Déconfinement oblige, je me suis mise en quête des expositions disponibles à Paris et je ne pouvais  faire l’impasse sur celle consacrée à Napoléon à la Grande Halle de la  Villette !

Je ne reviendrai pas sur les polémiques stériles du moment qui essentialisent Napoléon. Je me contenterai de rappeler que le bicentenaire de sa mort ne force personne à se rendre à cette exposition, ni à lire le moindre écrit consacré à l’Empereur. S’il ne faut pas commémorer ni exposer Napoléon, autant fermer Fontainebleau, les Invalides ainsi que tous les Musées en France où il est déjà mis en avant directement ou indirectement. Mais je ne suis pas sûre que la connaissance en sortirait renforcée, contrairement à l’ignorance. Le personnage, son poids et son rôle dans l’histoire de France et de l’Europe, justifient une telle exposition.

Donc, Napoléon me voilà ! Disons-le, l’organisation n’a rien à voir avec la précédente exposition de la Villette consacrée à Toutankamon où le public se marchait quasiment dessus pour voir les pièces exposées. Ici, Covid oblige, la visite s’effectue dans des conditions impériales, la masse des visiteurs ayant été réduite. Si votre billet est prévu pour 10h30, prévoyez d’arriver à 10h, le temps de passer les contrôles, l’entrée débute en réalité vers 10h15.

La scénographie semble désormais fixée pour ce type d’exposition événementielle. Nous avons un point de départ – un film- et un point d’arrivée : une représentation du héros. Entre les deux, l’exposition suit un scénario établi, selon un fil à la fois chronologique et thématique. Le film présenté en introduction est destiné à resituer le jeune Napoléon dans son époque, celle de la Révolution. Le film est au mieux réducteur, au pire navrant pour un(e) historien(ne) : tape à l’œil, avec un commentaire réducteur et caricatural à souhait. Marie-Antoinette est chargée de tous les maux des années 1780 tandis que la Révolution est réduite à un bain de sang d’où émergent de manière contradictoire les droits de l’Homme. Le film se termine par une mise en lumière d’une série de bustes placés sous l’écran. Réalisés par Eugène Guillaume sous le Second Empire, ils représentent Napoléon Bonaparte à diverses époques de sa vie et au milieu desquels s’impose celle du législateur[1], le tout sur fond musical pop reprenant le refrain de Napoleon says du groupe Phoenix, dont les membres sont originaires de… Versailles!

L’exposition se subdivise en neuf parties, allant de Brienne (1779-1784) aux derniers feux (1815). Elle débute concrètement avec quelques rares souvenirs de la jeunesse de Napoléon Bonaparte écolier : son bureau et deux livres lui ayant appartenu avec, en guise de fond, l’image d’Épinal par excellence : l’illustration de Job où l’ombre du jeune Bonaparte se projette de manière prémonitoire sur la carte de l’Europe. Un extrait du film mythique d’Abel Gance est proposé en prime[2].

exposition Napoléon
Job (1858-1931)« Bonaparte » (1910), illustration.

Puis, nous rentrons dans le vif avec les deuxième et troisième parties de l’exposition intitulée « un soldat de la Révolution (1795-1799) » et « la République de Napoléon (1799-1804) », exposant  des tableaux et des cartes animées qui nous présentent les différentes campagnes : celles d’Italie ; la campagne d’Égypte et de Syrie qui n’oublie pas en parallèle de présenter une copie de la pierre de Rosette. Bien entendu, le tableau de Jacques-Louis David Bonaparte, Premier consul, franchissant le Grand-Saint-Bernard, le 20 mai 1800, est présent.

exposition Napoléon

Au centre, « l’Empereur » propose à la vue des visiteurs le trône impérial, prêté pour l’occasion par le Sénat et encadré par les portraits officiels de Napoléon 1er et de Joséphine. Tout autour, se déploient les réalisations majeures de Napoléon : le Code Civil, le Franc, le Concordat, l’urbanisme parisien, (tiens! Rien sur le baccalauréat), le rétablissement de l’esclavage. Cet aspect abordé essentiellement par deux capsules vidéos laisse la parole à deux historiens spécialistes de la question : Frédéric Regent et Jean-Pierre Sainton. En effet, plus généralement, l’exposition fait la part belle aux capsules vidéo consacrées à diverses questions : la réorganisation du culte juif, la police, la société…. Vidéos qui incitent ainsi le visiteur à écouter la parole des historiens et des spécialistes du sujet. Le tableau de David ayant pour sujet le sacre de Napoléon n’est pas là pour des raisons compréhensibles, mais il est remplacé par une animation qui le décrypte dans ses moindres détails.

exposition Napoléon

L’exposition nous invite également à découvrir l’homme intime. On peut rester perplexe face au choix faussement glamour de Lou Doillon qui, dans une vidéo, déambule casquette vissée sur la tête, en lisant des lettres enflammées de Napoléon à Joséphine ; personnellement, j’aurais préféré une lecture effectuée par un homme. Ce détail est peut-être inutile, je pinaille sans doute, mais si l’on prétendait (me) faire découvrir un Napoléon romantique, c’est raté!

 Enfin vient la vaste partie consacrée à la Grande Armée et aux batailles, des victoires à la défaite, l’ensemble étant surplombé par un extrait opportun du film d’Yves Angelo le Colonel Chabert (1994), avec la scène de la charge. Sont présentés entre autres aux cotés de tableaux rappelant ses victoires, la tente et le lit de camp de l’Empereur, son bicorne et son manteau, ainsi qu’une carte annotée par ses soins. Mais il est dommage que les uniformes soient présentés dans cette obscurité qui semble là aussi devenir une norme (je ne vous ai pas parlé de celle consacrée à Gabrielle Chanel au musée Galliera mais le défaut est similaire)[3].

L’exposition se termine sur la défaite, les Cent Jours, et quelques pièces maîtresses : le bureau et la plume sur et avec lesquels il signa son abdication, son masque mortuaire et la statue de Vincenzo Vela, Les derniers moments de Napoléon Ier à Sainte-Hélène, réalisée en 1866. Paradoxalement, c’est sans doute à ce moment de l’exposition que l’homme s’incarne le plus.

exposition Napoléon

 

Manque-t-il quelque chose à cette exposition ? Pourquoi ai-je eu une impression de saupoudrage, pas forcément justifiée, si l’on considère la présence de 150 pièces prêtées pour l’occasion par le Sénat, le Palais de l’Élysée, Versailles, Fontainebleau, Rueil Malmaison et  les Archives nationales… Peut-on regretter l’absence de quelques pièces venant de collectionneurs privés, fans au sens premier du terme, de l’Empereur ? Manque-t-il une partie consacrée à la « Légende » ? Aux inspirations ultérieures ? Aux critiques et aux caricatures de son vivant ?

Mais ne boudons pas le plaisir face à cette exposition. Je terminerai avec une ultime recommandation : pour avoir tendu l’oreille et apprécié leurs explications, n’hésitez pas à effectuer la visite avec l’aide d’un guide conférencier!

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Photos : Cécile Dunouhaud

Napoléon l’exposition : détails pratiques disponibles ICI

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[1] Ces bustes et cette statue ont été commandés à l’époque par Napoléon III. Elles étaient destinées à orner sa fameuse demeure parisienne appelée la « maison pompéienne ».

[2] Abel Gance Napoléon, film muet de 1927.

[3] À titre personnel, je recommande la visite du musée de Fontainebleau où les effets de Napoléon sont nettement plus visibles (et plus nombreux), ainsi que le musée international des hussards situé à Tarbes qui donne tout son sens à l’expression « prestige de l’uniforme ».