« Monsieur, vous avez vu l’affiche qui a été placardée sur les panneaux municipaux ce matin ? ». Visiblement choqué ce lycéen m’a tendu son Smartphone et m’a montré, juste avant que je ne commence mon cours de géographie en classe de première, la dernière opération de communication du locataire de l’hôtel de ville de Béziers. Photo prise à proximité de la place de Gaulle, là où arrivent tous les bus scolaires.
C’est une fois le cours terminé que j’ai pris la mesure du niveau qui avait été atteint matière d’ignominie.
Ces hommes facilement identifiables de par leurs origines, et pour être clairs, leur couleur de peau, qui semblent monter à l’assaut de la cathédrale de Béziers, le message est sans ambiguïté. On renforcera l’effet dramatique par un fond de ciel plombé Merci photoshop !Le plan en contre plongée renforce l’idée de l’assaut qui est donné par ces nouveaux sarrasins contre la citadelle de la chrétienté
Celui qui parlait de réinventer la France de Charles Martel, même si celle-ci n’existait pas encore, s’est trouvé de nouveaux sarrasins à arrêter, pour faire de Béziers le nouveau Poitiers.
À l’évidence quelques leçons d’histoire ont été mal assimilées.

Au-delà de toutes considérations de politique partisane, et dans le strict respect des programmes scolaires, il appartient au professeur d’enseignement moral et civique d’appréhender avec mesure ce qui est diffusé dans les rues de sa cité.

Encore une fois, le message est clair, les migrants sont présentés comme des envahisseurs, qui viennent occuper « notre » centre-ville.

  • Faudrait-il rappeler à l’édile local la différence entre les migrants et les réfugiés ?
  • Faudrait-il rappeler que ces réfugiés qui fuient la guerre, et qui semblent, si l’on en croit cette affiche, monter à l’assaut d’une cathédrale, sont pour certaines d’entre-eux des chrétiens d’Orient, qui fuient le fanatisme, notamment islamiste ?

Mais ce discours de haine, de rejet de l’autre, fait fi de la nuance, et ne s’embarrasse pas de principes.
On pourra sans doute trouver, encore une fois dans le strict respect des programmes scolaires, matière à études de cas.

Enseignement moral et civique: principes et objectifs

Au delà de l’étude de l’image, et elle est déjà extrêmement parlante, on pourra suivre scrupuleusement les instructions suivantes.

  • Une étude de cas à partir d’extraits de jugements montrant la diversité des expressions discriminatoires, avec l’analyse des solutions apportées.
  • À partir de faits observés dans le lycée ou son environnement social, un débat peut être mené, à la fois :

– sur la définition de ce qui est discriminatoire ;
– sur la distinction de ce qui est simplement discriminant de ce qui est discriminatoire ou attentatoire à la dignité humaine

Peut-être pourra-ton également rappeler les règles qui régissent le droit d’asile et notamment ceci.

I. Les fondements du droit d’asile

Le droit d’asile découle du préambule de la Constitution qui affirme que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Il a été consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993 : « Considérant que le respect du droit d’asile, principe de valeur constitutionnelle, implique d’une manière générale que l’étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande ».

Le droit d’asile découle également des engagements internationaux de la France, en particulier de la convention de Genève sur les réfugiés du 28 juillet 1951 et du droit de l’Union européenne, plus particulièrement du règlement (UE) du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale, dit règlement « Dublin », de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011, dite directive « qualification », et des deux directives du 26 juin 2013, portant respectivement sur les procédures et les normes d’accueil.

  • Le devoir de protection des personnes menacées dans leur pays marque la législation nationale qui repose sur 4 principes : une protection élargie,
  • un examen impartial de la demande d’asile,
  • un droit au maintien sur le territoire
  • ainsi qu’à des conditions d’accueil dignes pendant toute la durée de l’examen.

Et c’est visiblement ces conditions d’accueil dignes qui suscitent cette campagne comme l’explique Midi-Libre ci-dessous.

«Dimanche, Midi Libre faisait la lumière sur cette nouvelle polémique. Selon les services de l’État, ce « nouveau » Cada Centre d’accueil des demandeurs d’asile est l’extension de celui, déjà existant de la Cimade. Un nouveau lieu situé avenue d’Estienne-d’Orves qui proposera, à terme, quarante places d’accueil supplémentaires. Ainsi le Cada de la Cimade va passer de 50 places à 90 lorsque le nouveau lieu d’accueil ouvrira. Interrogé, le sous-préfet de Béziers a tenu à souligner que cette extension ne se fait pas « dans le cadre du démantèlement du camp de Calais, mais dans celui de l’augmentation du nombre de places en centre d’accueil ». Christian Pouget précise, également : « C’est une politique nationale, ce n’est pas une politique particulière qui est faite à Béziers, et je rappelle que le droit d’asile est inscrit dans nos textes constitutionnels depuis 1789. »»

Nouvelle polémique autour des migrants

Sans doute que les élèves de Béziers, dont certains ont des arrières grands parents qui fuyaient, comme réfugiés, en 1939 les conséquences de la guerre civile espagnole, sauront appréhender avec lucidité cette situation.
Et une fois de plus, professeurs d’histoire, de géographie, d’enseignement moral et civique, nous serons dans notre rôle, d’éveilleurs de consciences, et de passeurs de savoirs…

Bruno Modica
Président des Clionautes
Lycée Henri IV – Béziers

Les Clionautes sont une association de spécialistes qui s’inscrit dans une démarche pluraliste. Notre engagement contre les dérives en matière de communication du locataire de l’hôtel de ville de Béziers tout comme à propos de ses saillies sur l’histoire s’inscrit résolument dans notre champ de compétences et en dehors de toute référence partisane. Professeurs d’histoire, de géographie, d’enseignement moral et civique nous sommes des sentinelles contre cette démarche de clivage qui menace la paix civile dans la Cité. C’est la raison pour laquelle je publie ci dessous cette lettre du député de la VIe circonscription de Béziers, et son appartenance à une famille politique n’est absolument pas déterminante. Élie About s’inscrit avec ses références et ses choix dans le champ républicain. Il a été à nos côtés à plusieurs reprises et son point de vue mérite d’être connu et bien entendu débattu.