’en France, alors qu’il existe dans les écoles un cours d’éthique et de culture religieuse : des pressions, un profil unique de la jeune musulmane forcément voilée, tandis que la Gauche s’est divisée. Alors qu’avant elle défendait contre les catholiques la laïcité, elle a laissé tomber son combat pour appuyer, non pas toutes les religions mais une seule : l’islam. Beaucoup de travail reste donc encore à faire. Mais Louise se demande si la France est l’avenir du Québec ou si ce ne serait pas l’inverse ?

Il reste une solution pour s’affranchir de la Cour suprême : c’est l’indépendance… Mais là, nous débordons le thème de la soirée comme le fait justement remarquer Iannis Roder !

Place et rôle de l’idéologie décoloniale

Nicole souhaite revenir avec Jean-Pierre Obin sur l’alliance entre les islamistes, les racisés et les décoloniaux. Cette alliance vient des États-Unis comme le montre l’exemple d’Assa Traoré qui est soutenue par les islamistes alors que paradoxalement l’attitude passée et présente des islamistes vis-à-vis des populations d’Afrique noire démontre et illustre le profond mépris de leur part pour ces derniers. Elle revient également sur le slam interprété par Tariq Ramadan disponible depuis peu et dont les paroles sont explicites : « vous nous avez pillé, vous nous avez déshumanisé, vous ne voulez pas partager, on se servira ». Il ne parle plus de religion il est dans une forme de lutte générale en faveur des Damnés de la Terre.

Pour revenir brièvement sur le décolonialisme et le racialisme, ces deux idéologies qui font florès mais ne représente pas grand-monde dans l’absolu, cela pose une question : qu’est-ce que l’idéologie décoloniale si ce n’est la radicalisation d’une idéologie victimaire et une radicalisation de la pensée de Frantz Fanon ? C’est le prolongement de ses luttes dans un contexte qui est pourtant complètement différent : les pays ont été décolonisés depuis plusieurs dizaines d’années mais c’est comme s’il ne s’était rien passé depuis ce laps de temps et comme si tout pouvait s’expliquer par la période coloniale qui, pourtant, pour certains pays africains n’a duré que quelques dizaines d’années seulement. Comment peut-on résumer tout ce qui se passe actuellement dans ces populations par cette courte période de l’histoire ? C’est comme si on devait expliquer tout ce qui se passe en France à travers seulement les guerres de religion ou telle autre épisode de l’histoire. Le courant racialiste et indigéniste aussi est une radicalisation de l’idéologie identitaire : toute identité est essentialisée, indépassable et en particulier la couleur de peau et on fait de cette dernière le paradigme de la différenciation sociale. On remplace ainsi la « lutte des classes » par la « lutte des races ». Cela trouve un certain écho chez certains groupes radicalisés.

Cet ensemble vient des États-Unis où la question raciale a une épaisseur historique bien plus importante qu’en France.

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Note personnelle :

Merci aux organisateurs et à Jean-Pierre Obin pour cette visioconférence et cette mise au point synthétique.

On ne va pas se le cacher, l’année électorale qui s’ouvre sera immanquablement marquée par une récupération de la laïcité à des fins politiques. Entre une (extrême) droite qui s’est découvert une passion subite et opportuniste pour la laïcité et une (extrême) gauche qui dédaigne, fait abstraction et ne veut pas entendre parler d’une réalité (inter)nationale au point de qualifier de raciste, fasciste et/ou de classer à droite toute personne qui n’adhère pas à sa ligne, il n’est guère évident de rappeler des faits élémentaires mais pourtant essentiels à la compréhension des tensions actuelles.

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[1] Jean-Pierre Obin, Comment a-t-on laissé l’islamisme pénétré l’école ? Paris, Éditions Hermann, septembre 2020, 166 pages.

[2] Bruno Étienne [1937-2009] sociologue, anthropologue et spécialiste de l’Algérie, du fait religieux et de l’islam.

[3] Sourate 83 Al-muttaffifin « les fraudeurs », 36 versets.

[4] Fondapol est un think tank créé en 2004 par Jérôme Monod.

[5] Normalien agrégé de géographie, il a été enseignant à l’Université de Lyon II. Il a fait partie du Cabinet du Premier Ministre en 2002. Il est auteur du rapport intitulé Un islam français est possible.

[6] Olivier Galland et Anne Muxel, La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens, Paris, PUF, 2018, 455 p.

[7] Sénatrice depuis 2011.