Depuis le début, les Clionautes n’ont jamais fermé la porte à l’idée d’une réforme du baccalauréat. Nous pouvions éventuellement ne pas être d’accord sur la forme finale prise par tel ou tel exercice ou élément du programme mais nous gardions en tête que l’histoire du baccalauréat depuis sa transformation en diplôme d’État en 1808 est jalonnée de ruptures.

Vigilants quant aux conditions de la transition entre l’ancien et le nouveau système, nous avons toujours profité de nos audiences au ministère pour prévenir les difficultés que les épreuves de contrôle continu ne manqueraient pas de poser : insertion des épreuves dans le calendrier scolaire, cadrage de la correction, rémunération des copies, préservation de l’égalité de traitement entre les candidats, indépendance de la correction face aux pressions locales, harmonisation des résultats au sein de l’établissement et des bassins académiques, articulation avec les bacs blancs pour l’année 2019-2020, problème du cumul de la correction avec les charges habituelles de cours, numérisation des copies, etc. Si nos remarques ont toujours été accueillies avec respect, nous aurions préféré qu’elles soient entendues. Une grande partie des difficultés observées aujourd’hui avait déjà été dûment signalée.

Reconnaissons toutefois que la situation est devenue tellement ubuesque que nous n’avions même pas envisagé le caractère inouï de certaines situations. Le dernier exemple en date concerne la numérisation des copies. Les scanners achetés on imagine à grands frais ne permettent pas de reproduire les couleurs claires. Mais comment une telle aberration est-elle possible ? Comment du matériel professionnel pourrait-il faire moins bien qu’un bon vieux scanner domestique correctement paramétré ? Plus concrètement, les établissements qui ont choisi l’épreuve de cartographie pour cette session doivent-ils changer les sujets ? Sur le fond, disons-le, nous ne comprenons pas pourquoi tout doit être absolument numérisé pour la correction alors que tout se fait au sein d’une même équipe. Par nos nombreux adhérents dans les lycées français de l’étranger, nous savons bien qu’il y a des établissements qui devront procéder à des échanges de copies mais ce n’est quand même pas une configuration si fréquente. Puisque la finalité reste l’archivage, pourquoi ne pas numériser après la correction papier ?

Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Nous n’avons pas encore parlé du bourbier goudronneux de la Banque nationale de sujets dont l’ouverture annoncée pour octobre, repoussée à novembre, n’a été effective… qu’une semaine avant les vacances de Noël. Nous n’avons pas parlé du flou constant entourant la rémunération de la correction. Les 50 euros par paquet de 35 copies seraient la norme mais où est le document officiel qui en parle ? Les consignes aux correcteurs, arrivées elles dans nos boîtes mails académiques le 10 janvier dernier, réclament que les « appréciations et commentaires soient les plus détaillés et explicites possibles ». À moins de deux euros la copie, avec un temps d’écran rallongé, sans corrigé national et en cumul avec toutes les charges habituelles de notre travail, il faudrait en prime donner dans l’horlogerie suisse ?

Depuis septembre, les administrations, les inspections et la communication ministérielle ne cessent de nous perdre en réponses dilatoires. Depuis septembre, nous assistons tous les jours à une désorganisation sans précédent qui a de quoi décourager même les plus persévérants d’entre nous. Les résultats de notre enquête sur la mise en oeuvre de la réforme dans les territoires en témoignent. Signe des temps, notre propre association est assaillie quotidiennement de demandes émanant des familles elles-mêmes autour des E3C, des cours, des points de passage, etc. Les enseignants sont perdus, les familles sont perdues et au-delà de tout, les élèves sont perdus.

Mais que faut-il donc faire pour que le principe de réalité s’impose enfin ?

Des blocages, des refus de tenir les épreuves ou des manifestations sont d’ores et déjà annoncés et ce parfois dans des lycées réputés comme Louis-le-Grand et Henri IV à Paris, Lakanal à Sceaux ou d’autres établissements de province (Daudet à Nîmes).  Même des personnels de direction, pourtant habituellement avares de confidences, se sont inquiétés publiquement des nouvelles conditions d’examen. La communication des diverses centrales syndicales font état d’une mobilisation lycée par lycée tout à fait rare.

Les E3C commencent lundi 20 janvier. Il est encore temps d’éviter le pire.

Nous recommandons l’annulation des E3C1. 

Pour cette promotion, les 30% de contribution des E3C au baccalauréat peuvent tout à fait ne reposer que sur deux séries d’épreuves (une en Première, une en Terminale). Nos élèves actuels ne sont pas prêts et, à la différence des cohortes futures d’élèves, ils n’ont pas pu préparer les exercices depuis la Seconde.

L’école de la confiance se joue maintenant.

Le Comité éditorial.