Je trouve son analyse intéressante mais il y a une chose que je ne comprends pas: T.Rebour fait allusion à la fin de l’empire romain qui correspondait si j’ai bien compris à un phénomène d’étalement lié à la rente foncière. Pour moi, la fin de l’empire romain évoque les invasions et le repli des populations derrière des murailles (comme dans le cas de Sens qui construit son castrum au IIIème siècle). Veut-il parler de la fin de l’empire romain avant sa chute ou au moment de la chute?

L’érection de murailles oui mais des murailles qui entourent des villes dont la population a été divisée par 5 ou 10 donc il s’agit d’un déclin urbain. Une grande partie de la population manquante est partie à la campagne. La preuve de ce déclin urbain est l’installation des souverains mérovingiens dans des villas rurales.
Aujourd’hui les flux sont centrifuges dans les pays développés comme à la fin de l’empire romain sauf que dans ce dernier cas, cela a duré environ 700 ans, période marquée par la disparition de villes.

J’ai un problème avec la question la primacie/tie, primauté. je crois avoir entendu l’année dernière à propos de Moscou une comparaison avec Paris.
L’une des deux était censée être macrocéphale et l’on insistait sur la primatie de l’autre. Bizarre.
Je sais qu’il y a un rapport de 5 à 1 entre Moscou et Saint-Petersbourg. J’ai calculé un taux de primatie(?) de 6,9 pour Paris/Lyon ou Paris/Marseille (agglos) ce qui doit nous rapprocher du Caire qui doit être à 7 sauf erreur. Me suis même amuser à rentrer quelques noms de villes dans un tableur pour calculer la primauté de telle ou telle dans région voire son département (7 en MD pour Toulouse mais le MP n’est pas une région au sens géographique).
Reste que j’ai du mal à comprendre comment les gens peuvent opposer
primatie et macrocéphalie. Brunet écrivait dans Les mots… que primauté
convenait amplement puisque primatie n’est que l’anglais de primauté. J’ajouterais que les non anglicistes croient toujours définir de nouveaux concepts quand il ne font que découvrir des mots…
S’il y a macrocéphalie dans beaucoup de pays pauvres, en Autriche, au
Paraguay (sauf erreur), cela ne se manifeste t-il pas d’abord et
justement par un taux important de primatie ? Idem pour la macrocéphalie
de Paris à l’échelle nationale, non ?

Je vous invite à parcourir sur le site e-geopolis mon HDR « Hiérarchies urbaines. De l’organisation trimorphique de l’espace géographique ». Vous y trouverez nombre de développements sur ces questions.

Néanmoins, l’on peut dire que primauté et primatie ont sensiblement le même sens, la primauté se rapportant à la qualité de la ville, la primautie à l’état d’un réseau urbain au sein duquel une ville domine les autres. Ainsi l’on pourrait parler de la primauté urbaine de Paris et de l’aspect primatiale de Paris sur le réseau urbain français.
En fait, il faut remonter au début des années 80 pour évoquer le binôme macrocéphalie/primauté. Cuervo, un géographe sud-américain a publié une thèse en 1983 (ou 1984) intitulée « Primauté urbaine en Amérique latine », thèse dans laquelle il se refusait à employer le terme de macrocéphalie car il se rapportait à une maladie. L’utiliser aurait donc voulu dire qu’un réseau urbain avec une ville dominante était un réseau malade or cette situation s’observait dans nombre de pays en développement et il trouvait à ce terme une coloration un peu trop colonialiste. Il l’a donc remplacé par primauté.

Dans « hiérarchies urbaines », je tente de comprendre le pourquoi de la primauté urbaine car en fait beaucoup d’études s’y sont intéressées mais aucune n’a vraiment fait émerger de corrélation significative pour l’expliquer. Il faut déjà commencer par ne pas simplement étudier la primauté car il arrive assez fréquemment de trouver plusieurs villes dominant un réseau urbain (Espagne, Italie) et a primauté est un particulier d’hypertrophie métropolitaine.
L’histoire des pays peut fournir un certain nombre d’explications à la domination d’un réseau urbain par une ville (centralisation) ou plusieurs villes (unification de plusieurs états ou régions en un seul : Italie).
Ensuite, on peut tenter de mesurer les écarts entre les villes mais nombre d’indices ne sont pas totalement satisfaisants ; tel est le cas de l’indice des 4/6 (indice des 4 plus grandes villes sur les 6 suivantes). Pour reprendre ce dernier indice, il faut tenter de le corréler avec des indicateurs socio-économiques et l’on observe que plus les inégalités sociales sont importantes, plus il y a hypertrophie d’une ou des plusieurs métropoles. La meilleure corrélation que j’ai trouvée est celle de l’indice des 4/6 avec l’indice du nombre de médecins par habitant (-0.5). Résultat : Moins il y a de médecins, plus il y a d’hypertrophie.
Ceci nous fait revenir à l’histoire car il faut garder à l’esprit que ces mesures restent difficiles à réaliser car un réseau urbain se construit dans le temps long. Ainsi, l’on remarque que les révolutions industrielles sont synonymes d’hypertrophie métropolitaine car ce furent des moments d’explosions des inégalités. L’hypertrophie métropolitaine a par ailleurs augmenté dans le temps ; elle est actuellement plus importante que lors de la révolution industrielle car le PIB mondial ayant augmenté, les plus riches ont pu ou peuvent devenir plus riches alors que les pauvres restent aussi pauvres donc les inégalités s’accroissent et au final, l’hypertrophie métropolitaine s’accroît aussi.

Et si l’on pousse plus loin le questionnement, on peut se demander pourquoi dans un monde de plus en plus inégalitaire, le réseau urbain reste très équilibré car l’hypertrophie reste une exception concernant le sommet des hiérarchies urbaines ?