Les émissions  de gaz à effet de serre urbaines représentent 70% des émissions globales et pourraient augmenter encore avec le doublement de la population  urbaine d’ici 15 ans. Le contrôle de ces émissions nécessite la mise en place de mesures indépendantes pour suivre l’efficacité des politiques mises en œuvre. Face à ce constat quelles mesures peuvent être prises par les maires pour préparer les communes aux dérèglements climatiques désormais inévitables ?

Thomas  LAUVAUX chercheur au CNRS à Paris Saclay et Nicolas FALEMPIN responsable environnement d’une collectivité territoriale

Intervention de N.Falempin : Pourquoi agir ?

Rappel des risques principaux qui exigent transformation :

  • Pénurie d’énergie fossile  dans 20 ans ou plutôt fin du pétrole abondant : on a atteint un pic de production et un épuisement des réserves (il faut désormais 1 baril de pétrole pour extraire 12 barils, contre 100 il y a 50 ans)
  • Pénurie alimentaire prévisible si on ne change pas de modèle
  • Effondrement de la biodiversité d’ici 2050 (- 41%d’insectes) avec risque accru de pandémies
  • Risque économique lié à l’endettement (dette mondiale qui a doublé depuis 2008) qui accroit le risque bancaire et peut entraver le financement de la transition énergétique
  • Le changement climatique avec accélération de CO2 dans l’atmosphère et hausse des températures (entre 2 degrés et 7 degrés d’ici 2100 si la progression des T° est la même qu’actuellement) avec des sécheresses (15% du territoire national concerné en 2015) et records locaux de températures (42degrés dans le grand EST,51/52 degrés en 2050!)

Donc il y a des choses à faire !

La volonté politique se décline à différents échelons : Etat, Région (18), Départements (101) Intercommunalités, Communes (32968).
Actuellement  l’Etat ne fait pas ou peu de choses : il a mis 13 vetos sur les propositions de la Convention citoyenne.
Exemple: décision de maintenir  la TVA sur le train et kérosène détaxé pour l’avion ! Autre exemple, la protection de l’air : le PLUI est nécessaire mais l’intercommunalité est élue au suffrage indirect. Donc, il faut agir au niveau local , grâce à des collectifs de citoyens pour soutenir les actions des politiques ou infléchir ou faire pression si nécessaire. La commune reste donc un échelon intéressant car les maires sont élus.

Les villes ont besoin de changer maintenant pour atteindre au plus vite la neutralité carbone!

De plus nous ne sommes pas égaux dans la production de carbone : si pour un Français c’est en moyenne 11 à 12 T de CO2 émis par an, c’est 55 à 60 T pour les Français les plus riches.

Retenir que les Régions font les schémas et fixent les objectifs mais ce sont les Communes qui agissent : elles ont les compétences d’influencer, décider, changer de fournisseur d’énergie ou de gestion de l’eau par exemple.

Comment agir au niveau local ?

  • préparer la transition en établissant  des plans progressifs et identifier les ressources, les compétences, identifier les besoins, les espaces à protéger.
  • rendre son territoire résilient (solaire,vélo produire localement, préserver la biodiversité dans le rues, les espaces verts, réduire le nombre des chaussées à entretenir car c’est le 1er poste de dépenses avec 12 milliards d’euros en 2019).
  • accompagner les habitants : proposer des alternatives, par exemple des transports en commun, des pistes cyclables,des ressourceries, une gestion des déchets… et sensibiliser à la démocratie locale.
  • gérer la cité durablement  en établissant des conventions citoyennes locales qui prévoient quelles transformations doivent être faites dans la localité ou l’intercommunalité dans les 20 ans à venir, ou quels projets doivent être bloqués (grandes surfaces, 5G, installation d’Amazon, lotissements…)

Conclusion : on peut agir, tout de suite, c’est le dernier mandat où il faut agir…

Lien : www.solutionslocales.fr/livre-commune-transition-écologique

Une intervention dynamique, claire, militante et investie.

Intervention de Thomas LAUVAUX : Les chercheurs viennent au secours des villes

Quelques rappels qui invitent à agir :

L’équation de Kaya relie les émissions anthropiques de dioxyde de carbone à des paramètres démographiques, économiques et énergétiques dans le temps. Pour faire simple :richesse = CO2 (exemple le monde émettait 2tep carbone en 1960,il en émet 10 tep aujourd’hui. On est dans le monde du charbon et non du pétrole (300 ans de réserve pour le charbon,60 pour le pétrole). D’où une accélération des émissions de la Chine et de l’Inde.

60% des population vit désormais dans des villes et ce taux d’urbanisation ne cesse d’augmenter en Asie et en Afrique

70% des émissions de gaz à effet de serre vient des villes.

Quel rôle les villes peuvent-elles jouer ? Comment peuvent-elles faire leur bilan carbone ?

Pour l’inventaire des émissions carbone de villes et métropoles, chaque ville a son protocole, et chacun attribue les émissions les plus lourdes aux autres. Il y a plusieurs protocoles de mesure possibles : chaque ville peut choisir son protocole, donc les résultats peuvent être infléchis et cela introduit une grande incertitude pour la fiabilité des données collectées. Exemple : Les sociétés privées qui agissent  au niveau des villes sous- évaluent systématiquement les données, en sortant des mesures soit une usine, un aéroport voire un port afin d’améliorer le bilan carbone de leur ville cliente. Ainsi les sous-estimations seraient de 50 à 100% ! Les émissions produites par le fioul ne sont pas comptabilisées. Les Collectes de données sont imprécises du fait de le non-transmission des émissions de grandes entreprises privées.

Que peut -on faire pour avoir des mesures fiables concernant les émissions carbone des villes ?

  • mettre en accord les mesures nationales avec les mesures des villes
  • faire appel aux chercheurs qui accorderont les méthodologies : mesurer les émissions de CO2 par jour/semaine par un suivi atmosphérique , analyser le panache de la ville, trouver des capteurs de mesure d’air sur les toits des villes qui coûtent moins cher (1 capteur actuellement coûte 70000 euros !)

En conclusion :  le but toutes ces mesures est de rendre l’action politique mesurable

Mettre en place un outil cohérent permettrait  à chaque quartier  de connaître sa météo des émissions et bilan CO2 afin de savoir si l’action publique a des effets.

La politique la plus efficace pour les villes afin de réduire ses émissions est d’agir sur les consommations domestiques des habitants (chauffage et climatisation) : la question de l’isolation des bâtiments est devenue centrale.

Les contraintes ne manquent pas : certaines décisions ont besoin de données précises pour agir, or le mandat municipal est de 6 ans, de plus le temps du bilan est long et le souci central est également l’endettement des villes qui ne doit pas excéder 10 ans…

Au total 2 exposés complémentaires, vivants précis et riches qui ont séduit vos rédacteurs attentifs et impliqués… pour la bonne cause des Clionautes.

Catherine et Pierre