Il aura fallu une phrase « tous les élèves reprendront les cours comme à l’habitude » dans sa lettre aux enseignants ce vendredi 30 octobre à 17h12 pour que Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, sème la confusion sur la rentrée de lundi matin.

Une attaque sans précédent contre l’École

L’assassinat de Samuel Paty, dans les conditions ignobles que l’on connaît par un terroriste islamiste le 16 octobre dernier, a profondément choqué notre profession. S’attaquer à un professeur, s’attaquer à un cours sur la liberté d’expression, s’attaquer à un civil désarmé par ailleurs homme de bien, tous les éléments sont là pour nous plonger dans la stupeur et la colère. Cet attentat s’ajoute à une liste malheureusement bien fournie des victimes du terrorisme. Le Président de la République, conscient de l’ampleur de l’ignominie, a choisi de donner à l’hommage dû à Samuel Paty tout l’éclat dont une nation comme la nôtre est capable. La Sorbonne, la Légion d’honneur à titre posthume, l’audition en urgence par le Conseil des sages de la laïcité de tous les représentants possibles et imaginables de l’enseignement, tout cela va dans le bon sens. Pour tout cela, les Clionautes ont soutenu et/ou ont répondu présents. Nous n’avons jamais caché notre engagement républicain, ni notre volonté d’être toujours une force de discussion et de proposition.

Des contours pour la rentrée définis assez tôt

Les contours de la rentrée du 02 novembre ont été connus assez tôt. Jusqu’à il y a quelques heures, nous étions à peu près tous convaincus que les cours ne reprendraient qu’à 10 heures, pour une séance pédagogique adaptée, suivie après 11h00 par la lecture de la lettre de Jean Jaurès et la minute de silence. Ce format semblait parfaitement à la hauteur de l’enjeu, étant entendu que les professeurs, d’Histoire-Géographie dans la majorité des cas, s’occuperaient de reprendre avec les élèves les éléments de contextualisation indispensables en des temps plus propices. En fait, les seuls éléments flottants restaient le contenu de la séquence de 10h-11h et le cadrage du temps de 8h-10h. Mais, dans le fond, on n’était plus que dans l’affinage.

Une rentrée confuse

En supprimant les deux heures de concertation et en ordonnant le retour à 8 heures, le ministère envoie un signal incompréhensible.

Passons sur le fait que prévenir les personnels et les établissements, qui se sont organisés comme ils pouvaient entre-temps,  le vendredi soir à 17h30 pour le lundi à 08h00, n’est pas ce qui se fait de mieux en matière d’organisation et d’anticipation. Euphémisme. Les quelques arguments entendus dans la presse ne sauraient convaincre. Certains parlent de la crainte d’un attentat. Des attroupements d’élèves devant les grilles à 10 heures sont-ils plus vulnérables qu’à 8 heures ? Pourquoi dans ce cas, ne pas autoriser l’accueil des élèves à 8 heures et maintenir en parallèle le programme prévu ?  Tout cela manque singulièrement de clarté.

Un autre problème concerne la mise en disposition claire et explicite des documents de travail proposés par le ministère. Ces documents ont été annoncés mais très peu ont filtré directement depuis la rue de Grenelle. Heureusement que, dans certaines académies, il y a eu des propositions. Heureusement que des associations comme la nôtre, ont publié des séquences (en accès libre d’ailleurs). Heureusement que, de toute part, des individus continuent de pagayer pour maintenir le navire à flot. Mais est-ce à dire que parce que ces propositions existent, tout est dit, justement ?

Pourquoi ?

Nous comprenons tout à fait que l’urgence du Covid-19, l’urgence sécuritaire face aux derniers attentats, l’urgence sur le front économique engorgent les services. Mais pourquoi vouloir toujours tout tenir d’une même main ? Pourquoi envoyer le signal que, dans le fond, la concertation des enseignants n’est pas essentielle ? Pourquoi plonger les équipes dans le stress un vendredi soir après des vacances éprouvantes ? Pourquoi ne pas laisser sa chance à des gestions plus locales ? Pourquoi ne pas « faire confiance » ?

Oui. Pourquoi ?