Le désert oriental égyptien présente d’abondantes ressources minérales et minières qui furent très tôt exploitées par les habitants de la vallée du Nil. Il constitue aussi une zone de passage pour gagner la mer rouge et rejoindre le Sinaï, le pays de Pount ou l’Inde. L’archéologie scientifique d’aujourd’hui  permet de comprendre les modalités évolutives d’adaptation dans ce milieu aride au cours de l’histoire.

1) Le contexte géologique et géomorphologique

Le désert oriental égyptien est divisé ainsi :

  • au centre et à l’est des chaînes de montagnes, composées de roches magmatiques mais aussi volcaniques et de roches métamorphiques très hétérogènes, fracturées et faillées. 
  • à l’ouest, un plateau sédimentaire très étendu dont la surface est principalement constituée, au sud par des grès du cétacé supérieur dits de Nubie et au nord par des calcaires datant de l’éocène.
  • à l’est et au sud, des plaines littorales.

Les ouadis (oueds) sont des cours d’eau souvent à sec que l’on trouve dans le désert mais qui coulent très fort lors des crues. Ce désert égyptien est en hyperaridité climatique car les régions au sud reçoivent moins de 15 mn de précipitations. Ce phénomène est mis en place il y a déjà au moins 4000 ans. Par contre, certains épisodes ponctuels de pluie ont pu exister, attestés par des sources textuelles. Ils se voient par la dégradation de sites archéologiques ou certains d’épisodes de pluie constatés pendant les missions des chercheurs.

Alors des bassins naturels étroits se sont formés en raison de contexte topographique favorable et de zones d’ombre ponctuelles. Ils constituent des ressources d’eau durables  dans un contexte aride, si les roches sont imperméables.

Cependant on voit que ce n’est pas le climat qui interfère mais plutôt l’activité humaine ainsi que l’évolution des nappes souterraines dans les profondeurs aquifères fossiles héritées de périodes plus anciennes. Les chercheurs ont constaté que les ressources aquifères n’ont cessé de diminuer depuis 7000 ans.

Les puits creusés dans certaines nappes ont permis un apport d’eau non négligeable dans le passé.

2) Les ressources de la vallée du Nil et de déserts environnants.

Comment fonctionnent les hommes dans ce milieu si aride ?

Depuis les temps anciens, des populations nomades s’organisent dans ce désert oriental. On a peu de sources pour les périodes les plus reculées, avant le premier millénaire. Ces hommes nous sont connus par les Égyptiens de la vallée qui se heurtent ou s’associent avec ces groupes.

Dès le milieu du Ve millénaire, les ressources en matières premières poussent les hommes de la vallée du Nil, avant même l’unification, à partir dans le désert oriental. Ils exploitent la pierre dure pour la vaisselle, le quartzite, la turquoise mais aussi l’or et le cuivre présents en faible quantité. Ces voyages sont attestés par les objets retrouvés, des graffitis et des peintures rupestres.

A partir de – 3100, à la fin de la dynastie 0, au moment de la monarchie et d’une autorité unique, une exploitation de l’ensemble des déserts est organisée pour l’élite égyptienne qui affirme son statut dominant par la possession d’objets en matériaux couteux. Une inscription dans le Sinaï riche en cuivre et en turquoise, montre ce phénomène.

Ensuite de vastes entreprises complexes sont mises sur pied, en mode expéditionnaire, afin de fournir en pierres les grands chantiers pharaoniques.

Sur la carte ci-dessus, on voit l’exploitation du sud Sinaï par les Égyptiens. Il faut traverser le désert oriental à dos d’ânes pour parvenir jusqu’au Sinaï. Rapidement sous l’Ancien Empire, dès 2700-2650 avant notre ère, sont utilisés des bateaux en prolongement des expéditions pédestres avec les ânes (attention pas de chameaux). Ces bateaux ont été construits puis démontés pour le transport. Ils seront ensuite remontés.

Donc jusqu’à la période gréco-romaine, les Égyptiens de la vallée fréquentent ce désert par ce mode expéditionnaire. Ils ne vivent pas dans ce milieu mais s’y rendent quand ils ont besoin de ressources. Le long de la mer rouge, des fouilles ont permis de mettre au jour des plates-formes logistiques destinées à accueillir ces exploitations. La plus ancienne est celle de Ouadi-el-Jarf qui a servi sous les règnes de Snéfrou et Khéops, à l’époque des grandes pyramides.

Le port d’Ayn Soukhna, à 50 km de l’actuelle ville de Suez a été très régulièrement occupé entre 2400 et 1 400 avant notre ère.

Pour les trois ports connus en mer rouge, on voit une série de galeries creusées dans le Piémont rocheux.

A Ouadi-el-Jarf, 30 galeries ont été creusées pour servir de dépôt puisque le site n’est pas occupé en permanence. Y sont stockés des bateaux démontés, des jarres, des matériaux précieux. Les galeries sont alors fermées et réouvertes à l’expédition suivante. On a trouvé aussi sur ce site des campements correspondant aux différentes occupations, une jetée en mer, peut-être la plus ancienne au monde (200 mètres sur 200 mètres) et des bâtiments dont l’un contenait une centaine d’ancres. Ce port est rapidement abandonné car sa situation est trop excentrée.

Plus proche de la capitale Memphis, Ayn Soukhna s’avère plus longuement utilisé à cause de ses nombreux atouts. On l’a repéré par des inscriptions rupestres qui mentionnent l’utilisation de 3000 à 4000 hommes sur ce site, la plupart des mineurs exploitant les minerais.

Il a existé une série de 10 galeries dans la montagne, et des campements en pierre sèche dans la partie basse, des habitations, des ateliers, des cuisines et du stockage.

Les galeries ont été creusées sous l’Ancien Empire, puis réutilisées à la période suivante.

Dans l’une des galeries, ont été trouvés des bateaux démontés, ce qui est exceptionnel, car dans ce milieu le bois est réutilisé jusqu’à usure complète. On trouve aussi des restes carbonisés qui stipulent des conflits entre les nomades et les habitants de la vallée. En fait le plafond de la galerie s’est effondré, ce qui a permis de conserver ces traces.

Datant du Moyen-Empire, dans la partie basse, on voit 28 ateliers de transformation du minerai de cuivre rapporté du Sinaï.

Normalement, le traitement du cuivre se fait dans le Sinaï. Ils changent de tactique peut-être car les ressources en bois, en eau et en pierre locale sont abondantes ici. Ont été trouvés 98 fours de réduction. Ce serait presque un proto-port industriel. Les potentialités du site sont bien utilisées. Des abris sous roches économisent les constructions. 

Dès le renforcement du pouvoir central, ces ports permettent d’aller au Pays de Pount après 3 mois de navigation. Ainsi les Égyptiens naviguent et exploitent les espaces désertiques, au même titre que la Nubie ou le Proche Orient.

3) Les sites gréco-romains dans le désert oriental du IVe avant notre ère (dynasties des Ptolémée) au IVe après (la crise de l’empire romain).

Pendant cette époque, le désert continue d’être parcouru pour ses ressources naturelles, l’or, les pierres dures, comme le granit, surtout le porphyre. Il s’agit de traverser cet espace, d’atteindre la mer rouge et ses ports pour avoir accès aux mondes africain, indien et arabe où transitent les biens de luxe, le poivre, les épices et les éléphants.

L’arrivée du chameau (ou dromadaire), au milieu du Ier millénaire avant notre ère,  constitue une véritable révolution. Les populations peuvent ainsi s’installer dans le désert oriental.

Depuis 2013, une récente mission opère des fouilles itinérantes, centrées sur la période ptolémaïque (fin du IVe siècle jusqu’à la fin du Ier siècle avant notre ère), organisées sur deux types de sites : des sites d’extraction de l’or et des forts qui équipaient les routes traversant le désert.

Trois grands forts sont fouillés dont Samut Nord qui a fait l’objet d’une publication l’an dernier.

En 2020, il a été décidé l’exploration du nord de la région qui comprend des carrières impériales, les Porphyrites.

Le choix s’est porté sur Ghozza qui est un site d’exploitation minière aurifère et un lieu comprenant un fort romain sur la route du Porphyrites.

Il y a une superposition d’un fort romain sur une ancienne occupation grecque.

On trouve une centaine d’entrées de mines de quartz aurifère dans l’état hellénistique ; pas de reprise à des périodes postérieures.

Au sud du site, des villages s’organisent en petits îlots occupés par des équipes de mineurs dont on a retrouvé les archives (des ostraca). Ils vivent par groupes de 12 à 15 dont la composition ethnique semble très variée : des femmes et des hommes, des Égyptiens, des Grecs et des Sémites. On imagine des chambrées, des cuisines, des pièces d’entrepôts.

Des pesons pour les métiers à tisser, des outils de mineurs (des pointes) et même un petit balai ont été retrouvés. Le salaire de ces ouvriers est inférieur à ce que gagnait un ouvrier de la vallée.

La découverte de bains très bien conservés, dits à la grecque, suppose la fréquentation de populations plus riches, sans doute des administrateurs de la mine, des Égyptiens de passage ou des soldats. On se pose donc le problème de l’eau, des besoins importants pour une population nombreuse qui utilise des bains à aspersion.

Voici un exemple d’exploitation très fine de l’hydrographie du lieu. Les anciens ont utilisé les crues de l’oued pour creuser des puits mais aussi puiser dans des points d’eau de surface qui sont encore connus des locaux.

4) La traversée du désert ; les routes hellénistiques

Deuxième objet d’étude pour les chercheurs : les routes orientales qui permettent de se procurer les marchandises précieuses : l’encens, le poivre mais aussi les éléphants venant d’Inde, « les chars de l’époque ». Les fortins ont été construits car des guerres ont  éclaté entre les Grecs et les Romains. Les Ptolémée utilisent les ports au sud  de la mer rouge pour se procurer les fameux animaux. Ils se sont lancés sur des pistes caravanières empruntables uniquement en chameaux. On connaît les forts, les stations, les objets qui mentionnent ces expéditions mais on ne savait pas leur tracé exact. Les cartes élaborées jusque-là n’étaient pas très fiables.

Le projet « Desert Network » est une méthode scientifique élaborée, à partir d’expériences actuelles sur le terrain. Une documentation a été modélisée avec des outils numériques. Il s’agit de noter les réalités des déplacements d’une caravane à travers le désert : la pente et la surface, éviter les substrats ou le sable qui blessent les pieds, l’orientation (le repérage est important) et la charge des animaux.

Les récits de voyageurs ont été la première source explorée. Grâce à la modélisation de ces critères, les pistes chamelières ont pu être identifiées, ce qui a permis de trouver des sites méconnus et de dater les lieux déjà ancrés quelques soient les époques.

On peut constater la surexploitation de certains lieux où il y avait une mangrove…

CONCLUSION

Ce désert oriental égyptien continue à être traversé et exploité encore aujourd’hui. Beaucoup de routes sont construites et il est nécessaire que l’archéologie alliée à d’autres sciences se presse car beaucoup de sites anciens pourraient disparaître.